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Propositions de loi

Renforcer les droits des salariés sur l’organisation du travail - 5065

Proposition de loi visant à renforcer les droits des salariés sur l’organisation du travail

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre DHARRÉVILLE, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, Marie‑George BUFFET, André CHASSAIGNE, Jean‑Paul DUFRÈGNE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Karine LEBON, Jean‑Paul LECOQ, Jean‑Philippe NILOR, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC.

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Partout, le travail semble guetté par un mal profond, celui de la perte de sens.

Le maltravail gagne du terrain. La souffrance au travail fait régulièrement l’actualité. On ne saurait jamais se résoudre aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Les exigences de compétitivité, de productivité et de rentabilité financière viennent placer les salariés au cœur d’une contradiction qui structure les rapports sociaux. Face à cela, il faut leur donner les moyens de peser. Les salariés sont les premiers experts lorsqu’il s’agit de ne pas gâcher le travail, de le respecter, de lui donner tout son sens en leur permettant d’exprimer leur créativité. Ainsi, ils instilleront dans le quotidien, jusqu’à remodeler la gestion de l’entreprise, des dynamiques vertueuses au plan social, environnemental, territorial, culturel…

Cela suppose d’interroger le lien de subordination qui s’exerce dans l’entreprise et de créer de nouveaux droits collectifs, en s’appuyant sur la notion de collectif de travail. En effet, il est temps de remettre en cause le caractère souverain dévolu au chef d’entreprise, sous le sceau de la sacro‑sainte liberté d’entreprendre. Les salariés, sont fondés à exercer leur part de pouvoir, celle que leur confère leur travail, chargé de leur qualification et de leur expérience.

A rebours de l’imaginaire véhiculé par la novlangue managériale, cette proposition de loi a donc vocation à renforcer le pouvoir d’intervention des salariés dans l’entreprise ; autrement dit, à authentiquement libérer le travail. Contrairement aux précédentes réformes du travail (loi El Khomri ; ordonnances Macron…), nous entendons ici permettre aux travailleurs de se ressaisir de leurs outils de production, leur environnement de travail. Les salariés se verraient en capacité d’émettre des recommandations sur l’organisation et le contenu du travail, en associant l’Inspection du travail en cas de désaccords avec la direction.

Le mouvement ouvrier, à travers l’action syndicale, a placé en son cœur la question des conditions de travail. Ces luttes ont pu s’appuyer sur des expériences foisonnantes et des travaux scientifiques. Nous devons puiser au cœur de ces intuitions. Les enquêtes fondatrices d’Ivar Oddone, menées à l’usine Fiat de Turin dans les années 1970 en matière d’analyse de l’organisation et de la santé au travail demeurent une source d’inspiration profonde, de même que les travaux d’Yves Clot ou d’Yves Schwartz et de bien d’autres encore. La prise en considération de l’expérience des travailleurs est utile pour la connaissance du milieu de travail, elle est nécessaire pour le respecter et lui donner toute sa dimension émancipatrice.

Force est de constater que le travail fait aujourd’hui encore l’objet d’un contraste saisissant entre les tâches prescrites et ce qui est réellement réalisé. Cela résulte d’une déconnexion, d’une conception prégnante, malgré les camouflages sémantiques où il y a des dirigeants et des exécutants. Les salariés doivent être considérés comme des auteurs de leur poste de travail, de l’organisation du collectif de travail, des grandes orientations de l’entreprise. Les effets seront multiples, sur la prévention, la sécurité, le bien‑être, la production, le respect de l’humain, le respect de l’environnement. En effet, la transition écologique n’aboutira pas sans les travailleurs, et encore moins contre eux. Qui de mieux placé que celui ou celle qui en occupe le poste afin de transformer et améliorer le processus de production ? Qui de mieux placé que le collectif de salariés pour proposer des avancées techniques et industrielles ? Qui de mieux placé que les principaux concernés pour penser le travail et son avenir dans un environnement en mutation ?

Tandis que les propriétaires ont tendance à regarder d’abord leur intérêt à court terme, les premiers à pouvoir faire respecter le travail parce qu’ils n’entendent pas que leur travail soit gâché, insensé, destructeur, ce sont les salariés. Cela ne peut se faire sans un cadre juridique approprié, capable de faire avancer la démocratie à l’entreprise.

Le droit d’expression des salariés est actuellement consacré par le Code du travail (articles L. 2281‑1 à L. 2281‑11). Les salariés peuvent effectivement bénéficier d’un droit à l’expression sur les sujets portants sur « le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail ». Toutefois, cela s’avère insuffisant. Les articles suivants améliorent substantiellement le dispositif existant.

L’article 1 vise à garantir 3 heures minimum par trimestre, sur le temps de travail, aux salariés pour l’exercice de ce droit, tout en élargissant le champ d’application de celui‑ci. Ainsi, les discussions pourraient porter sur l’organisation quotidienne du travail et, potentiellement, déboucher sur des propositions concrètes, lesquelles seraient soumises à l’employeur.

L’article 2 vise à définir les modalités à partir desquelles les avis pourraient être rendus, en y associant l’Inspection du travail. L’employeur disposerait d’un mois, à compter de la réception des conclusions écrites, pour y donner suite, sans quoi celles‑ci pourraient être transmises à l’Inspection du travail. Une fois saisie, l’Inspection du travail serait compétente pour expertiser les travaux des salariés et, si nécessaire, proposer des pistes d’améliorations, potentiellement à caractère obligatoire.

L’article 3 garantit que les négociations qui seraient engagées dans l’entreprise entre les organisations syndicales et l’employeur ne puissent aboutir à des modalités d’exercice du droit d’expression au rabais. Les dispositions légales prévues dans la présente loi s’appliqueraient à l’ensemble des entreprises, à l’exception de celles dans lesquelles les modalités feraient l’objet du principe de faveur.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 2281‑1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cela implique un droit d’examen par le collectif de travail des propositions portées par les salariés, leurs représentants et l’employeur. »

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les entreprises garantissent trois heures par trimestre, ou davantage sur demande du collectif de travail, à chaque salarié pour l’exercice de ce droit. »

Article 2

L’article L. 2281‑2 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des conclusions écrites sur les actions à mettre en œuvre au sens du premier alinéa peuvent être adressées aux institutions représentatives du personnel lorsqu’elles existent, à l’employeur et à l’inspection du travail.

« Le cas échéant, l’employeur est tenu d’y donner suite, sous un délai d’un mois à compter de la réception des conclusions écrites, en convoquant une réunion. À défaut d’accord entre les salariés et l’employeur sur les actions à mettre en œuvre au sens du premier alinéa, l’inspection du travail peut être saisie pour proposer des modifications sur l’organisation de travail. »

Article 3

L’article L. 2281‑5 du même code est ainsi modifié :

1° Le mot : « sont » est remplacé par les mots : « peuvent être » ;

2° Sont ajoutés les mots et la phrase : « , à condition qu’elles favorisent les salariés. À défaut d’accord d’entreprise, les dispositions légales s’appliquent. »

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)
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