Propositions

Propositions de résolution

PR n°4160 - tendant à la création d’une commission d’enquête sur le scandale des prothèses mammaires et de l’ex-société PIP : Poly Implant Prothèse

présentée par Mesdames et Messieurs les député-e-s :
Alain BOCQUET, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Martine BILLARD, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Marquée par le développement du scandale du Médiator, antidiabétique des laboratoires Servier qui serait responsable de la mort de 500 à 2 000 personnes, l’année 2011 a vu également éclater au grand jour le scandale des implants mammaires de l’ex-société Poly Implant Prothèse (PIP), mise en liquidation judiciaire en 2010. Deux affaires qui mettent en cause l’organisation, l’efficacité et la fiabilité des dispositifs d’évaluation, d’autorisation et de contrôle de nos services de santé, et les politiques suivies en ces matières.
En janvier 2011 dans le cadre de l’affaire du Médiator, des enquêteurs de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) mettaient en exergue, a rapporté la presse, la présence au sein de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), d’experts « inexplicablement tolérants à l’égard d’un médicament sans efficacité réelle », et une structure – l’AFSSAPS – « lourde, lente, peu réactive, figée ».
Le procès à venir reviendra sur les causes et conséquences de cette affaire, sur les responsabilités aussi.
Dans une interview donnée au journal l’Humanité le 14 janvier 2011, une pneumologue de l’Hôpital de Brest, auteur de l’ouvrage « Médiator 150 mg, sous-titre censuré » expliquait la nécessité pour le ministère de la Santé de « redéfinir le métier d’expert. Certains experts de la Haute Autorité de Santé sont liés aux laboratoires et donnent leur point de vue. Il faudrait un filtre avec des experts indépendants, rémunérés en tant que fonctionnaires de la santé publique, avec interdiction formelle d’échanger avec l’industrie pharmaceutique. On pourrait aussi faire participer davantage de revues et des associations indépendantes comme Prescrire ou le Formindep. Enfin il y a la question de la transparence. Actuellement les experts sollicités dans les commissions doivent dire d’eux-mêmes pour qui ils travaillent, mais pas combien ils gagnent ni la nature de leurs échanges avec les laboratoires. On n’a pas accès à leurs rapports … les experts devraient être soumis à une vraie déontologie de déclaration de conflits d’intérêts, vérifiables. Les laboratoires devraient déclarer les rémunérations personnelles et institutionnelles allouées à ces experts, ainsi que le nombre d’invitations, de conférences ».
On a failli voir promue fin novembre 2011 à l’AFSSAPS une ex-expert des laboratoires Servier. Les risques de collusion d’intérêts demeurent donc présents. Ils n’ont pas été écartés par la loi de « renforcement de la sécurité sanitaire » adoptée en décembre 2011 par la majorité de l’Assemblée, dont cette affaire même souligne déjà les limites et fait douter de l’efficacité.
Dans le cadre de l’examen final de ce texte contre lequel ont voté les députés communistes, nous avions rappelé la faille fondamentale de notre système du médicament qui « ne cloisonne pas suffisamment les intérêts sanitaires, les intérêts industriels et les intérêts économiques des laboratoires (…) les décisions rendues pour des motifs sanitaires par l’Agence sanitaire des produits de santé, par la Haute autorité de santé ou par le Conseil économique des produits de santé, qui forment la chaîne du médicament, sont parasitées par leurs conséquences sur le chiffre d’affaires des laboratoires ».
Or le texte défendu par le gouvernement et adopté par sa majorité le 19 décembre 2011 n’écarte pas le risque de conflits d’intérêts et ne fait pas droit à l’exigence de transparence totale alors, avons-nous souligné, qu’il serait nécessaire de « rompre tous les liens entre ceux qui produisent les médicaments et ceux qui les évaluent ».
Les médicaments soignent, mais ils peuvent également tuer a rappelé notre collègue Jacqueline Fraysse en contestant le refus du gouvernement de « nos amendements visant notamment à inscrire dans la loi la possibilité d’initier des actions de groupe pour renforcer le droit des victimes ».
Dans la catastrophe sanitaire mondiale de l’ex-société PIP – on évoque le chiffre de 400 000 prothèses mammaires diffusées dans une soixantaine de pays – les faits peu à peu mis à jour questionnent le rôle de la puissance publique et confirment l’insuffisance des dispositions de certification, de suivi, de contrôle … Au cœur de ces interrogations, là encore l’AFSSAPS.
D’abord parce qu’il n’est pas établi de façon définitive à ce jour, que la lettre d’avertissement de la Food and Drug Administration (FDA), agence du médicament américaine, envoyée dès juin 2000 au fondateur de la société PIP pour des manquements graves, n’ait pas été portée à la connaissance de l’Agence française.
Ensuite parce que d’autres faits, postérieurs et publiquement mentionnés, renvoient aux mêmes questions et interrogent la responsabilité de l’AFSSAPS. Au nombre de ces faits le procès intervenu en 2006 en Angleterre pour des malfaçons sur les produits PIP, et la condamnation de la société PIP à verser 1,4 million d’euros.
Fin 2011, un avocat d’une association de plaignantes, déclarait : « PIP a traité directement avec les femmes porteuses de ses prothèses en 2007-2008 et cela aussi bien en France qu’en Grande-Bretagne. PIP aurait proposé 1 500 euros et une paire de prothèses à des femmes non satisfaites. L’information ne remontait pas aux cliniques ni à l’AFSSAPS » conclut l’avocat. L’information ne remontait pas ; mais les nombreuses plaintes déposées aux États-Unis dès 2000, le procès en Grande-Bretagne et l’alarme tirée en 2008 par un chirurgien marseillais n’auraient-ils pas dû susciter une mise en alerte et une réaction immédiate des services concernés ?
Quand un autre avocat, défenseur de quatre plaignantes visant la société PIP, l’organisme allemand TUV qui certifiait le gel des implants et des chirurgiens, estime que « l’AFSSAPS n’avait pas les moyens de déceler que TUV [pourtant désigné par ses soins] n’était pas sérieux », comment ne pas poser et se poser la question des compétences et effectivement, des moyens de l’Agence ?
On parle de 30 000 femmes concernées en France, que des campagnes sournoises d’opinion tentent de stigmatiser ! Et les Agences régionales de santé sont apparemment incapables de dire aujourd’hui avec certitude, quelle a été la pratique des hôpitaux et des cliniques depuis plus de dix ans ?
La très récente décision gouvernementale de « recommander » aux victimes concernées l’explantation de ces implants, vient bien tard dans ces conditions. Elle représente un coût estimé à ce jour à 60 millions d’euros pour la Sécurité sociale. Mais, alors que déjà une vingtaine de cas de cancers est recensée chez les utilisatrices, qu’en sera-t-il demain de cette situation sanitaire, si l’imputabilité est établie et que ces prothèses s’avèrent cancérigènes ?
Cette interrogation est d’autant plus nécessaire qu’en France, presque 10 % des femmes développent un cancer du sein et que 30 % de ces cancers nécessitent une ablation du sein malade.
L’avocat de PIP a reconnu au micro de France Info que l’un des gels utilisés n’avait pas : « il est vrai, reçu l’agrément des normes françaises ». Des informations font état d’un coût dix fois moindre, qui aurait permis un million d’euros d’économie par an.
« Le problème est un problème de prix de revient et de coût, donc de bénéficie, ajoute cet avocat. C’est une démarche capitaliste, et c’est comme ça. Le reste c’est de la philosophie. Ce n’est pas bien (…) mais c’est comme ça ».
De telles déclarations cyniques sont intolérables et ne peuvent laisser sans réaction l’Assemblée nationale.
Des procédures judiciaires sont en cours. Plus de 2 400 plaintes ont été déposées et enregistrées. Le gouvernement vient de demander des enquêtes à la Direction générale de la Santé et à l’AFSSAPS.
Mais il est de la responsabilité de la Représentation nationale d’intervenir dans cette affaire. Il lui appartient en effet de s’interroger sur la genèse des faits, l’ampleur du problème de santé posé non seulement en France mais dans le monde.
Et de rechercher en outre quelle est précisément la situation de ce secteur de l’industrie de santé dans notre pays. Quelles entreprises y investissent leurs efforts ? Pour quelles activités et sous quels contrôles ? Car force est de se demander si l’ex-société PIP constituait en cas isolé.
Il faut également examiner les dysfonctionnements survenus, mais aussi les insuffisances des dispositifs et procédures de certification, d’homologation, de contrôle, de traçabilité. Et quelles propositions peuvent être dégagées, en liaison avec la réflexion engagée au plan européen sur ce point.
Il lui appartient de réfléchir aux suites que cette affaire nécessitera de définir, pour l’évolution du droit des victimes ; ce qui renvoie par exemple, à la proposition de mise en place d’actions de groupe rejetée dans le cadre du débat sur la loi de « renforcement de la sécurité sanitaire ».
Toutes ces questions et celles, majeures, des conséquences de cette affaire et de celle du Médiator, sur la confiance de nos concitoyens dans leur système de santé ou sur l’image de la France et de ses industries pharmaceutique et du médicament à l’étranger, justifient la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le scandale sanitaire de l’ex-société PIP.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
En application des articles 140 et suivants du règlement, est créée une commission de 30 membres chargée d’enquêter sur le scandale des prothèses mammaires et de l’ex-société PIP : Poly Implant Prothèse.

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Alain
Bocquet

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