Propositions

Propositions de résolution

PR n° 2168 - visant à introduire la « clause de l’Européenne la plus favorisée »

présentée par Mesdames et Messieurs
Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Huguette BELLO, Martine BILLARD, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Yves COCHET, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Noël MAMÈRE, Alfred MARIE-JEANNE, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, François de RUGY, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes est un processus engagé dans tous les pays d’Europe depuis des siècles.
Ainsi, au cours du XXe siècle, de nombreux progrès ont été accomplis. Les femmes ont obtenu divers droits individuels qui leur étaient jusqu’alors refusés : droit de vote, droit d’exercer une activité professionnelle sans demander l’autorisation du mari, droit d’exercer l’autorité parentale à égalité avec le père, droit d’accès aux études, etc.
Aujourd’hui, l’existence de nombreux outils juridiques européens et internationaux n’a pourtant pas permis d’éradiquer les disparités toujours existantes entre les femmes et les hommes.
Ainsi, l’égalité entre les femmes et les hommes est loin d’être atteinte au sein des États membres, particulièrement dans le domaine du travail, où les femmes subissent encore de nombreuses discriminations, tant dans l’accès à l’emploi, que dans le niveau des rémunérations, les parcours professionnels, l’accès aux responsabilités. Pour la plupart des 250 millions d’Européennes, maintenir un équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle est encore un combat permanent.
Ainsi, selon l’Eurobaromètre de mars 2006, 56,3 % des femmes d’Europe ont une activité professionnelle. Parmi elles, 32,6 % travaillent à temps partiel, alors que seulement 7,3 % des hommes qui travaillent le font à temps partiel. Environ un tiers (32 %) des cadres sont des femmes.
Quant aux revenus, les données de l’Eurostat parlent d’une différence de rémunération entre les hommes et les femmes qui varie de 15 à 25 %.
La pauvreté, la précarité et le chômage touchent davantage les femmes que les hommes.
Les orientations actuelles de développement économique au sein de l’Union européenne se caractérisent par une libéralisation toujours plus grande des services publics, une flexibilité et une mobilité croissantes dans l’organisation du travail, qui fragilisent l’ensemble de la société et notamment les femmes.
Les mêmes discriminations ou disparités se retrouvent aussi au niveau politique où la sous-représentation des femmes demeure flagrante dans la vie publique. La moyenne de parlementaires féminins se situe à 23,5 % dans l’Union européenne.
Même constat en ce qui concerne la violence, elle atteint davantage les femmes sous ses diverses formes et est encore largement répandue dans tous les pays européens. Une analyse globale montre qu’un cinquième à un quart de toutes les femmes européennes ont subi des violences physiques au moins une fois dans leur vie d’adulte et plus d’un dixième des femmes ont subi des violences sexuelles avec usage de la force.
D’autre part, la marchandisation des corps, et notamment la prostitution, touche principalement les femmes et constitue une atteinte inacceptable à la dignité humaine.
Pourtant, l’Europe, dès la ratification du Traité de Rome en 1957, a offert un cadre juridique permettant de lutter contre les discriminations faites aux femmes en posant le principe d’égalité de rémunération.
Le Traité d’Amsterdam, signé le 2 octobre 1997, a également donné, dans son article 2, pour mission à la Communauté de promouvoir l’égalité. Il précise aussi, dans son article 141, qu’il est possible de prendre des mesures dites d’actions positives au bénéfice des hommes ou des femmes sous-représentés.
La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, solennellement proclamée à Nice le 7 décembre 2000, traite de la dimension de l’égalité des sexes dans ses articles 21, 23 et 33. Parmi ses dispositions, l’article 23 consacre le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines en prévoyant la possibilité de mettre en œuvre des actions positives. Cet article élargit considérablement le champ d’intervention de l’égalité car il vise tous les domaines et pas seulement les questions d’emploi, de travail et de rémunération.
D’après une jurisprudence constante de la Cour de Justice européenne, l’égalité entre femmes et hommes est aujourd’hui considérée comme un principe fondamental du droit communautaire – un droit fondamental de la personne humaine, une mission et un objectif de la Communauté européenne.
De nombreuses directives européennes ont vu le jour et concernent l’égalité de traitement dans l’accès à l’emploi, la formation, la promotion professionnelle et les conditions de travail.
Cependant, cette action positive de l’Union européenne pour les femmes a connu des limites importantes.
En effet, la politique européenne en faveur des femmes se fonde essentiellement sur du « soft law », c’est-à-dire, des recommandations, résolutions, programmes d’action, feuilles de route, dont la mise en œuvre reste facultative.
Ainsi, le document communautaire le plus avancé et le plus ambitieux en ce domaine reste la feuille de route de la Commission européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2006-2010, adoptée le 1er mars 2006.
Ce document met en avant six domaines prioritaires pour l’action de l’Union européenne relative à l’égalité :

  • Une indépendance économique égale pour les femmes et les hommes ;
    – La conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle ;
    – Une représentation égale dans la prise de décision ;
    – L’éradication de toute forme de violence fondée sur le genre et de la traite d’êtres humains ;
    – L’élimination des stéréotypes de genre ;
    – La promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les politiques externes et de développement.
    La feuille de route témoigne donc de l’engagement de la Commission à faire progresser la politique d’égalité entre les femmes et les hommes en partenariat avec les États membres et d’autres acteurs. Cependant, elle n’engage à ce jour aucune disposition contraignante.
    Dans la même logique, la charte des droits fondamentaux, qui pourrait constituer une avancée importante, reste insuffisante. Sa portée juridique est très limitée et subordonnée aux autres dispositions des traités. À ce titre, comment ne pas reconnaître qu’en faisant du libéralisme la pierre angulaire de construction de l’Europe, les dispositions des traités successifs ont entraîné des reculs sociaux et politiques significatifs pour l’ensemble des citoyens européens et donc pour les Européennes ? Ces reculs sont autant d’obstacles réels à la volonté de promouvoir l’épanouissement personnel, professionnel et politique des femmes.
    Ainsi, si l’égalité entre les hommes et les femmes figure bien en tant qu’objectif de l’Union, en l’absence de tout dispositif d’application, elle se réduit à une simple déclaration d’intention et reste donc inopérante.
    De plus, au nom du principe de subsidiarité, introduit par le traité de Maastricht dans les domaines de compétences partagées entre la Communauté européenne, désormais Union européenne, et les États membres, comme l’éducation, la formation professionnelle, la culture, la protection et l’amélioration de la santé humaine, l’Union n’agit que si son action est plus efficace qu’une action entreprise au niveau national.
    Ce principe a conduit à laisser grand nombre de domaines, notamment liés aux affaires sociales et à l’emploi, à l’appréciation de chaque État membre. Notamment, même si la commission parlementaire des droits de la femme a élaboré en 2001 un rapport d’initiative sur la santé et les droits en matière de sexualité et de reproduction, dont la valeur symbolique est forte, le droit à l’avortement et au libre accès à la contraception reste encore aujourd’hui, en premier lieu, de la compétence des États membres.
    Ainsi, selon les États membres, le corpus juridique applicable aux femmes est très différent.
    En Espagne, la loi-cadre du 28 décembre 2004 relative aux mesures de protection intégrale contre la violence de genre, qui propose une approche multidisciplinaire de la prévention et du traitement de la violence de genre, est une première en Europe. Toujours en Espagne, la loi 34/1988, modifiée en 2004 pour viser la publicité sexiste, considère comme illicite les publicités portant atteinte à la dignité humaine ou violant les droits reconnus aux femmes.
    La Suède, reconnue par l’ONU en 1995 comme pays « le plus égalitaire du monde », connaît depuis 1974 une politique égalitaire de l’enfance, et cela en remplaçant des congés de maternité par des congés parentaux rémunérés et en développant parallèlement le service public de l’enfance qui garantit en pratique une place en crèche pour tous les enfants. Ces mesures ont permis d’éviter l’exclusion sociale des femmes suite à un accouchement.
    La Belgique dispose elle aussi de législations spécifiques visant à lutter contre les discriminations à l’égard des femmes, notamment la loi anti-discrimination visant à mettre un terme aux situations où des personnes sont victimes de discriminations liées à leur sexe. L’article 10 de la Constitution pose également le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes.
    Les auteurs de cette proposition de résolution pensent que les institutions européennes doivent remédier à ces disparités en proposant l’adoption d’un instrument juridique spécifique permettant la définition d’un statut unique applicable aux femmes dans chaque État membre. Cet instrument juridique permettrait notamment de faire respecter les droits fondamentaux des femmes tels que la liberté de disposer de leur corps, mais également la définition de normes effectives pour atteindre les objectifs posés en faveur d’une égalité professionnelle et politique entre les hommes et les femmes.
    Pour ce faire, les institutions européennes doivent permettre l’élaboration d’une base juridique recensant l’ensemble des législations intéressant le droit des femmes dans les 27 pays membres. Cette base permettrait, par la suite, de proposer l’adoption d’un tel instrument juridique, synthèse des législations les plus favorables aux femmes.
    Cette transcription en droit communautaire de la « clause de l’Européenne la plus favorisée », portée par l’association « Choisir la cause des femmes », permettrait ainsi de cimenter l’Europe des femmes.
    Unifier, harmoniser par le haut la condition des Européennes est l’objectif des auteurs de la présente proposition de résolution. En outre, ils estiment qu’il s’agit là d’une condition essentielle à la réalisation des objectifs de croissance, d’emploi et de cohésion sociale posés par l’Union européenne.
    Aujourd’hui, alors que les Européennes sont frappées de plein fouet par les conséquences de la crise économique, l’Europe doit être un outil de justice et de progrès au service des peuples, en faisant de « la clause de l’Européenne la plus favorisée » une priorité politique.
    PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
    Article unique
    L’Assemblée nationale ;
    Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale ;
    Vu l’article 88-4 de la Constitution ;
    Vu l’article 2 du Traité sur l’Union européenne qui établit que l’égalité est une valeur fondatrice de l’Union et commune aux États membres dans une société caractérisée par l’égalité entre les femmes et les hommes ;
    Vu l’article 3 du Traité sur l’Union européenne qui énonce que l’Union promeut l’égalité entre les femmes et les hommes ;
    Vu l’article 8 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui précise que pour toutes ses actions, l’Union cherche à éliminer les inégalités et à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes ;
    Vu l’article II-23 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union indiquant que l’égalité entre les hommes et les femmes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération ;
    Vu l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
    Vu la Convention du 18 décembre 1979 de l’organisation des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et son protocole ;
    Vu le programme d’action de la Quatrième conférence mondiale sur les femmes qui s’est tenue à Beijing en septembre 1995, au travers duquel les gouvernements se sont engagés à veiller à ce que le souci d’équité entre les sexes imprègne toutes les politiques et tous leurs programmes ;
    Vu la communication du 1er mars 2006 de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Une feuille de route pour l’égalité entre les femmes et les hommes - 2006-2010 » (COM 2006, 92 final) ;
    Vu le règlement (CE) n° 1922/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 portant création d’un Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes ;
    Considérant que, malgré les instruments juridiques européens et internationaux, il reste encore de nombreuses inégalités entre les hommes et les femmes, dans tous les secteurs de notre société ;
    Considérant de surcroît que, si la situation des femmes s’est améliorée dans certains États membres de l’Union européenne, d’autres en revanche connaissent actuellement la régression voire la négation des droits fondamentaux des femmes ;
    Considérant que la cause des femmes doit passer par une harmonisation par le haut des législations sur l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que sur le respect de leurs droits, notamment en matière de santé reproductive et de lutte contre l’exploitation sexuelle ;
    Considérant que chaque avancée de la condition féminine fait avancer la société toute entière ;
    Demande au Gouvernement de faire prévaloir dans les négociations au sein du Conseil :
    1° La réalisation par l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes d’une étude visant à analyser et à répertorier les dispositions législatives et réglementaires des États membres à l’égard des femmes ;
    2° L’introduction par un instrument législatif spécifique de la « clause de l’Européenne la plus favorisée », permettant une harmonisation vers le haut des droits des femmes en un statut unique.
Imprimer cet article

Marie-Hélène
Amiable

Députée des Hauts-de-Seine (11ème circonscription)
Voir cette proposition sur le site de l'Assemblée Nationale Lire en PDF
le texte de la proposition

Sur le même sujet

Affaires étrangères

A la Une

Thématiques :

Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Culture et éducation Voir toutes les thématiques