Proposition de loi visant à renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes dans le sport
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Pierre DHARRÉVILLE, Florence PROVENDIER, Delphine BAGARRY, Géraldine BANNIER, Frédéric BARBIER, Marie‑Noëlle BATTISTEL, Stéphane BAUDU, Alain BRUNEEL, Marie‑George BUFFET, Annie CHAPELIER, André CHASSAIGNE, Guillaume CHICHE, Jennifer De TEMMERMAN, Coralie DUBOST, Jean‑Paul DUFRÈGNE, Frédérique DUMAS, Caroline FIAT, Elsa FAUCILLON, Laurent GARCIA, Florence GRANJUS, Michel HERBILLON, Sébastien JUMEL, François‑Michel LAMBERT, Jean‑Paul LECOQ, Lise MAGNIER, Paul MOLAC, Sébastien NADOT, Christine PIRES BEAUNE, Valérie PETIT, Stéphane PEU, Adrien QUATENNENS, Cathy RACON‑BOUZON, Jean‑Hugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Fabien ROUSSEL, Martial SADDIER, Jean‑Bernard SEMPASTOUS, Jean‑Marie SERMIER, Gabriel SERVILLE, Bertrand SORRE, Aurélien TACHÉ, Sylvie TOLMONT, Frédérique TUFFNELL, Michèle VICTORY, Stéphane VIRY, Hubert WULFRANC, Michel ZUMKELLER.
député-e-s
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les enfants des 800 classes engagées dans la démarche de la 24ème édition du Parlement des enfants, ont travaillé à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Des propositions de progrès dans tous les domaines de la société ont vu le jour, elles mériteraient d’être examinées au sein du parlement. La classe de l’école de Canto‑Perdrix 2 à Martigues, a, quant à elle, décidé de travailler à une proposition visant à renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes dans le sport.
Dans tous les champs de la société, les inégalités entre les femmes et les hommes sont encore très prégnantes. Fruits d’une domination patriarcale tenace, elles structurent les rapports sociaux.
C’est particulièrement frappant dans la vie professionnelle. Les femmes constituent 82 % des salariés à temps partiel et pour nombre d’entre elles, il s’agit d’une situation subie. Elles connaissent plus souvent la précarité et sont nettement moins représentées dans les postes à responsabilité. Elles gagnent 26 % de moins que les hommes et, encore 10 % à poste équivalent. Ce sont des injustices insupportables.
Le sport est également un champ dans lequel les discriminations sont installées. Et elles y sont installées de façon à ce point visible que les enfants s’en sont emparés pour les faire disparaître.
L’Insee a publié en 2017 une enquête sur les pratiques physiques et sportives des Françaises et des Français. L’enquête révèle des inégalités persistantes entre femmes et hommes, tant pour le temps consacré au sport, que pour les disciplines pratiquées.
Mais l’activité sportive révèle des inégalités de genre, notamment chez les jeunes. 33 % des femmes de 16 à 24 ans pratiquent une activité une fois par semaine, soit 12 points de moins que chez les hommes. Un écart qui s’explique par le travail « domestique » qui repose plus souvent sur leurs épaules, mais aussi par la persistance de certains stéréotypes : une personne sur deux considère encore que « certains sports conviennent mieux aux garçons qu’aux filles », selon l’Insee. Ainsi, les femmes sont très peu représentées dans les sports collectifs ou de raquette, alors qu’elles sont ultra‑majoritaires en danse et en gymnastique.
Cette persistance de stéréotypes est en partie la conséquence d’un déficit de médiatisation du sport féminin : moins de 20 % du volume horaire des retransmissions à la télévision en 2016. Une augmentation de ce taux de retransmission serait pourtant susceptible de faire progresser une passion partagée pour le sport.
Certaines et certains athlètes décident de faire de leur pratique sportive, un métier. Le sport ne fait pas exception à la règle, les écarts de salaires y sont également présents.
En basketball, handball, golf ou encore volley‑ball, ces distinctions existent toujours : les hommes reçoivent chaque mois un salaire jusque quatre fois supérieur à celui de leurs homologues féminines.
En rugby, l’immense majorité des joueuses sont contraintes à en rester au statut d’amateures. Seules 24 joueuses du groupe France bénéficient d’un contrat fédéral à mi‑temps, et donc d’un statut semi‑professionnel et d’un petit salaire qui leur permet de ne travailler que 20 heures par semaine en plus de leurs entraînements.
Agir contre les discriminations dans le sport, c’est aussi permettre aux filles et aux garçons dès leur plus jeune âge d’être sur les mêmes terrains comme en athlétisme ou en gymnastique. Pratiquer ensemble le sport se travaille dès le plus jeune âge.
Par‑delà les dérives que peut connaître le sport professionnel lorsqu’il est par trop investi par les logiques d’argent et les difficultés que peut connaître le sport amateur lorsqu’il manque de soutien public, le tableau est sexiste : il montre l’organisation d’un sport de la lumière et d’un sport de l’ombre, la distinction de compétitions nobles et de pratiques banalisées, l’existence de sportifs reconnus et de sportives méconnues. Si le sport lui même réplique cette domination masculine, alors il n’est pas vraiment ce qu’il devrait être. La pratique du sport par les femmes mérite des politiques offensives et appelle un engagement du mouvement sportif et de la société qui déjà se manifeste.
La pratique du sport constitue un bon baromètre du niveau de l’égalité dans une société. Étant entendu que le sport est un moteur d’émancipation, contribue à la construction de la personnalité, donne confiance en soi, ou enseigne l’esprit d’équipe et bien d’autres choses encore, s’il porte haut l’exigence de l’égalité entre les femmes et les hommes, cela est de nature à contribuer à la faire progresser partout, bien au‑delà de lui‑même.
Le sport est aussi marqué par une lente évolution des mentalités et de la société. En 2024, la France accueillera les jeux olympiques. Dans ce cadre, notre pays doit être précurseur dans les mesures prises pour contribuer à lutter contre les stéréotypes dans tous les sports.
C’est pourquoi nous ne pouvons que nous réjouir de porter au débat cette proposition de loi écrite par des enfants pour faire avancer l’égalité et les droits des femmes.
Chaque droit nouveau acquis par et pour les femmes contribue à un recul des dominations, à de nouvelles avancées de civilisation.
L’article 1er de la proposition de loi pose le principe de l’égalité de rémunération des sportives et des sportifs. Il est proposé d’insérer dans le code du sport un nouvel article prévoyant ce principe d’égalité des rémunérations, en chargeant les fédérations délégataires d’édicter des règlements destinés à en garantir le respect par les associations et sociétés sportives placées sous leur autorité. Ce principe d’égalité salariale vaut pour tous les sportifs professionnels, qu’ils soient salariés ou non ; il s’applique également aux prix en argent ou en nature remis à l’issue des manifestions sportives organisées par les personnes physiques ou morales de droit privé autres que les fédérations sportives.
L’article 2 vise à garantir que les sportives jouent dans les mêmes installations et enceintes sportives que leurs homologues masculins. Il est proposé de compléter l’article L. 331‑1 du code du sport par un alinéa imposant aux associations et aux sociétés sportives de garantir un égal accès à leurs terrains et infrastructures afin de permettre aux sportives de disputer des rencontres et compétitions dans les mêmes enceintes que leurs homologues masculins.
L’article 3 vise à assurer que les compétitions sportives féminines bénéficient de retransmissions télévisées au même titre et dans les mêmes proportions que les compétitions masculines. Il est proposé de faire obligation aux services de télévision sollicitant le droit d’émettre auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de consacrer la moitié des programmes sportifs à des contenus relatifs aux compétitions et manifestations sportives féminines. Est établie une prescription similaire pour ce qui concerne la société France Télévisions.
L’article 4 vise à promouvoir la constitution d’équipes sportives mixtes dans les disciplines sportives qui le permettent. Il est donc proposé de confier aux fédérations délégataires, instances organisatrices de la pratique des disciplines sportives, le soin de prendre des dispositions afin de rendre systématique la création d’équipes mixtes dans la pratique des activités sportives qui le permettent.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
I. – Après l’article L. 131‑16‑1 du code du sport, il est inséré un article L. 31‑16‑2 ainsi rédigé :
« Art. L. 131‑16‑2. – Les fédérations délégataires édictent les règlements propres à assurer le respect de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ayant conclu avec les associations et sociétés mentionnées aux articles L. 121‑1 et L. 122‑1 du présent code soit un contrat de travail régi par les articles L. 222‑2‑1 à L. 222‑2‑9 du présent code, soit un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement.
« Le principe énoncé au premier alinéa s’applique pour un même travail ou pour un travail de valeur égale.
« Constitue une rémunération au sens du présent article, le salaire et tous les autres avantages et accessoires payés au salarié ou à la personne ayant conclu un contrat mentionné au premier alinéa, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par les associations ou sociétés mentionnées au premier alinéa en raison d’une activité sportive ou d’entraînement.
« Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux ou activités qui exigent des salariés ou des co‑contractants un ensemble comparable de compétences professionnelles et sportives consacrées par un titre, un diplôme ou un apprentissage dans les centres de formation relevant d’une association sportive ou d’une société sportive, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
« Les règlements mentionnés au premier alinéa déterminent les conditions dans lesquelles l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes s’applique aux prix en argent ou en nature remis à l’issue des manifestations sportives mentionnées aux articles L. 331‑1 et L. 331‑5. »
II. – L’article L. 222‑2‑1 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les associations et sociétés sportives mentionnées aux articles L. 121‑1 et L. 122‑1 assurent, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale et dans les conditions fixées par les règlements mentionnés à l’article L. 131‑16‑2, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ».
III. – Au second alinéa de l’article L. 331‑5 du code du sport, les mots : « à l’article L. 131‑16 et » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 131‑16 et L. 131‑16‑2, ».
Article 2
L’article L. 331‑1 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fédérations délégataires, le cas échéant en coordination avec les ligues professionnelles qu’elles ont créées, veillent à ce que les associations et sociétés sportives mentionnées aux articles L. 121‑1 et L. 122‑1 assurent un égal accès aux équipements sportifs pour l’accueil des compétitions et manifestations sportives féminines et masculines qu’elles organisent ».
Article 3
La loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
I. – Après le 2°bis de l’article 28, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 2°ter La proportion substantielle de programmes et émissions audiovisuels consacrés à des compétitions et manifestations sportives féminines, qui doit atteindre un minimum de 50 % des programmes et émissions consacrés aux compétitions et manifestations sportives, diffusés par chacun des services de télévision autorisés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
« Par dérogation, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, pour les services dont les programmes sportifs constituent une proportion importante de la programmation, diminuer la proportion minimale de programmes et d’émissions consacrés aux compétitions et manifestations sportives féminines.
« Pour l’application de l’alinéa précédent, le Conseil prend en considération l’originalité de la programmation et des engagements substantiels et quantifiés pris par la télévision en matière de promotion du sport féminin, sans que cette proportion puisse être inférieure à 30 %. Les modalités de ces engagements sont fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans une délibération prise après consultation publique. »
II. – Après le cinquième alinéa du I de l’article 44, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le cahier des charges mentionné au premier alinéa comporte la diffusion ou la retransmission d’une proportion substantielle de programmes et émissions audiovisuels consacrés à des compétitions et manifestations sportives féminines, qui doit atteindre un minimum de 50 % des programmes et émissions consacrés aux compétitions et manifestations sportives.
« Par dérogation, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, au regard de l’identité des lignes éditoriales de chacun des services que France Télévisions édite et diffuse, diminuer la proportion minimale de programmes et d’émissions consacrés au sport féminin, sans que cette proportion puisse être inférieure à 30 %. Les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par le Conseil dans une délibération prise après consultation publique. »
Article 4
Après le 3° de l’article L. 131‑16 du code du sport, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les fédérations délégataires, le cas échéant en coordination avec les ligues professionnelles qu’elles ont créées, édictent des règles ayant pour objet de rendre systématique la création d’équipes mixtes dans la pratique des activités sportives qui le permettent ».