présentée par Messieurs les députés :
Jean-Jacques CANDELIER et André GERIN,
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Israël est un de nos premiers partenaires en matière de coopération sécuritaire et militaire.
Celle-ci se concrétise principalement dans la formation, avec trois écoles nationales à vocation régionale, et l’accueil en France de nombreux stagiaires. Elle vise à l’aide à la réorganisation des forces armées (exercices conjoints, échanges stratégiques, entraînements collectifs, participations d’officiers de l’armée de l’air israélienne à des simulations de guerre électronique, d’attaques de sites-radars sur les bases de Biscarosse et de Cazaux, entraînement de militaires français à la contre-guérilla urbaine en Israël...). Israël a une délégation militaire en France.
Nous assistons depuis 2007 à un accroissement substantiel des échanges d’expertise (coopération très technique au niveau des armées de terre et de l’air, relations entre nos deux marines, coopération dans le domaine du renseignement) et des rencontres de haut niveau.
Les relations en matière d’armement avec Israël(1) – qui ne font plus l’objet d’un embargo depuis 1974 – sont également en recrudescence. La France constitue aujourd’hui le premier exportateur d’armes de l’Union européenne à destination d’Israël(2).
Pour Mme Claude Léostic, présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, « le matériel envoyé vers Israël quel qu’il soit est toujours une source d’inquiétude car nous n’avons pas la certitude que celui-ci ne sera pas utilisé dans les violations du droit international et du droit international humanitaire dont se rend coupable le gouvernement israélien à l’encontre des populations civiles palestiniennes ».
L’appréciation du Gouvernement pour autoriser des exportations d’armes se fonde, normalement, sur les critères de la position commune 2008/944/PESC du Conseil de l’Union européenne du 8 décembre 2008 (ex-code de conduite européen). Ainsi, pour accorder les licences d’exportation aux exportateurs établis en France, l’autorité administrative doit s’assurer :
– du respect des obligations et des engagements internationaux des États membres, en particulier des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations-Unies ou l’Union européenne, des accords en matière de non-prolifération, ainsi que des autres obligations internationales ;
– de l’absence de risque manifeste que les matériels de guerre et matériels assimilés dont l’exportation est envisagée servent à la répression interne, à de graves violations des droits de l’homme ou du droit international humanitaire dans le pays destinataire ;
– que ces matériels ne risquent pas de provoquer ou de prolonger des conflits armés ou d’aggraver des tensions ou des conflits existants dans le pays destinataire ;
– de l’absence d’un risque manifeste d’utilisation de ces matériels de manière agressive contre un autre pays pour faire valoir par la force une revendication territoriale ;
– de l’absence d’un risque d’utilisation de ces matériels aux fins de compromettre la sécurité nationale des États membres ainsi que celle des pays amis ou alliés ;
– de l’absence d’utilisation de matériels de guerre et matériels assimilés par le pays destinataire aux fins de soutenir le terrorisme ou la criminalité organisée internationale ;
– de l’équilibre entre le besoin légitime de sécurité et de défense du pays destinataire et la nécessité d’assurer son développement durable ;
– de l’absence de risque de détournement et de réexportation de ces matériels vers un utilisateur final qui ne répondrait pas aux conditions susmentionnées.
Dans le cas israélien, la moitié des critères de la position commune n’est pas respectée.
Au cours de l’opération « Plomb durci », l’armée israélienne s’est rendue coupable, selon le rapport de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le conflit à Gaza (rapport Goldstone), rédigé à la demande du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, de crimes de guerre. La diplomatie française a simplement condamné « l’usage disproportionné de la force qui a occasionné d’importantes pertes civiles dans ce territoire entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009 ».
L’assassinat d’humanitaires sur la flottille de la paix perpétré le 31 mai 2010 dans les eaux internationales par les commandos israéliens rend encore plus insupportable l’implication, même indirecte, de la France dans les crimes et exactions commis par l’État hébreu. La France s’est à nouveau contentée de condamner « l’usage disproportionné de la force lors d’une opération militaire israélienne contre un convoi maritime transportant de l’aide humanitaire à destination de Gaza ».
Il faut encore souligner les incessants raids sur la bande de Gaza, le blocus illégal, maintenu par la force, et la poursuite de la colonisation, qui remettent en cause la coopération militaire(3) avec un État auteur de violations graves et répétées du droit international et des droits de l’Homme.
Une commission d’enquête pourrait utilement vérifier que le matériel français exporté vers Israël n’est pas utilisé par l’armée israélienne contre la population palestinienne et que le matériel israélien importé par la France n’est pas testé dans les territoires palestiniens. Elle permettrait de vérifier la conformité et l’opportunité de ces transferts d’armes et de la coopération militaire avec Israël, eu égard au droit international et aux engagements pris par la France.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
Il est créé une commission d’enquête de 30 membres chargée de faire la transparence sur la coopération sécuritaire et militaire avec Israël, sur les échanges de matériels de guerre et de matériels assimilés avec ce pays, en lien avec les considérations politiques qu’ils recouvrent et le droit international.
1 () La coopération dans le domaine de l’armement repose sur un accord intergouvernemental relatif à la recherche de défense signé en mars 1994 (renouvelé en 2006), suivi par un accord de sécurité signé en 1996. Par ailleurs, un accord visant à développer la coopération industrielle et technologique des deux pays dans le domaine de l’armement a été signé en avril 2000 entre les ministres de la défense français et israélien.
2 () L’importation n’est pas en reste. Afin de remplacer, à l’horizon 2014, le système de drones actuellement utilisé par les armées françaises, la décision d’acquérir la version francisée du drone F-Héron TP proposée par la société Dassault Aviation, en coopération avec la société israélienne IAI (Israël Aerospace Industries), a été prise par le Gouvernement français.
3 () La coopération militaire entre la France et Israël repose sur des consultations stratégiques bilatérales et des rencontres entre autorités militaires. Le Gouvernement français répond que cette coopération dans le domaine militaire est « strictement encadrée afin d’être cohérente avec les principes politiques qu’elle défend dans la région », laissant malheureusement supposer une grande faiblesse de ces principes !
Propositions de résolution
PR n° 4094 - à la commission d’enquête sur la coopération militaire et sécuritaire entre la France et Israël, sur les échanges de matériels de guerre et de matériels assimilés avec ce pays
Publié le 15 décembre 2011
Jean-Jacques
Candelier
Député
du
Nord (16ème circonscription)
le texte de la proposition