Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les dysfonctionnements des instances au sommet de l’État à la suite du bombardement de Bouaké sur des positions militaires françaises du 6 novembre 2004
présentée par Mesdames et Messieurs
Jean‑Paul LECOQ, Alain BRUNEEL, Marie‑George BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean‑Paul DUFRÈGNE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Gabriel SERVILLE, Hubert WULFRANC.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le bombardement de Bouaké en Côte d’Ivoire, le 6 novembre 2004 sur des positions militaires françaises, s’est soldé par la mort de 9 soldats français et d’un civil américain. Il a également fait des dizaines de blessés, dont certains, gravement. Il a été le point de départ d’un processus qui a conduit notamment à la mort de dizaines d’Ivoiriens, tués par des soldats français, ainsi qu’au départ de Côte d’Ivoire de nombreux ressortissants français.
Après plus de onze ans de procédure, le 2 février 2016, la juge d’instruction Sabine Khéris, saisie du dossier, reproche à trois anciens ministres français (Dominique de Villepin, Michèle Alliot‑Marie et Michel Barnier) d’avoir tout orchestré afin qu’il ne soit pas possible d’arrêter, d’interroger ou de juger les pilotes, auteurs du bombardement de Bouaké. Plus précisément, la juge les accuse de « recel de malfaiteurs », « entrave à la manifestation de la vérité » et « non‑dénonciation de crime ». Sur cette base, elle avait demandé en vain durant plus de deux ans que la commission de requête de la Cour de justice de la République soit saisie. Cette commission a finalement été saisie par François Molins, qui fut directeur de cabinet de Michèle Alliot‑Marie quand elle fut ministre de la justice.
La commission des requêtes de la Cour de justice de la République, seule habilitée à juger les actes des ministres dans l’exercice de leurs fonctions est allée récemment à l’encontre de l’avis de la juge d’instruction Khéris en indiquant qu’il n’y aura pas de réponse judiciaire à cette interrogation. Il n’y aura donc ni procès ni poursuites pour ces trois ex‑ministres puisque la décision de la commission des requêtes de la Cour de justice de la République ne peut faire l’objet d’aucun appel.
Pourquoi la commission de requêtes a décidé de mettre un voile sur cette affaire qui a tous les aspects d’un scandale d’État ?
La recherche de la vérité se poursuit plus que jamais et c’est pourquoi il faut continuer à demander que les documents liés aux évènements de novembre 2004 en Côte d’Ivoire soient déclassifiés.
Par ailleurs, ces ministres ne faisant l’objet d’aucune procédure judiciaire, plus rien ne s’oppose désormais à ce qu’une commission d’enquête parlementaire intervienne sur les dysfonctionnements des instances au sommet de l’État à la suite du bombardement de Bouaké.
Car c’est bien une intervention au plus haut niveau de l’État français qui a eu pour résultat la non‑arrestation des auteurs du bombardement qui a causé la mort de 9 soldats français. Le 28 mai 2019 lors d’une réunion de la commission des affaires étrangères et devant le ministre des affaires étrangères, le député Jean‑Paul Lecoq proposait que la commission se saisisse de cette affaire sans rencontrer d’écho.
À défaut d’une procédure judiciaire, cette commission d’enquête parlementaire pourrait dissiper les zones d’ombres qui entachent notre République dans cette affaire. Ce serait la moindre des choses pour les familles des soldats français et pour les victimes ivoiriennes de la crise meurtrière qui s’en est suivie.
PROPOSITION DE RESOLUTION
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres tendant à établir la vérité sur les dysfonctionnements des instances au sommet de l’État à la suite du bombardement de Bouaké sur des positions militaires françaises du 6 novembre 2004.