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Propositions de loi

Protéger les droits fondamentaux des mineurs non accompagnés - 4210

Proposition de loi visant à protéger les droits fondamentaux des mineurs non accompagnés

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs Elsa FAUCILLON, Clémentine AUTAIN, Delphine BAGARRY, Marie-George BUFFET, Alain BRUNEEL, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Albane GAILLOT, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Jean-Paul LECOQ, Sébastien NADOT, Jean-Philippe NILOR, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Stéphane PEU, Loïc PRUD’HOMME, Jean-Hugues RATENON, Sabine RUBIN, Bénédicte TAURINE, Michèle VICTORY, Hubert WULFRANC, Martine WONNER.

Député-e-s

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les discours nauséabonds à l’égard des mineurs non accompagnés dans les champs politique et médiatique ont créé un climat de défiance envers ces enfants. Ils laissent entendre que les mineurs non accompagnés seraient des délinquants en puissance ainsi que des « majeurs menteurs ». La suspicion généralisée envers les migrants et migrantes s’étend désormais aux mineurs non accompagnés. Ils sont des enfants. Ils sont les plus vulnérables. Ils sont donc à protéger. Des enfants porteurs d’histoires lourdes, jalonnées de drames humains. Ils ont été victimes de traite et témoins de violences. Ils ont traversé seuls de nombreux pays et la mer pour rejoindre la France. Certains ont disparu. Entre 2018 et 2020, plus de 18 000 mineurs non accompagnés disparu des écrans radars en Europe, selon l’organisation Lost in Europe.Ces enfants doivent être traités comme tels par notre droit. La France a ratifié et signé la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) depuis 1990. Elle doit donc à ce titre en respecter ses principes et les traduire en droit interne. Un mineur non accompagné est avant toute chose un mineur en danger, d’autant plus qu’il est isolé dans un pays dont il n’a pas la nationalité et qui lui est étranger. Pourtant en France, de trop nombreuses pratiques méprisent les droits de l’enfant.

Entre 2019 et 2020, le Défenseur des droits a enregistré des saisines dans 60 départements. Toutes ces saisines étaient fondées sur une atteinte au droit de mineurs non accompagnés dans leur accès à la protection, à l’éducation et aux soins. La méthode de l’expertise osseuse aux fins de détermination de l’âge des mineurs non accompagnés est une pratique très contestée par la communauté scientifique. Il n’existe en effet aucun procédé médical permettant d’affirmer avec certitude l’âge d’un individu. Les tests de maturation osseuse, dentaire ou pubertaire ne peuvent qu’établir l’évolution du développement et non un âge physiologique. Il en va de même pour la nouvelle pratique dite « irradiante » analysant la clavicule qui est actuellement réalisée en lieu et place des tests osseux. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme et le Défenseur des droits se sont opposés à l’utilisation de ces examens médicaux jugés à la fois inadaptés et inefficaces. Ils sont contraires aux droits de l’enfant. De nombreux pays ont abandonné les tests osseux au profit d’une évaluation de l’âge strictement psychosociale. La France s’honorerait à faire de même. D’autre part, intégrés à tous les niveaux et reconnus mineurs, les mineurs non accompagnés demeurent néanmoins dans l’incertitude permanente d’une régularisation administrative définitive.

En effet, les associations d’accompagnement des mineurs non accompagnés déplorent le fait qu’il existe une remise en cause massive de l’identité et de l’état civil des jeunes majeurs étrangers et ceci au mépris de décisions judiciaires de placement reconnaissant leur état civil. En somme, le « procès en minorité » se rejoue à chaque étape de leur régularisation administrative, méprisant ainsi leur droit à l’identité tel que protégé par l’article 8 de la CIDE. Cela les place dans une situation d’incertitude permanente concernant leur avenir et ils demeurent sous la menace constante d’obligations de quitter le territoire français (OQTF). Les sept articles de cette proposition de loi visent à protéger le parcours et les droits fondamentaux des mineurs non accompagnés sur notre territoire. Le respect de ces droits fondamentaux n’est pas que le garant de notre humanisme, il est aussi celui de notre humanité.

Il est par ailleurs une condition essentielle pour bien vivre ensemble. L’article 1er pose le principe de présomption de minorité. La présomption de minorité permet qu’une personne se présentant comme mineure soit considérée comme telle jusqu’à ce qu’une décision de justice ayant autorité de chose jugée, donc une décision du juge des enfants ou de Cour d’appel, soit rendue. Pour l’heure, la présomption de minorité est uniquement énoncée dans des textes infra-législatifs. Cet article vise à donner force de loi au principe de présomption de minorité. Cette définition a été posée par le Comité des droits de l’enfant. L’article 2 rend obligatoire la présence d’un avocat en assistance éducative.

Ces derniers ont constaté le manque d’informations transmis au mineur non accompagné lors de cette phase fondamentale dans l’établissement de sa situation administrative. Cette mesure concernera l’ensemble des enfants en assistance éducative. L’article 3 vise à proposer un accompagnement de l’aide sociale à l’enfance au mineur étranger devenu majeur, jusqu’au terme du cursus universitaire ou scolaire qu’il a engagé. Cela réduirait les sorties « sèches » des dispositifs d’aide sociale à l’enfance. Le droit actuel permet l’accompagnement du jeune majeur jusqu’au terme de son année scolaire engagée. Cet article étend ce dispositif jusqu’à la fin de son cursus scolaire ou universitaire. L’article 4 vise à généraliser l’obtention de cartes de séjour « vie privée et familiale » pour tous les mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Actuellement, les mineurs non accompagnés pris en charge avant 15 ans obtiennent une admission au séjour de plein droit. Les mineurs pris en charge après 15 ans peuvent prétendre uniquement à une admission exceptionnelle au séjour. Cette inégalité de traitement entre les mineurs pris en charge avant ou après 15 ans est contraire à la Convention internationale des droits des enfants (décision CJUE, arrêt du 14 janvier 2021, Affaire C‑441/19). L’article supprime également la mention de « liens avec la famille restée dans le pays d’origine ». Cette condition aberrante est trop peu précise et est interprétée différemment selon les préfectures. Elle est contraire à l’article 16 de la Convention internationale des droits de l’enfant et représente une rupture d’égalité vis-à-vis des autres mineurs de nationalité française auxquels on ne demande pas de rompre les liens familiaux. L’article 5 vise à prolonger la durée de validité du titre de travail octroyé au mineur non accompagné jusqu’à la fin de son cursus universitaire ou scolaire. Cette disposition sécurisera l’accès au séjour et évitera les ruptures de formation. L’article 6 vise à rendre la prise en charge obligatoire pour les jeunes majeurs de moins de 21 ans. Aujourd’hui, les contrats jeunes majeurs restent l’exception et sont souvent signés pour une durée inférieure à 6 mois. Cette mesure, qui s’appliquera à l’ensemble des jeunes de l’aide sociale à l’enfance, vise à sécuriser le parcours des jeunes majeurs en leur permettant de construire un projet dans la durée avec l’aide des services sociaux. L’article 7 impose aux personnels de la protection de l’enfance une formation dédiée à l’accompagnement des mineurs non accompagnés dans leur démarche de régularisation administrative. Les mineurs non accompagnés sont pris en charge par la protection de l’enfance et encadrés par des éducateurs. Ces derniers sont les premiers contacts et référents des mineurs jusqu’à leur majorité. Ce sont vers eux que les mineurs non accompagnés se tournent lorsqu’ils entament les démarches juridiques et administratives liées à leur régularisation. Il est donc indispensable qu’ils possèdent de solides connaissances en la matière pour les accompagner au mieux.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après le premier alinéa de l’article 388 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « L’individu étranger se déclarant mineur est présumé comme tel jusqu’à ce qu’une décision du juge des enfants ou de cour d’appel soit rendue. »

Article 2

L’article 1186 du code de procédure civile est ainsi rédigé : « Art. 1186. – La présence d’un conseil est obligatoire dès la première audition du mineur, des parents, du tuteur ou de la personne ou du représentant du service à qui l’enfant a été confié. »

Article 3

Le dernier alinéa de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé : « Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1° du présent article devenus majeurs et aux majeurs mentionnés à l’avant-dernier alinéa du même article, au delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer le cursus scolaire ou universitaire engagé. » Article 4 L’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié : 1° Au premier alinéa, les mots : « au plus tard le jour de ses seize ans » sont supprimés ; 2° Au second alinéa, les mots : « , de la nature des liens de l’étranger avec sa famille restée dans son pays d’origine et » sont supprimés.

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)
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