Propositions

Propositions de loi

PL n° 556 - décidant un moratoire de cinq ans sur l’attribution de tout dividende aux actionnaires

présentée par Messieurs les députés :
Jean-Jacques CANDELIER, Gaby CHARROUX et Patrice CARVALHO,
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les travailleurs subissent de plein fouet la crise du capitalisme. Chômage, bas salaires, sous-investissement productif, précarité… les chiffres sont les pires depuis 10 ans. Face à cette situation, le Gouvernement présente un « pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi » qui contient la mise en place d’un « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi » à hauteur de 20 milliards d’euros, financé par 10 milliards d’euros de coupes dans les dépenses publiques et 10 milliards d’euros de hausse de la TVA et de la fiscalité écologique.
Un tel « pacte » n’a en réalité à aucun moment été contracté avec les Français : il va complètement à rebours des engagements contractés en 2012 au moment des élections et s’oppose frontalement au mot d’ordre du « changement ».
Et un tel pacte est non seulement une trahison démocratique, mais il est aussi fondamentalement est injuste et inefficace. Le Gouvernement se contente de céder aux dogmes du MEDEF sur la compétitivité et le soi-disant « coût » du travail.
En réalité, seul le travail produit des richesses. Ce qui est prévu, c’est que tous les Français soient taxés pour compenser une subvention sans contrepartie ni contrôle aux employeurs.
Les profits ainsi dégagés iront directement dans la poche des actionnaires des entreprises privées et les dividendes supplémentaires dégagés par une rigueur accrue imposée en France alimenteront les délocalisations dans la mesure où la demande intérieure et l’activité dans notre pays se trouveront fortement handicapées.
Une autre politique est possible. Pourquoi ne pas décider qu’il revient aux propriétaires des capitaux, qui s’enrichissent en dormant, de se serrer la ceinture ? Pourquoi ne pas mobiliser les richesses colossales produites par les salariés français pour l’emploi, les salaires et les conditions de travail du plus grand nombre ?
La seule solution est de baisser massivement les prélèvements financiers – intérêts versés aux banques et dividendes versés aux actionnaires – qui asphyxient nos entreprises.
Cette orientation anticapitaliste est non seulement juste mais aussi extrêmement efficace : ce sont les prélèvements financiers qui minent l’efficacité de notre système productif. En trente ans, la rémunération des actionnaires est passée de 5 à 25 % des richesses produites par les salariés. En 2011, selon l’INSEE, les dividendes distribués aux actionnaires des sociétés non financières plus les intérêts versés aux banques totalisaient 309 milliards d’euros, alors que les cotisations sociales, qui sont systématiquement dénoncées par le patronat, ne représentaient que la moitié, soit 145 milliards d’euros !
Le capital est devenu complètement parasitaire : même quand le résultat net d’une entreprise est en baisse, on constate le maintien voire l’augmentation du dividende versé à l’actionnaire, fragilisant les fonds propres et le modèle économique de l’entreprise. Par exemple, les grandes sociétés ont versé 38,5 milliards d’euros de dividendes en 2012, alors même que les bénéfices ont baissé de 1,5 % par rapport à 2011.
Pour alléger massivement ces prélèvements financiers, nous proposons plusieurs mesures, comme l’augmentation des salaires et de l’emploi, la mise en place d’un pôle financier public, qui déciderait de prêts bonifiés pour les projets utiles d’investissement, la relance des services publics.
Nous proposons aussi, c’est l’objet de la présente proposition de loi, de décréter un moratoire de 5 ans sur tout versement de dividende aux actionnaires.
Une mesure qui permettrait de mettre un coup d’arrêt aux stratégies d’entreprise orientées vers le profit pour les actionnaires, qui ruinent l’investissement et les dépenses utiles. Dans l’esprit de l’article 37-1 de la Constitution, qui stipule que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental », il s’agit d’interdire, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, aux associés des sociétés de se servir comme ils le font, s’adjugeant en toute liberté un « revenu minimum du capital ». Ce gel des dividendes ferait l’objet d’une évaluation, afin de décider de son éventuelle prolongation. Nous pouvons en attendre une augmentation des marges de manœuvre des entreprises, avec les conséquences suivantes : consolidation des fonds propres, limitation de la spéculation boursière, arrêt de la casse de l’emploi et des politiques de rigueur salariale, redémarrage de l’investissement productif et de la recherche et développement, le tout sans perte de compétitivité économique. Ce redéploiement de centaines de milliards d’euros toucherait au porte-monnaie surtout les gros actionnaires puisque les dividendes représentent une part infime des revenus des petits porteurs. Seuls les habitués des assemblées générales d’actionnaires seraient impactés, et aucunement le monde du travail. Si 11 millions de Français détiennent des valeurs mobilières, la concentration des capitaux dans les mains des gros « investisseurs » est telle qu’une infime couche sociale se gave de manière indécente.
Sous le bénéfice de ces considérations autant économiques que morales, il vous est demandé de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Après le premier alinéa de l’article L. 232-12 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette part ne peut être que nulle pendant une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° du décidant un moratoire de cinq ans sur l’attribution de tout dividende aux actionnaires. »

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Jean-Jacques
Candelier

Député du Nord (16ème circonscription)
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