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Propositions de résolution

Création d’une agence mondiale indépendante d’attribution des grands événements sportifs internationaux - 694

Proposition de résolution en faveur de la création d’une agence mondiale indépendante d’attribution des grands événements sportifs internationaux.

présentée par Mesdames et Messieurs

Soumya BOUROUAHA, Moetai BROTHERSON, Jean‑Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Karine LEBON, Jean-Paul LECOQ, Tematai LE GAYIC, Emeline K/BIDI, Frédéric MAILLOT, Yannick MONNET, Marcellin NADEAU, Davy RIMANE, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Nicolas SANSU, Jean-Marc TELLIER, Hubert WULFRANC.

Député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Coupe du monde de football 2022 s’achève au Qatar après un mois de compétition. Si sur le terrain le spectacle a été au rendez-vous, en toile de fond il a régné une atmosphère particulière durant ce Mondial. De nombreuses supportrices et supporteurs et amoureux du ballon rond sont passés outre la colère et la déception d’un système plus attaché à l’argent qu’à la promotion des valeurs du sport pour soutenir leur équipe. Malgré tout on peut par exemple s’interroger sur le choix d’un pays qui n’autorise pas la pratique sportive féminine.

Cette compétition laisse derrière elle un goût amer et reste entachée de ses conditions d’attribution, des conditions de travail déplorables pour les ouvriers sur les chantiers, de scandales sociaux et écologiques. Elle symbolise à elle seule le triomphe de l’argent et du cynisme sur l’humain.

Tirer les leçons de cette Coupe du monde est une impérieuse nécessité. Ouvrir une perspective de changement est nécessaire, il n’y a pas de fatalisme à voir la corruption et les intérêts géopolitiques tout emporter sur son passage. Le football, et le sport en général, n’a de sens pour nous que s’il est populaire, vecteur de paix et d’émancipation.

Défendre le sport, défendre le football, c’est créer les conditions d’une meilleure régulation et d’une plus grande transparence de ses conditions d’organisation.

Nous en avons eu par le passé un exemple marquant. Alors que le sport devait lutter contre un autre fléau qui le dénature, celui du dopage, les États ont su s’organiser au niveau international pour mener la bataille contre cette dérive. Alors que sur le papier, les montagnes étaient immenses à déplacer, la volonté politique a permis de construire l’Agence mondiale antidopage, en 1999 sous l’impulsion de Marie-George Buffet alors ministre de la Jeunesse et des sports.

Il serait naïf de considérer que la mise en place de l’AMA et du code mondial antidopage entré en vigueur en 2004 ont réglé définitivement les problèmes de dopage. Mais en fixant un cadre international, en obligeant les États à adopter un certain nombre de standards, cette institution, composée des États et du mouvement sportif international, a permis de franchir un cap important dans la lutte contre le dopage.

Aussi, il apparaît nécessaire d’agir tout aussi fortement au niveau international pour garantir que l’attribution des grands événements sportifs internationaux soit le fait d’une Agence mondiale indépendante, à parité entre les États et le mouvement sportif, conditionnée au respect de critères sociaux et environnementaux collectivement établis.

Le sport : un outil souvent instrumentalisé au service du politique

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un terrain politique au sens propre, le sport et l’accueil des compétitions sportives sont régulièrement utilisés à des fins politiques et stratégiques.

Le Qatar, mais ce n’est pas le seul, a su parfaitement démontrer comment un évènement sportif peut devenir un objet de communication et d’instrumentalisation diplomatique dans une stratégie dite de « soft power » ([1]).

Depuis plusieurs années, de nombreux dirigeants politiques ont développé une véritable stratégie diplomatique en affichant leur ambition pour développer le sport et en y investissant énormément d’argent.

Ainsi, le sport comme outil de soft power est détourné de ses valeurs par de nombreuses diplomaties pour en faire une vitrine politique. Sur tous les continents, le sport est vu par de nombreux États comme un moyen de se faire une place sur la scène internationale, ce qui n’est pas répréhensible en soi.

Les Jeux Olympiques et Paralympiques en France seront aussi un outil de promotion des villes hôtes, des épreuves et du pays tout entier. Ce qui est essentiel, c’est que les attributions des événements sportifs internationaux ne répondent pas à des considérations géopolitiques et diplomatiques, mais bien à des critères sportifs, de soucis de développement du sport, de représentativité de tous les pays du monde. Que les grands événements internationaux soient une vitrine, c’est un fait, mais que seul l’argent et les jeux de pouvoirs régissent les attributions, quitte à contrevenir aux principes du mouvement sportif international, est inacceptable.

Alors que différentes attributions passées auraient pu permettre de s’interroger sur la place de la corruption dans les désignations de grands évènements sportifs, c’est le choix du Qatar comme pays hôte du Mondial 2022 qui a ouvert cette discussion mais celle-ci aurait pu avoir lieu bien avant. L’organisation de la Coupe du monde de football 2018 en Russie, par exemple, avait également fait l’objet de soupçons de corruption au sein de la FIFA, signe que ce système est sans doute institué depuis de nombreuses années.

C’est pourquoi il est temps de mettre un terme à un fonctionnement malheureusement trop perméable à la corruption et d’en tirer des conclusions nécessaires afin que ces choix ne se reproduisent plus.

Promouvoir les droits humains à travers les compétitions sportives internationales

Le respect des droits humains n’a eu aucune importance lorsque la FIFA a décidé d’attribuer la Coupe du monde à un pays où le droit des femmes est limité par la présence d’un tuteur masculin, les relations entre personnes de même sexe réprimées, les droits des personnes LGBT+ déniés, et les droits des travailleurs, particulièrement quand ils sont immigrés, quasi inexistants. C’était le cas en 2011, c’est toujours le cas aujourd’hui, malgré les quelques progrès réalisés depuis.

Les conditions dans lesquelles les stades et infrastructures pour le Mondial ont été érigés ont donné une image extrêmement dégradée du pays. D’après une enquête publiée par le quotidien anglais The Guardian, 6 500 ouvriers majoritairement indiens, bangladais, népalais, pakistanais ou encore sri lankais y auraient perdu la vie entre 2011 et 2020.

Il ne devrait désormais plus être possible d’attribuer des compétitions internationales à des pays qui ne respectent ni le droit des travailleurs, ni le droit des femmes ou récuse le droit à vivre librement pour les couples de même sexe. Il faut être clair, ce ne sont pas les modèles de société que nous devrions promouvoir à travers le sport.

Ainsi, le sport pouvant être un terrain d’expression politique et les compétitions internationales étant des évènements majeurs pour les pays hôtes qui profitent de cette visibilité exceptionnelle pour promouvoir leur Culture, leur sens de l’accueil et leurs valeurs, il est indispensable que les futures attributions tiennent compte du respect des droits humains dans chacun des pays organisateurs.

Prendre en compte l’impact écologique des compétitions sportives à l’aune du changement climatique

Alors que l’année 2022 est l’une des années les plus chaudes jamais enregistrées, la question de l’impact environnemental à l’échelle mondiale des grands évènements sportifs doit désormais être intégrée au cœur des processus de désignation.

Malheureusement, cette question n’a fait l’objet d’aucune attention il y a dix ans lorsque la FIFA a attribué la Coupe du monde au Qatar. L’intensité des températures estivales aurait pourtant largement pu être anticipée par les instances de la FIFA.

De plus, durant toute la compétition c’est un avion toutes les dix minutes qui a sillonné le ciel jour et nuit pour acheminer les supporters et les supportrices aggravant un peu plus le bilan écologique de ce Mondial.

Enfin, alors que des leçons auraient dû être tirées de cette désignation catastrophique au niveau environnemental, l’attribution pour 2029 des Jeux asiatiques d’hiver à l’Arabie Saoudite en septembre 2022 est une décision aberrante qui privilégie une nouvelle fois les intérêts financiers au détriment de tout ce qui construit l’avenir des générations futures.

C’est la raison pour laquelle, il est nécessaire de créer une Agence mondiale pour l’attribution des compétitions internationales.

Plus jamais nous ne voulons revivre de nouvelles attributions soumises à de la corruption au sein des instances sportives.

Plus jamais nous n’accepterons que l’organisation d’une compétition sportive internationale puisse délibérément fouler aux pieds les droits humains.

Plus que jamais, nous devons veiller à ce que les enjeux climatiques et environnementaux soient pris en compte dans l’organisation des futurs évènements sportifs.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que le sport doit favoriser la tolérance et l’amitié entre les personnes, les groupes et les peuples,

Considérant l’importance particulière des grands événements sportifs internationaux en termes d’impact social et environnemental,

Considérant que l’attribution ces dernières années d’un certain nombre de grands événements sportifs internationaux est entachée de soupçons de corruption et ne répondait pas à des critères sportifs,

Considérant les risques d’instrumentalisation politique du sport,

Considérant que tout événement sportif doit respecter les droits fondamentaux protégés au niveau international,

Considérant que les enjeux environnementaux doivent être intégrés dans chacune des attributions de compétitions sportives internationales,

Déclare prioritaire la création d’une Agence mondiale indépendante chargée de l’attribution des grands évènements sportifs composée des États et du mouvement sportif international, répondant à une série de critères sociaux et environnementaux collectivement définis ;

Invite le Gouvernement à :

– porter au niveau européen et international le projet d’une telle Agence ;

– définir avec les autres États et le mouvement sportif international ses modalités.

([1]) « Qatar 2022 : la Coupe du monde des excès », Philippe Broussard, Le Monde, 17 novembre 2022.

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Soumya
Bourouaha

Députée de Seine-Saint-Denis (4e circonscription)
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