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Propositions de résolution

Création d’une flotte européenne de sauvetage en mer - 2446

Proposition de résolution européenne relative à la création d’une flotte européenne de sauvetage en mer

(Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par Mesdames et Messieurs

Elsa FAUCILLON, Thomas PORTES, Soumya BOUROUAHA, Edouard BÉNARD, Jean‑Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Emeline K’BIDI, Tematai LE GAYIC, Karine LEBON, Jean‑Paul LECOQ, Frédéric MAILLOT, Marcellin NADEAU, Stéphane PEU, Mereana REID‑ARBELOT, Davy RIMANE, Nicolas SANSU, Jean‑Marc TELLIER, Jiovanny WILLIAM, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos‑Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Eric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Andy KERBRAT, Rachel KÉKÉ, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Elise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Antoine LÉAUMENT, Elisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean‑Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, René PILATO, François PIQUEMAL, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean‑Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER, Lisa BELLUCO, Hubert JULIEN‑LAFERRIÈRE, Karim BEN CHEIKH, Charles FOURNIER, Marie‑Charlotte GARIN, Benjamin LUCAS, Francesca PASQUINI, Marie POCHON, Jean‑Claude RAUX, Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, Aurélien TACHÉ, Sophie TAILLÉ‑POLIAN, Cyrielle CHATELAIN, Christine ARRIGHI, Marie‑Noëlle BATTISTEL, Arthur DELAPORTE, Marietta KARAMANLI, Boris VALLAUD, Roger VICOT.

députées et députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« En nous approchant davantage, nous commençons à discerner les corps.

Derrière la première rangée d’hommes, se dessine une femme à moitié dénudée,très corpulente, elle surplombe d’autres corps écrasés sous son poids.

Le tout forme un tas étonnamment bien rangé.

Impossible de les compter précisément.

Leurs membres ne respectent plus aucune géométrie connue et je ne discerne pas bien le plancher sur lequel repose cet amas de chair.

Mais des mains et des pieds, il y en a beaucoup.

Je vois des seins,

des bouches ouvertes,

des yeux vidés.

Leur peau est griffée et leurs vêtements arrachés,

comme si la vie leur avait été dérobée après une lutte acharnée. »

Journal de bord de l’Aquarius

Antoine Laurent

D’après l’ONU, depuis 2014, au moins 50 000 décès ont été recensés sur les différentes routes migratoires dans le monde. Plus de la moitié de ces décès ont eu lieu sur les itinéraires menant vers l’Europe, avec 25 000 rien que dans la mer Méditerranée.

Les politiques migratoires sécuritaires de l’Union européenne ont abouti à la création d’une véritable "Europe forteresse" dont le bilan humain est désastreux, transformant la Méditerranée en un cimetière à ciel ouvert.

Hommes, femmes, enfants se noient dans une indifférence honteuse, au plein cœur de notre mer commune. Ballotés d’un littoral à l’autre à la recherche d’une vie meilleure, ils et elles deviennent les victimes anonymes d’une politique européenne de militarisation des frontières toujours plus brutale.

Face à la démission des États et l’inaction coupable de l’Union européenne, les organisations non gouvernementales (ONG) se mobilisent en organisant le sauvetage de ces rescapés. Ces ONG, financées très majoritairement par des dons privés et quelques collectivités locales, sont les seules à réaliser la mission de sauvetage en mer Méditerranée.

Elles sont pourtant criminalisées par les dirigeants de certains pays européens qui les accusent de complicité avec les passeurs.

Elles sont également entravées dans leur devoir d’assistance. Les pratiques d’entraves sont nombreuses : harcèlement administratif, séquestrations de navires, amendes, inflation de normes ubuesques à respecter… Le décret‑loi dit « Piantedosi » adopté en Italie le 2 janvier 2023 illustre les terribles conséquences de ces entraves administratives. Ce décret oblige les navires de sauvetage à naviguer vers un « lieu sûr » sans aucun délai, après un seul et unique sauvetage.

Dans le même temps, les autorités italiennes assignent des ports éloignés, empêchant ainsi les navires de sauvetage de sauver des embarcations en détresse sur un temps long. Ces kilomètres imposés en plus représentent un coût exorbitant en fioul pour les navires de sauvetage mais surtout des centaines de vies perdues, faute de sauvetage. Médecins Sans Frontières a établi la projection suivante : en 2022, si le décret Piantedosi existait, les ONG auraient sauvé 1 000 vies au lieu de 4 000 vies.

L’objectif est clair : faire perdre du temps aux ONG dans des errements administratifs et laisser la Méditerranée centrale vide de tout navire de sauvetage.

Pourtant, ces ONG ne font pas que remplir un devoir moral des gens de mer, elles agissent dans le plus strict respect du droit maritime international. En effet, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982) établit l’obligation de prêter assistance, obligation renforcée par la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (1974) et la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritime (1979). L’obligation de secourir s’applique à toute personne se trouvant en situation de détresse en mer, indépendamment de sa nationalité ou de son statut juridique, de sa destination, de ses intentions, ou encore des circonstances dans lesquelles elle est retrouvée.

Par ailleurs, la problématique du découpage des zones SAR (Search and Rescue) met en danger les personnes en situation de migration. Afin de définir les compétences respectives des États en haute mer, les États ayant adhéré à la Convention sur la recherche et le sauvetage maritime définissent un espace géographique de recherche et de sauvetage appelé zone SAR et mettent en place un ou plusieurs Centres de Coordination et de Sauvetage.

L’État responsable de la zone doit fournir en urgence une assistance, non‑discriminatoire à raison de la nationalité, aux individus en détresse en mer. Les amendements de 2004 à l’Annexe de la Convention SAR ont consacré une obligation de débarquement en lieu sûr. Le Comité sur la Sécurité Maritime définit un lieu sûr comme étant un emplacement où les opérations de sauvetage sont censées prendre fin et où la vie et la sécurité des personnes n’est plus menacée ; il est possible de subvenir à leurs besoins fondamentaux ; le transport des personnes sauvées vers leur destination suivante ou finale peut s’organiser.

Avec le soutien technique de l’Union européenne, le redécoupage des zones SAR en 2018 a instauré une zone SAR libyenne. L’État libyen est pourtant un État failli qui n’a ni les moyens, ni les compétences pour superviser un sauvetage dans une zone aussi élargie que la Méditerranée centrale dans laquelle sont enregistrés le plus grand nombre de passages. C’est un État dont les ports ne peuvent être considérés comme sûrs au vu des critères du Comité sur la Sécurité Maritime. Les garde‑côtes libyens, financés et entraînés par les États membres de l’Union européenne, sont à l’origine de violences, de coups de feu, mettant ainsi en danger à la fois les exilés et les équipes de sauveteurs en mer.

De nombreux actes de traite et de torture ont été largement documentés par des chercheurs et quelques ONG sur place. Selon le rapport Out of Libya de Médecins sans frontières, « que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des centres de détention « officiels », les migrants sont soumis à un ensemble de violences et d’abus bien documenté, qui font partie intégrante d’un système qui vise à leur extorquer de l’argent en échange de leur libération et de la poursuite de leur périple, toujours avec le risque d’être de nouveau victimes de réseaux criminels ». Ces centaines de milliers de migrants sont bloqués en Libye où trop peu d’acteurs humanitaires sont présents. Ils n’ont quasiment pas accès à des voies de sortie sûres et légales. Ils se voient contraints de prendre la mer pour fuir ces atrocités.

Renvoyer des exilés en détresse en Libye est donc non seulement inhumain mais aussi contraire au droit international.

De même, sous l’égide de la théorie dangereuse et infondée du « grand remplacement » et de la diffusion de discours abjects, visant également les citoyens noirs tunisiens, la Tunisie connaît actuellement une série de vagues de violences à l’encontre des migrants subsahariens. Cette situation est particulièrement regrettable étant donné qu’en juillet 2023, l’Union européenne (UE) et la Tunisie ont signé un protocole d’accord, dans le cadre duquel l’UE s’est engagée à fournir une assistance financière et technique à la Tunisie afin de dissuader les mouvements migratoires vers l’Europe. En conséquence, l’UE se retrouve implicitement complice des violations des droits de l’homme infligées aux exilés concernés.

Résoudre la crise de l’accueil en Europe, mettre fin à cette hécatombe en Mer Méditerranée, nécessite une politique européenne ambitieuse fondée sur le strict respect du droit international. Depuis la fin de l’opération Mare Nostrum le 31 octobre 2014, il n’y a eu aucune action menée par les États dans le domaine de la recherche et du sauvetage en Méditerranée centrale. La Méditerranée, au vu du drame humain qui s’y déroule, devrait être considérée comme un espace humanitaire au cœur duquel une flotte européenne sauverait les personnes en détresse.

Il s’agit également de décorréler le sauvetage en mer, prérogative humanitaire, de la gestion des frontières afin que les morts en mer Méditerranée ne soient plus des dommages collatéraux mais des humains à part entière. Cela requiert une solidarité entre États européens et une révision du règlement injuste de Dublin.

Tel est l’objet de cette proposition de résolution européenne.

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,

Vu la convention de Genève de 1951 et son protocole additionnel,

Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et notamment son article 19,

Vu la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982,

Vu la Convention sur la recherche et le sauvetage maritime de 1979,

Vu la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer de 1974,

Considérant que la mer Méditerranée est la route migratoire la plus mortelle, depuis 2014, 28 229 personnes y sont mortes ;

Considérant que la politique d’externalisation des frontières européennes porte atteinte aux droits et libertés fondamentales des personnes en situation de migration ;

Considérant que les Organisations non gouvernementales de sauvetage en mer comblent le manque de politique humanitaire de l’Union européenne en mer Méditerranée en agissant dans le strict respect du droit maritime international ;

Invite le Gouvernement français à proposer la création d’une flotte européenne de recherche et de sauvetage en mer ;

Souhaite que la France œuvre pour un usage déterminé par l’Union européenne de tous les moyens (diplomatie, aide publique au développement, voies de sorties sûres et légales, moyens humains, financiers et aériens de sauvetage en mer) visant à mettre fin aux morts d’exilés en Méditerranée ;

Invite le Gouvernement français à œuvrer pour l’annulation de l’accord du 2 février 2017 entre l’Italie et la Libye visant à encourager et maintenir les efforts de ce pays d’Afrique du Nord à intercepter les migrants en mer et à les renvoyer dans ses centres de détention ;

Invite le Gouvernement français à défendre la définition de l’obligation de débarquement en lieu sûr du comité sur la sécurité maritime dans le cadre des travaux engagés au sein du groupe européen de contact sur la recherche et le sauvetage en mer ;

Appelle les co‑législateurs de l’Union à adopter la résolution du Parlement européen du 13 juillet 2023 sur la nécessité d’une action de l’Union en matière de recherche et de sauvetage en Méditerranée.

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)
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