Proposition de loi visant à l’équité fiscale entre les entreprises par la mise à contribution des géants du numérique et du e‑commerce
(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Fabien ROUSSEL, Jean‑Paul DUFRÈGNE, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, Marie‑George BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Karine LEBON, Jean‑Paul LECOQ, Jean‑Philippe NILOR, Stéphane PEU, Gabriel SERVILLE, Hubert WULFRANC.
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Nous affrontons une crise sanitaire, économique et sociale qui a mis un peu plus en lumière les inégalités profondes qui touchent notre pays. De nombreux Français, souvent modestes, ont risqué leurs vies au quotidien pour permettre à notre pays de tenir debout lors du confinement. D’autres subissent aujourd’hui les conséquences économiques et sociales de la crise : ce sont des jeunes, des travailleurs au chômage partiel, des intérimaires, des travailleurs indépendants, des commerçants ou des artisans qui tombent dans la pauvreté et se trouvent parfois contraints de faire appel à la solidarité pour se nourrir.
Pour autant, la crise n’est pas source de la même violence pour tous. Elle a représenté une aubaine pour certains, à l’image de l’entreprise de commerce électronique Amazon. Depuis le début de l’année 2020, les performances du géant du e‑commerce ont battu tous les records : les ventes ont triplé au troisième trimestre de 2020, la valeur d’Amazon dépassant les 1 500 milliards de dollars au mois d’août, permettant à son fondateur, Jeff Bezos, de voir sa fortune atteindre près de 200 milliards de dollars.
Après avoir largement tiré profit du premier confinement, la firme américaine a pu profiter d’un nouveau pont d’or offert par le gouvernement français : la fermeture des petits commerces et de certains rayons de supermarchés a permis aux géants du e‑commerce de bénéficié, pendant plusieurs semaines, d’un monopole fabriqué de toute pièce.
Symétriquement, de nombreux petits commerces se sont battus et se battent encore pour survivre. Les subsides versés par l’État à travers le fonds de solidarité n’ont pas permis d’absorber l’ampleur du choc occasionné par les décisions de fermeture administrative. L’exécutif aurait dû créer les conditions d’une compensation totale des pertes de chiffres d’affaires, prenant en compte les montants des loyers et mettant réellement à contribution différents acteurs, à commencer par les compagnies d’assurance. Le gouvernement s’y est une nouvelle fois refusé lors de la dernière loi de finance rectificative.
Un soutien à 100 % aux petits commerces aurait pourtant pu constituer un acte politique fort face à l’expansion sans borne d’Amazon et d’un modèle économique et financier qui ruine les projets de revitalisation des tissus économique locaux, d’amélioration globale de la qualité des emplois et de lutte contre la surconsommation.
Le développement des entreprises mastodontes spécialisées dans le commerce en ligne représente en effet une grave menace pour l’environnement, pour l’emploi, pour le commerce de proximité et pour la vitalité de nos bourgs et centres‑villes.
Le modèle de société promu par Amazon, c’est l’exploitation salariale du 21e siècle, où les travailleurs, transformés en automates, sont chargés de répondre aux exigences d’une boîte vocale. C’est un modèle de société de surconsommation, marqué par la multiplication d’achats superflus et suremballés, ayant parcouru des milliers de kilomètres avant d’arriver à destination. C’est, surtout, un modèle de société où les multinationales ne payent plus d’impôts et ne participent plus au financement de l’État providence.
Souvent cité en modèle pour ses prouesses en matière d’innovation, Amazon redouble de créativité en matière d’évasion fiscale. En déclarant non seulement ses profits dans des pays comme le Luxembourg ou l’Irlande, mais aussi ses ventes, la firme évite aujourd’hui la quasi‑totalité des impôts qu’elle devrait payer en France. Sur ce point, elle rejoint les autres grandes entreprises du numérique, elles aussi marquées par un développement exponentiel de leurs activités sans pour autant contribuer davantage au financement de l’État, des collectivités et de notre système de santé.
Les géants du numérique réunis sous l’acronyme Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) sont aujourd’hui les plus grandes entreprises du monde par leurs capitalisations boursières. Alors que ces cinq entreprises étaient valorisées globalement en 2010 à 820 milliards de dollars, l’essor sur la dernière décennie des technologies de communication, en particulier les technologies mobiles, les a propulsés à une valorisation globale de 4 750 milliards de dollars, soit une hausse de près de 500 %.
Le chiffre d’affaires cumulé de ces cinq entreprises au niveau mondial atteignait, en 2017, 650 milliards de dollars, c’est‑à‑dire autant que la production annuelle de richesses de certains pays, comme la Turquie. Si on rapporte ce chiffre au poids de la France dans l’économie mondiale (2 %), ces cinq géants du numérique réaliseraient près de 13 milliards de dollars de chiffre d’affaires en France, soit 10,9 milliards d’euros.
Face à ces chiffres hors‑norme, le montant des impôts payés par les Gafam apparait particulièrement modeste. Cette même année 2017, ils ne se seraient acquittés au total que de 43 millions d’euros d’impôts, soit à peine 0,3 % de leur chiffre d’affaires.
Ces entreprises tirent profit de la nature même de leurs activités. Celles‑ci sont immatérielles et réalisées à distance du consommateur, et peuvent être déclarées dans n’importe quel pays. Au‑delà des transferts de profits vers des paradis fiscaux réalisés par de nombreuses multinationales, les Gafam ont également la possibilité de déclarer directement les ventes qu’elles réalisent dans un autre pays que celui où elles sont effectivement réalisées. Elles peuvent de la sorte réduire massivement le chiffre d’affaires qu’elles déclarent et contourner de nombreux impôts. L’association Attac estimait en 2017 que les Gafam ne déclaraient que 28 % de leurs activités réelles en France, réduisant massivement leur impôt sur les sociétés, mais aussi les différents impôts assis sur le chiffre d’affaires comme les fameux impôts de production (CVAE), voire la TVA.
Ces nouvelles pratiques d’optimisation fiscale réduisent très fortement les effets de la taxe sur les services numériques, dites taxe Gafa, instaurée en 2019. Lors de la discussion de ce projet de loi, nous avions déjà mis en avant les risques de manipulations du chiffre d’affaires par les multinationales ainsi que le fait que l’assiette de la taxe, ciblée uniquement sur les activités numériques, était trop réduite. De fait, cette taxe n’apporte qu’un léger correctif à la problématique de l’évasion fiscale des entreprises du numérique alors même qu’elle avait été présentée comme la solution pour palier toutes les pratiques d’optimisation. Dans les faits, la taxe Gafa en vigueur a rapporté, en 2019, 350 millions d’euros. Or si on estime les bénéfices des Gafam, les recettes fiscales dues uniquement pour l’impôt sur les sociétés de ces cinq entreprises auraient dû atteindre 600 millions d’euros. En prenant en compte les autres impôts et les autres entreprises du numérique, on s’aperçoit donc que la taxe Gafa du gouvernement est loin des ambitions qu’elle avait affichées.
Des dispositifs ambitieux et opérationnels existent pourtant pour lutter contre cet évitement fiscal massif. Notre groupe avait déjà proposé, pour lutter contre la fraude fiscale des multinationales et donc des entreprises du numérique, d’instaurer le prélèvement à la source des bénéfices des multinationales. Ce dispositif permettrait de prélever directement les entreprises de l’impôt sur les sociétés, non plus sur la foi des bénéfices qu’elle voulait bien déclarer en France, mais sur la base du bénéfice mondial consolidé, rapporté au poids de la France dans le chiffre d’affaires de chacune des entreprises considérées.
La présente proposition de loi poursuit une ambition analogue, en ciblant davantage les entreprises du numérique dans leurs spécificités. Elle vise à rétablir l’équité entre les petits commerçants, qui payent normalement leurs impôts et qui aujourd’hui pâtissent le plus de la crise, et les géants du numérique et du e‑commerce, qui ont largement profité de la situation actuelle, mais se dérobent pourtant devant l’impôt.
Elle s’inscrit dans un cadre simple et de bon sens : les entreprises du numérique, au même titre que les petits commerces, doivent payer des impôts sur la base des activités qu’elles réalisent effectivement en France. C’est l’objet de l’article premier. Celui‑ci propose d’instaurer, dans le domaine du numérique, la notion d’établissement stable, caractérisée, pour une entreprise, par l’existence sur le territoire d’une présence numérique significative. Celle‑ci est définie par la fourniture d’un ensemble de services (collecte ou traitement des données, mise à disposition de contenu, vente d’espaces publicitaires ou de biens faisant l’objet d’une livraison…) à un consommateur localisé sur le territoire français. Ce dispositif permettrait ainsi de rattacher les activités des entreprises du numérique au territoire au sein duquel elles réalisent des profits. Le dispositif permettrait de remédier aux stratégies d’évitement fiscal en donnant à l’État les moyens juridiques de prélever l’impôt de ces multinationales.
Au‑delà du paiement normal des impôts que ces entreprises se doivent, la crise que nous traversons appelle par ailleurs à la solidarité dans l’effort national, à laquelle les géants du e‑commerce doivent participer.
L’article 2 propose en conséquence de les soumettre à une contribution exceptionnelle. Cette contribution prendrait la forme d’une taxe sur les grandes entreprises, assise sur le chiffre d’affaires réalisé grâce aux activités de e‑commerce lorsque celui‑ci dépasse 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros en France. Elle sera prélevée uniquement en 2021. Pour éviter toute manipulation des ventes ou du chiffre d’affaires, nous proposons de le définir comme l’ensemble des activités de ventes directes de biens commandés depuis une interface numérique localisée en France ou faisant l’objet d’une livraison à destination d’une personne domiciliée en France. En mettant en place des planchers à 750 et 25 millions d’euros, le dispositif permet de cibler uniquement les géants du e‑commerce (Amazon, Rakuten, Zalando, Wish…) et de préserver les petits commerçants ou artisans qui utilisent la vente à distance comme débouché, à titre principal ou accessoire, même quand celle‑ci s’opère avec l’intermédiation d’une centrale de e‑commerce. Elle ne touchera donc finalement qu’une poignée de très grandes entreprises, qui concentrent cependant des parts de marché très importantes.
Pour nous assurer pleinement que les dispositifs d’équité fiscale et de solidarité proposés aux deux premiers articles de cette proposition de loi permettront de venir au soutien des petits commerces, l’intégralité des recettes sera fléchée vers le fonds de solidarité. Ces nouvelles recettes fiscales permettront d’élargir le dispositif de soutien actuellement prévu et de mettre en place une compensation des pertes nettes de chiffre d’affaires.
Enfin, l’article 3 propose d’instaurer, pour les grandes entreprises, y compris les grandes entreprises du numérique, un reporting public pays par pays. Celui‑ci permettra de retracer les activités des entreprises dans chaque pays. Ces reporting porteront sur les montants de chiffre d’affaire et de bénéfice déclarés, les impôts payés ainsi que le nombre de salariés. Nous proposons que ces informations, essentielles pour juger de la substance économique de l’activité d’une entreprise dans un pays et donc de potentielles pratiques d’évasion fiscale, soient désormais publiques, afin de permettre aux citoyens d’être pleinement informés et de pouvoir mieux déterminer leurs choix de consommation.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Après l’article 209 B du code général des impôts, il est inséré un article 209 C ainsi rédigé :
« Art. 209 C. – I. – 1. Aux fins de l’impôt sur les sociétés, un établissement stable est réputé exister dès lors qu’il existe une présence numérique significative par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.
« 2. Le 1 s’ajoute, sans y porter atteinte ni en limiter l’application, à tout autre critère conforme au droit de l’Union européenne ou à la législation nationale permettant de déterminer l’existence d’un établissement stable dans un État membre aux fins de l’impôt sur les sociétés, que ce soit spécifiquement en relation avec la fourniture de services numériques ou autre.
« 3. Une présence numérique significative est réputée exister sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’activité exercée par son intermédiaire consiste, en tout ou en partie, en la fourniture de services numériques par l’intermédiaire d’une interface numérique, définie comme tout logiciel, y compris un site internet ou une partie de celui‑ci, et toute application, y compris les applications mobiles, accessibles par les utilisateurs, et qu’une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies en ce qui concerne la fourniture de ces services par l’entité exerçant cette activité, considérée conjointement avec la fourniture de tels services par l’intermédiaire d’une interface numérique par chacune des entreprises associées de cette entité au niveau consolidé :
« a) La part du total des produits tirés au cours de cette période d’imposition et résultant de la fourniture de ces services numériques à des utilisateurs situés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition est supérieure à 7 000 000 € ;
« b) Le nombre d’utilisateurs de l’un ou de plusieurs de ces services numériques qui sont situés sur le territoire national membre au cours de cette période imposable est supérieur à 100 000 ;
« c) Le nombre de contrats commerciaux pour la fourniture de tels services numériques qui sont conclus au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs sur le territoire national est supérieur à 3 000.
« 4. En ce qui concerne l’utilisation des services numériques, un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur utilise un appareil sur le territoire national au cours de cette période d’imposition pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis. Ces derniers sont définis comme services fournis sur l’internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d’une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en l’absence de technologie de l’information.
« 5. En ce qui concerne la conclusion de contrats portant sur la fourniture de services numériques :
« a) Un contrat est considéré comme un contrat commercial si l’utilisateur conclut le contrat au cours de l’exercice d’une activité ;
« b) Un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition ou si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés dans un pays tiers mais dispose d’un établissement stable sur le territoire national au cours de cette période d’imposition.
« 6. L’État dans lequel l’appareil de l’utilisateur est utilisé est déterminé en fonction de l’adresse IP de l’appareil ou, si elle est plus précise, de toute autre méthode de géolocalisation.
« 7. La part du total des produits mentionnée au a du 3 est déterminée par rapport au nombre de fois où ces appareils sont utilisés au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs situés n’importe où dans le monde pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis.
« II. – 1. Les bénéfices qui sont attribuables à une présence numérique significative ou au regard d’une présence numérique significative sur le territoire national sont imposables dans le cadre fiscal applicable aux entreprises.
« 2. Les bénéfices attribuables à la présence numérique significative ou au regard de la présence numérique significative sont ceux que la présence numérique aurait réalisés s’il s’était agi d’une entreprise distincte et indépendante exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues, en particulier dans ses opérations internes avec d’autres parties de l’entreprise, compte tenu des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés, par l’intermédiaire d’une interface numérique.
« 3. Aux fins du 2 du présent II, la détermination des bénéfices attribuables à la présence numérique significative ou au regard de la présence numérique significative repose sur une analyse fonctionnelle. Afin de déterminer les fonctions de la présence numérique significative et de lui attribuer la propriété économique des actifs et les risques, les activités économiquement significatives exercées par cette présence par l’intermédiaire d’une interface numérique sont prises en considération. Pour ce faire, les activités réalisées par l’entreprise par l’intermédiaire d’une interface numérique en relation avec des données ou des utilisateurs sont considérées comme des activités économiquement significatives de la présence numérique significative qui attribuent les risques et la propriété économique des actifs à cette présence.
« 4. Lors de la détermination des bénéfices attribuables conformément au 2, il est dûment tenu compte des activités économiquement significatives exercées par la présence numérique significative qui sont pertinentes pour le développement, l’amélioration, la maintenance, la protection et l’exploitation des actifs incorporels de l’entreprise.
« 5. Les activités économiquement significatives exercées par la présence numérique significative par l’intermédiaire d’une interface numérique comprennent, entre autres, les activités suivantes :
« a) La collecte, le stockage, le traitement, l’analyse, le déploiement et la vente de données au niveau de l’utilisateur ;
« b) La collecte, le stockage, le traitement et l’affichage du contenu généré par l’utilisateur ;
« c) La vente d’espaces publicitaires en ligne ;
« d) La vente directe de biens ou services commandés à partir d’une interface numérique faisant l’objet d’une livraison sur le territoire national ;
« e) La mise à disposition de contenu créé par des tiers sur un marché numérique ;
« f) La fourniture de tout service numérique non énuméré aux a à d. Un décret en Conseil d’État peut compléter cette liste.
« 6. Pour déterminer les bénéfices attribuables au titre des 1 à 4, le contribuable utilise la méthode de partage des bénéfices, à moins que le contribuable ne prouve qu’une autre méthode fondée sur des principes acceptés au niveau international est plus adéquate eu égard aux résultats de l’analyse fonctionnelle. Les facteurs de partage peuvent inclure les dépenses engagées pour la recherche, le développement et la commercialisation, ainsi que le nombre d’utilisateurs et les données recueillies par État membre.
« III. – Les données qui peuvent être recueillies auprès des utilisateurs aux fins de l’application du présent article sont limitées aux données indiquant l’État dans lequel se trouvent les utilisateurs, sans permettre l’identification de l’utilisateur. »
Article 2
I. – Après le chapitre II du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :
« Chapitre II bis
« Taxe exceptionnelle de solidarité sur les plateformes
de e‑commerce en faveur des petits commerces
« Art. 300 bis. – I. – Il est institué une taxe due à raison des sommes encaissées par les entreprises du e‑commerce définies au III, en contrepartie de la fourniture en France, au cours d’une année civile, des services définis au II.
« II. – Les services taxables sont les activités de vente directe par le redevable de biens ou services commandés à partir d’une interface numérique, à l’exclusion des services dans le champ de la taxe sur les services numériques mentionnés au II de l’article 299 du code général des impôts.
« III. – Les entreprises mentionnées au I sont celles, quel que soit leur lieu d’établissement, pour lesquelles le montant des sommes encaissées en contrepartie de la fourniture des services mentionnés au II excède les deux seuils suivants :
« 1.°750 millions d’euros au titre des vente effectuées au niveau mondial ;
« 2. 25 millions d’euros au titre des vente effectuées ou faisant l’objet d’une livraison en France, comme défini au III
« Pour les entreprises, quelle que soit leur forme, qui sont liées, directement ou indirectement, au sens du II de l’article L. 233‑16 du code de commerce, le respect des seuils mentionnés aux 1° et 2° du présent III s’apprécie au niveau du groupe qu’elles constituent.
« IV. – Pour l’application du présent article :
« 1° La France s’entend du territoire national, à l’exception des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, de la Nouvelle‑Calédonie, des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton ;
« 2°La fourniture du service taxable mentionné au II est effectuée en France si l’un des deux critères suivants est respecté :
a) L’utilisateur qui effectue l’achat sur une interface numérique est localisé en France s’il la consulte au moyen d’un terminal situé en France. La localisation en France de ce terminal est déterminée par tout moyen, y compris en fonction de son adresse IP (protocole internet), dans le respect des règles relatives au traitement de données à caractère personnel ;
b) La livraison du bien ou service est à destination de toute personne physique ou morale domiciliée en France.
« V. – Lorsque la fourniture des services mentionnés au II de cet article est réalisée en France au cours d’une année civile au sens du III ou IV du présent article, le montant des encaissements versés en contrepartie de cette fourniture est défini comme le produit entre la totalité des encaissements versés au cours de cette année en contrepartie de la fourniture de ces services et le pourcentage représentatif de la part de cette fourniture rattachée à la France évalué lors de cette même année. Ce pourcentage est égal à la proportion des fournitures de services soit effectuées auprès d’un utilisateur localisé en France tel que mentionné au a du III, soit faisant l’objet d’une livraison en France tel que mentionné au b du III, soit les deux.
« VI. – Pour l’application du présent article, les sommes encaissées dans une monnaie autre que l’euro sont converties en appliquant le dernier taux de change publié au Journal officiel de l’Union européenne, connu au premier jour du mois au cours duquel les sommes sont encaissées.
« VII. – La taxe mentionnée au I est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, tel que défini au IV, des sommes encaissées par le redevable, lors de l’année au cours de laquelle la taxe devient exigible, en contrepartie d’un service taxable fourni en France.
« VIII. – Le montant de la taxe est calculé en appliquant à l’assiette définie au V un taux de 15 %.
« IX. – Le fait générateur de la taxe prévue au I est constitué par l’achèvement de l’année civile au cours de laquelle l’entreprise définie au III a encaissé des sommes en contrepartie de la fourniture en France de services taxables. Toutefois, en cas de cessation d’activité du redevable, le fait générateur de la taxe intervient lors de cette cessation.
« Le redevable de la taxe est la personne qui encaisse les sommes. La taxe devient exigible lors de l’intervention du fait générateur.
X. – La taxe mentionnée au I est liquidée, déclarée, recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur les services numériques établie à l’article 299 du code général des impôts. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
II. – Le chapitre II bis du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts, dans sa rédaction résultant du présent article, s’applique à compter du 1er janvier 2021 jusqu’au 31 décembre 2021.
Article 3
I. – Les grandes entreprises, telles que définies à l’article 3 du décret n° 2008‑1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, publient chaque année une déclaration pays par pays tel que défini au II du présent article.
II. – La déclaration pays par pays comprend les informations suivantes, pour chaque état ou territoire au sein duquel l’entreprise est implantée :
1° Nom des implantations, nature de l’activité́ et localisation géographique précise de chacune d’entre elles ;
2° Chiffres d’affaires ;
3° Effectifs, en équivalent temps plein ;
4° Bénéfice ou perte avant impôt ;
5° Montant des impôts sur les bénéfices dont les implantations sont redevables, montant des impôts sur les bénéfices acquittés, les exonérations d’impôt sur les sociétés ;
6° Bénéfices non distribués ;
7° Subventions publiques reçues ;
8° La valeur de leurs actifs et le coût annuel de la conservation desdits actifs ;
9° Montant des ventes et achats ;
Pour les informations mentionnées aux 2° à 9°, les données sont agrégées à l’échelle de ces États ou territoires.
III. – En cas de non‑respect des obligations prévues par le présent article, le montant total des aides mentionnées au II est remboursé par l’entreprise et une sanction financière d’un montant égal à 4 % du chiffre d’affaires annuel total s’applique.