Propositions

Propositions de loi

PL n° 4504 - visant à assurer aux migrants le droit de résider légalement sur le territoire français

présentée par
MM. Patrick BRAOUEZEC, François ASENSI et Jean-Jacques CANDELIER,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux, est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. » Aimé Césaire.
Cette proposition de loi vise à apporter une solution à la situation scandaleuse faite en France aux nombreux résidents étrangers.
Contrairement aux idées reçues, les raisons qui mettent en mouvement des individus sont très nombreuses : économiques, politiques, désastres humanitaires et/ou écologiques, pour fuir une situation de guerre mais aussi par choix. En définitive, elles sont aussi nombreuses qu’il y a d’individus. Ces situations sont les mêmes pour les étrangers vivant en France que pour n’importe quel migrant dans le monde. C’est ainsi, par exemple que 1,6 millions de Français sont installés à l’étranger.
Les obstacles à l’entrée et au séjour, les expulsions, sont dérisoires et inopérants par rapport à l’action conjuguée de ce qui chasse les émigrants de chez eux et de ce qui les attire dans d’autres pays. À ce titre, il serait important que la France ne délègue plus aux institutions financières internationales le soin de régenter les échanges entre nations dans le sens de la mise en servitude qui sévit actuellement, car les immigrés ne sont ici rien d’autre que les témoins de l’endettement qui sévit là-bas.
Les politiques migratoires mises en œuvre en France comme en Europe sont illégitimes au regard des conventions internationales. Ces politiques n’empêcheront jamais les migrations qui sont des phénomènes normaux existant depuis des siècles dans la totalité des parties du monde. Elles font partie intégrante de nos sociétés. Les moyens de communication de masse, la vitesse de circulation des informations, des moyens de transport permettent aux personnes d’être connectées avec le reste du monde et participent de leur refus à une assignation à résidence ; ils exercent ainsi leur droit à la mobilité.
Dernièrement, les gouvernements européens et le patronat n’incitaient-ils pas fortement les salariés à accepter la mobilité et ne présentaient-ils pas le fait d’aller travailler à l’étranger comme une chance ?
Ce qu’on appelle communément des sans papiers sont des femmes, des hommes, des enfants qui aspirent à vivre dignement. Ces êtres humains sont stigmatisés, pourchassés, enfermés, parce que nés ailleurs ! Ils sont accusés de vouloir profiter de richesses, de protections qu’ils n’ont pas dans leur pays d’origine. Il est trop souvent oublié que les migrations dites économiques « justifiant »les politiques de chasse aux migrant-e-s sont le résultat de décennies de politiques coloniales de domination, d’occupation et de pillage.
Les politiques internationales aiguisent toujours les tensions qui provoquent guerres et insécurité. La mondialisation accentue, encore aujourd’hui, le détournement des richesses naturelles de ces pays au profit des grands groupes. Dés lors les pays du nord portent leur part de responsabilité dans les migrations économiques.
Les politiques de contrôle et répression des mouvements migratoires sont des non-sens de l’histoire.
L’instrument central de ce contrôle repose sur le système de visas, complété par d’autres dispositifs. Avec les accords de Schengen – 14 avril 1985 –, la suppression des contrôles aux frontières communes des pays signataires s’accompagne d’un contrôle renforcé aux frontières extérieures de l’espace Schengen. Ce contrôle est complété par des accords de réadmission, signés avec les pays tiers et la création de l’Agence de contrôle aux frontière, Frontex.
Avec ces dispositifs d’externalisation des frontières, l’Union européenne force, par des pressions économiques et politiques, les pays du sud à endosser les habits de gendarme de ses frontières.
Maintenir à distance les « indésirables » en les empêchant de voyager en toute légalité est aussi la pratique des consulats : la délivrance de visas se fait au compte-gouttes.
L’ensemble de ce système de dissuasion et de répression aux frontières extérieures a comme conséquence le recours à des routes migratoires « extralégales ».
Ces routes sont malheureusement bien souvent meurtrières : 1 500 morts en Méditerranée, selon le HCR, en 2011, sans compter les nombreux morts à Mayotte.
Les conditions imposées aux étrangers pour avoir le droit de résider légalement sur le territoire français n’ont pour seul résultat que de voir augmenter le nombre de personnes sans papiers.
Ainsi, exiger d’un étranger qu’il soit présent en France depuis 2, 3, 4 ou 5 ans pour éventuellement prétendre à un titre de séjour est non seulement illégitime, mais cela signifie qu’il est accepté par les pouvoirs publics qu’il soit clandestin durant toute cette période. Il est ainsi obligé d’être sous la férule des patrons, des marchands de sommeil, de ne pas se soigner, de ne pas avoir de vie culturelle, de ne pas construire de foyer tant qu’on ne l’y autorise pas et de s’occuper de ses enfants en cachette de crainte d’être arrêté à la sortie de l’école ou lors d’une visite dans une PMI.
Depuis 40 ans, la France entretient, pour le patronat, un réservoir de main d’œuvre malléable et anonyme. Il faut cesser cette hypocrisie. Il est grand temps d’avoir une politique digne de notre époque et des valeurs qui ont construit la France solidaire.
Comme il est temps que les termes de « régularisation » et « d’admission au séjour » soient bannis du langage et des textes. La République doit garantir les mêmes droits et les mêmes devoirs à tous ceux qui vivent déjà en France ou qui souhaitent y vivre.
Au 21e siècle la France ne peut plus s’opposer aux droits des femmes et des hommes à vivre là où ils le souhaitent. Avec cette proposition de loi, nous partons du fait que les étrangers sont des êtres humains. Ceci impose l’égalité des droits.
La reconnaissance effective de droits identiques entre les migrant-e-s et les Français est un enjeu politique visant à conquérir l’égalité des droits économiques, sociaux et culturels et environnementaux et à améliorer les rapports sociaux et politiques pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs et l’ensemble des citoyens vivant en France. Il n’est, en effet, pas vain de signaler que la situation des travailleurs sans papiers, faite de discriminations contribue à l’affaiblissement des droits sociaux de l’ensemble des travailleurs du pays dans lequel ils se trouvent.
Une antienne revient assez souvent pour justifier le refus de régularisation des travailleurs migrants vivant déjà sur le territoire : elle vise à convaincre que l’immigration a un coût élevé dans le cadre du budget national de l’État.
Le coût de l’immigration
En se référant à une étude sur les coûts de l’immigration quant à l’économie nationale – réalisée pour le compte du ministère des affaires sociales par une équipe de chercheurs de l’université de Lille, sous la direction du Professeur Xavier Chojnicki – il apparaît qu’en dépit des coûts et à partir des chiffres officiels, un solde positif pour l’État a été constaté en 2009.
Côté « coûts », les travailleurs migrants salariés représentent 47,9 milliards d’euros pour le budget de l’État dont :
– 16,3 milliards d’euros pour les retraites
– 2,5 milliards d’aides au logement.
– 1,7 milliard pour le RMI
– 5 milliards d’allocations chômage
– 6,7 milliards d’allocations familiales
– 11,5 milliards pour les prestations de santé
– environ 4,2 milliards pour l’éducation
Dans le même temps, les immigrés reversent au budget de l’État, par leur travail, des sommes beaucoup plus importantes :
– 3,4 milliards d’euros en tant qu’impôt sur le revenu
– 3,3 milliards pour l’impôt sur le patrimoine
– 18,4 milliards d’impôts et taxes à la consommation
– 2,6 milliards d’impôts locaux et autres
– 6,2 milliards pour les CRDS et CSG
– environ 26,4 milliards d’euros au titre des cotisations sociales
Soit un total de 60,3 milliards d’euros. L’organisation syndicale de la CGT a estimé que 100 000 travailleurs migrants régularisés et déclarés au niveau du SMIC – temps plein – apporteraient 280 millions d’euros aux comptes sociaux…
Ce n’est pas la migration qui revient cher mais la chasse aux sans papiers qui est coûteuse. Pour ce faire, il n’est pas inutile de se pencher sur l’autre chiffre que masque la politique des expulsions pour la collectivité, la Cimade l’estime à 533 millions d’euros, soit 27 000 euros pour chacune des 19 800 expulsions de 2008.
Damien de Blic, dans un article publié par la revue Mouvements, a estimé que le coût des expulsions réalisés par le ministère de l’intérieur, depuis 2003, correspondrait ni plus ni moins au déficit annuel de l’assurance vieillesse…
Les sans-papiers, victimes de discrimination
En 2011, près de 200 000 étrangers en situation dite « irrégulière » et bénéficiant de fiches de paie ont reçu une déclaration pré remplie avec leur nom et leur adresse. Le ministère du budget et des comptes publics et la DGFIP reconnaissent, en acceptant leurs déclarations et leurs impôts, les travailleurs sans papiers alors que le gouvernement refuse de les régulariser.
Ainsi, ils sont connus par l’administration, et peuvent donc payés impôts, cotisations sociales, taxes diverses. En revanche, dés qu’ils souhaitent faire reconnaître leurs droits, ils n’existent plus et doivent justifier qu’ils vivent, travaillent, se logent, se soignent, payent des impôts, cotisent… Et lorsqu’ils y parviennent, il leur faut encore acquérir une autorisation de travail et se confronter à l’arbitraire préfectoral…
Plus de 400 000 travailleurs sans papiers déclarent leurs revenus dont certains avec un contrat de travail en bonne et due forme, mais pour beaucoup d’autres ces salaires sont gagnés « au noir ».
En déclarant leurs revenus et en payant impôts et taxes, tous ces travailleurs sans papiers remplissent leur devoir citoyen au même titre que les autres citoyens français ; il est, dès lors, tout à fait normal qu’en retour leur participation à l’économie du pays soit reconnue par un titre de séjour pour eux-mêmes, leurs conjoint-e-s et leurs enfants.
Ces salariés sans papiers, en étant exclus des mêmes droits que les citoyens français sont victimes de discriminations économiques et sociales et subissent des injustices fiscales. Ainsi, la campagne « Racket sur les cotisations des travailleurs sans papiers », initiée par « Droits devant » a mis en avant cette situation dont sont victimes les travailleurs et les travailleuses sans papiers qui cotisent, paient des impôts et ne peuvent en retour avoir droit à nombre de protections et droits sociaux.
Comment le gouvernement peut-il accepter de favoriser « le travail au noir », donc la fraude fiscale et sociale, et refuser de régulariser les travailleurs sans papiers qui participent activement à l’économie sociale ?
Victimes de discriminations, ils sont aussi soumis à un risque permanent d’expulsion qui les contraint à ne pas demander de meilleures conditions de travail.
Pourtant, les migrant-e-s sont des travailleuses et des travailleurs dont l’emploi est devenu une réalité économique dans de nombreuses branches et entreprises du pays, entre autres dans le bâtiment, l’intérim, le nettoyage, le nettoiement, la restauration et l’aide à la personne… Autant de secteurs dont les métiers sont occultés, faiblement qualifiés et très mal rémunérés et pourtant essentiels dans la vie quotidienne. Ces salarié-e-s sont trop souvent méprisé-e-s et ignoré-e-s.
Ce constat est à rechercher du côté du capitalisme mondialisé et de la concurrence libre et non faussée où la recherche de la compétitivité maximum joue à plein et particulièrement, il faut bien le signaler, du côté des entreprises privées. Dans le but de trouver de la main d’œuvre moins chère ailleurs, la délocalisation devient la norme, et si cela est difficile, la « délocalisation sur place » est privilégiée en ayant recours à de la main d’œuvre considérée comme sans droits.
Ces derniers ne prennent pas « le travail des Français » comme cela est souvent dit mais occupent des emplois que nombre des Français ne veulent plus du fait des conditions de travail trop dures et/ou des conditions salariales insuffisantes.
Mais ce qui est sûr c’est que dans cette période de crise où la précarisation du travail se trouve accélérée et où tous les gouvernements européens poussent à marche forcée vers toujours plus d’austérité, la situation ne cesse d’empirer pour l’ensemble des travailleurs. Cela est encore plus difficile pour tous les travailleurs étrangers car ils sont massivement au plus bas niveau de l’échelle et sont à la fois dans une précarité absolue et dans une situation de soumission presque totale. Non seulement ils peuvent perdre leur emploi s’ils veulent désapprouver le traitement social dont ils sont victimes, mais ils risquent, chaque jour, d’être expulsés.
C’est ce qu’Emmanuel Terray, anthropologue, qualifie de « pratique de l’otage » qui fait que la chasse aux sans papiers vise en réalité à faire fonctionner la « délocalisation sur place ».
L’impact de la non régularisation des travailleuses et travailleurs sans papiers
La non régularisation permet que perdure le travail non déclaré, ou « dissimulé », ou « informel ». Pourtant entre 2000 et 2010, 48 lois, 14 ordonnances, 85 décrets, 21 arrêtés et 149 circulaires « se rapportent directement ou indirectement au travail illégal ». Malgré la multiplication des contrôles, le travail illégal ne diminue pas, au contraire. Le travail non déclaré ou insuffisamment déclaré reste l’infraction dominante au code du travail (75 % des infractions constatées). La fraude transnationale se développe, en particulier le prêt illicite de main d’œuvre et le marchandage, les situations illicites de prestations de services par des entreprises étrangères correspondent à 10 % des infractions constatées.
Évidemment, s’il est difficile d’établir la proportion de travailleuses et travailleurs sans papiers dans le travail non déclaré, il est facile de comprendre que la présence d’une main d’œuvre acculée à tout accepter rend possible le maintien, voire le développement, du travail au noir.
On peut de même douter de l’efficacité, voire même de la réelle volonté de la politique de sanction des employeurs, lorsque l’on considère l’organisation des marchés du travail au niveau mondial, de plus en plus caractérisée par la recherche d’une main-d’œuvre au moindre coût, que cela se fasse dans des conditions irrégulières ou régulières avec, notamment, le développement des migrations saisonnières. En témoignent aujourd’hui les difficultés rencontrées par certains organismes internationaux tels que l’Organisation internationale du travail dans leurs efforts pour faire adopter par leurs États membres les standards minimaux de protection des personnes migrantes.
« Ils vivent ici, ils sont d’ici »
Parent d’enfants scolarisés, malades, amoureux, étudiants, ascendant, demandeurs d’asile déboutés, etc : le nombre des personnes vivant en France en situation irrégulière augmente de manière constante car l’administration et le pouvoir discrétionnaire des préfets ne cessent pas de créer de nouvelles catégories. Juste pour mémoire, la circulaire Guéant du 31 mai 2011.
Vivant et travaillant en France, participant ainsi à la vie collective, les sans papiers n’ont, malgré cela, pas le droit de séjourner sur le territoire. C’est contre ce paradoxe qu’ils se mobilisent et revendiquent, depuis de nombreuses années, leur régularisation pour avoir le droit de vivre dignement en situation régulière. Ils affirment, avec raison, qu’ils ne mettent en danger ni la cohésion sociale ni l’économie du pays.
Pourtant, niant cette volonté et refusant de voir l’aspect positif de leur présence, le gouvernement met en place des politiques faites de répression, rafles, rétention, condamnations, expulsions, ce qui pousse de nombreuses familles à vivre dans des conditions inhumaines.
La réforme du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – CESEDA – a conduit à une négation drastique des droits fondamentaux de la personne et restreint encore plus radicalement le droit au séjour pour les familles, les conjoints, les enfants ; en un mot de toutes celles et ceux qui construisent leur vie en France. Elle entérine la quasi-disparition de cet outil d’« intégration » qu’était la carte de résident et s’attaque au séjour des malades étrangers.
Des travailleurs sans papiers revendiquent leur régularisation
En France, des hommes et des femmes – pour certains depuis plus de 10 ans – participent à son économie en travaillant dans les domaine les plus divers : bâtiment, nettoyage, nettoiement, restauration, aide à la personne, etc.
Pourtant, ils sont invisibles et sans droits car privés de titre de séjour. Mais cette invisibilité a été rompue par un grand mouvement de grève soutenu par des organisations syndicales, des collectifs de sans-papiers, des associations et des citoyens.
Un rappel : le 15 avril 2008, 300 travailleurs sans papiers ont entamé une grève avec occupation de locaux d’entreprises en région parisienne. En octobre 2009, ils étaient 6 804 à cesser le travail, obligeant les ministères du travail et de l’immigration à se mettre autour de la table de négociations avec le syndicat CGT. L’objectif était d’obtenir des règles précises ouvrant le droit à une régularisation des salariés sans papiers. En 2010, dans un « addendum » à une circulaire sur les politiques de régularisation, ils ont obtenu en partie satisfaction, ainsi il était précisé :
– qu’une personne est régularisable au bout de douze mois d’activité sur dix-huit
– que les promesses d’embauche provenant de différents employeurs sont recevables
– que la délivrance de cartes de séjour aux travailleuses de l’aide à la personne sera favorisée
Surtout, à cet addendum est ajoutée la liste officielle des métiers en pénurie de main-d’œuvre, soit 85 nouvelles professions.
Mais ce texte n’ayant aucune valeur juridique, donc aucune dimension contraignante, l’ensemble des critères sont restés indicatifs, et l’arbitraire dans le traitement des dossiers en préfecture a perduré. À cela doit être ajouté le durcissement des critères ou leur remise en cause soit par des décrets soit par la loi Immigration, Intégration et nationalité de 2011.
Selon les dernières données du ministère de l’immigration, datant d’avril 2011, 3 986 dossiers de régularisation de grévistes ont été déposés dans 11 départements – principalement à Paris et en Seine-Saint-Denis. Ils ont donné lieu à la délivrance de 494 cartes de séjour et de 1 898 récépissés de trois mois – ce qui permet aux salarié-e-s sans papiers de travailler dans l’attente d’un titre de longue durée. Déposer une demande en préfecture comporte toutefois des risques, selon Clotilde Maillard « Si 15 % des demandes aboutissent, nous constatons que la même proportion aboutit à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ». Ainsi, la préfecture de Seine-Saint-Denis a ordonné 332 des 479 OQTF prononcées sur l’ensemble du territoire, alors qu’aucune n’a été décidée dans la capitale.
La régularisation des travailleurs sans papiers déjà opérées dans certains pays européens, contrairement à ce qui est communément admis, n’ont pas provoqué de modifications conséquentes des flux migratoires. En effet, les migrants salariés sans papiers ne sont pas des personnes à l’affût des législations les plus facilement contournables pour se lancer dans l’aventure de la migration. Abandonner une partie des siens, s’engager dans un périple si dangereux qu’il en est mortel pour nombre d’entre eux, nécessite du courage.
Reconnaître l’égalité des droits : un enjeu social
Régulariser l’ensemble des personnes sans-papiers, notamment des travailleuses et travailleurs migrants, vivant en France et reconnaître les mêmes droits entre les résidents et futurs résidents est un enjeu, pas seulement pour les migrant-e-s eux-mêmes, mais pour l’ensemble des salariés. Mais peut-on se satisfaire des régularisations « par le travail » telles qu’elles fonctionnent actuellement ?
Aujourd’hui, une régularisation « par le travail » consiste en un titre de séjour précaire qui menotte le salarié à son employeur et le cantonne à un métier. S’il se fait licencier, il perd son titre et peut être expulsé ; cela est aussi vrai si son nombre d’heures de travail annuel est insuffisant, ou si ses revenus sont en dessous du SMIC…
Ne s’agit-il pas d’une nouvelle forme d’esclavagisme ?
Il est totalement incompréhensible qu’à partir du moment où un résident étranger se trouve sur le marché du travail en France, il ne puisse bénéficier de la totalité des droits de l’ensemble des travailleurs, au prétexte qu’il n’est pas né au bon endroit.
Même la loi actuelle considère qu’entre les salariés étrangers les droits ne sont pas les mêmes selon leur pays d’origine ou selon les accords passés entre le pays et la France !
Cette situation encourage le patronat à considérer que le travail fourni par un étranger n’a pas la même valeur selon qu’il a ou pas les autorisations administratives. Le législateur peut-il laisser perdurer cette situation alors que le patronat en profite pour :
– se garantir une main d’œuvre sous pression à tout point de vue en s’arrogant le pouvoir de ne lui reconnaître que l’obligation de travailler sans revendiquer.
– Augmenter conséquemment ses profits en se libérant des obligations du code du travail, des conventions collectives et en ne payant, bien souvent aucune cotisation sociale.
– Tirer l’ensemble des garanties collectives vers le bas.
Organiser le recrutement massif de travailleurs sans papiers dans les secteurs où le travail est difficile, très peu valorisé, sous-payé et où la concurrence et, de fait, exacerbée.
Au passage notons que les secteurs à forte présence de travailleurs sans papiers sont ceux qui sont entre les mains des plus grands groupes tels que le BTP, la restauration, le nettoiement, le nettoyage.
Reconnaître l’égalité des droits passe également par la disparition de toute notion discriminatoire du code du travail. En effet, celui-ci contraint les salariés étrangers dans des situations discriminatoires telles que :
– Le rattachement obligatoire à l’employeur qui les déclare le premier.
– L’impossibilité de changer d’emploi et de qualification pendant les premières années d’autorisation de travail en France.
– Un accès sous conditions discriminatoires à certains droits acquis par le travail salarié (prestations familiales…)
– Par ailleurs, les migrants salariés sont soumis à une multitude de titres de séjours différents qui les trient par catégories administratives inhumaines et de type kafkaïen. Quelque soient les raisons de sa venue en France, un migrant est avant tout un être humain qui aspire à l’émancipation et à vivre dignement et en sécurité.
Dès lors, la régularisation est un enjeu pour l’égalité des droits et le progrès social pour toutes et tous. On ne peut continuer à vivre dans un pays qui fait des étrangers des boucs émissaires alors qu’ils vivent ici, travaillent ici et partagent la vie quotidienne de tous les Français.
Il est temps d’arrêter de faire des étrangers les cibles d’une politique discriminatoire.
Il est temps que l’État réponde enfin à l’urgence de solidarité internationale.
Ce monde n’a pas besoin que des lois renforcent les peurs et les haines xénophobes, il a besoin de politiques ouvertes sur l’avenir et basées sur les valeurs universelles qui devraient être celles de la République, entre autres la démocratie, l’égalité en droits et en dignité des êtres humains, l’autodétermination pour tous les peuples.
L’impact de la politique contre l’immigration sur les droits fondamentaux
Les politiques d’immigration, en entravent l’exercice normal d’un certain nombre des droits fondamentaux, ont des conséquences sur la situation des étrangers installés régulièrement sur le territoire ou qui ont vocation à s’y installer. On pense notamment aux obstacles mis à l’immigration familiale sous couvert d’intégration, à la politique restrictive de reconnaissance de la qualité de réfugié ou encore à la précarisation des bénéficiaires de l’immigration « choisie ». Elles ont aussi des répercussions sur la situation des migrants qui, notamment par l’effet de ces législations et de ces pratiques restrictives, se maintiennent ou sont maintenus en situation irrégulière, les régularisations ne se faisant qu’au compte-gouttes, « pour des motifs humanitaires ou économiques ».
La plupart des droits sociaux sont refusés aux sans-papiers et ils ne sont pas toujours en mesure d’exercer les droits qui leur sont théoriquement reconnus, soit en raison des pratiques des services auxquels ils ont affaire, soit par crainte d’être dénoncés. La traque policière sous toutes ses formes – contrôles d’identité, visites domiciliaires, fichage, usage de la force, etc – fait partie du lot quotidien des étrangers et prioritairement des sans-papiers. À quoi s’ajoutent les renvois forcés, l’enfermement pour des périodes de plus en plus longues, les mauvais traitements qui inévitablement les accompagnent.
Il faudrait aussi, pour être complet, évoquer les dérives plus générales engendrées par la politique de fermeture des frontières comme l’accoutumance à la répression, la dégradation de l’esprit public, l’encouragement à la délation... – autrement dit la remise en cause d’un certain nombre de principes de l’État de droit et de la démocratie. Ces politiques ont enfin un impact sur le sort de tous ceux – migrants économiques et réfugiés confondus – qu’elles visent à empêcher d’atteindre les frontières de l’Europe.
Les analyses juridiques ne manquent pas sur la légalité des restrictions apportées aux droits fondamentaux des étrangers dans les pays d’accueil par les législations internes des États : les juridictions internes, les juges constitutionnels, la Cour européenne des droits de l’homme ont eu, à de multiples reprises, l’occasion de statuer sur la question de la constitutionnalité et de la conformité aux conventions internationales des mesures adoptées par les États. Et même si on peut contester les solutions auxquelles aboutit la mise en balance des droits fondamentaux avec les impératifs étatiques, qu’il s’agisse du droit au respect de la vie privée et familiale ou du droit de ne pas être arbitrairement détenu, les questions ne sont pas escamotées. Même s’il est vrai, qu’au regard des conventions relatives aux droits de l’homme, aucun État n’est tenu d’accepter l’entrée et la présence sur son territoire d’un individu qui n’est pas son national. Les textes eux-mêmes ne reconnaissent de droits qu’aux nationaux :
– Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, art. 13-2
« Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays »
– Pacte international sur les droits civils et politiques, art. 12-4
« Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays »
– Protocole n° 4 à la CEDH, art. 3-2
« Nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’État dont il est le ressortissant ».
Mais cela doit être pondéré car la Charte des Nations Unies a posé comme objectif de favoriser « le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous » et les États se sont engagés en y adhérant « à agir tant conjointement que séparément en coopération avec l’Organisation » en vue d’atteindre ce but. Et le principe qui ressort des textes, c’est que la jouissance des droits de l’homme, puisqu’ils sont universels, doit être reconnue à l’étranger comme au national : la différence entre le national et l’étranger cède devant la reconnaissance des droits de tout être humain, et la souveraineté des États trouve sa limite dans l’obligation de respecter ces droits. Dans son observation générale n° 15 sur la situation des étrangers au regard du Pacte, le Comité des droits de l’homme rappelle que
– « les étrangers ont ainsi un droit inhérent à la vie qui est juridiquement protégé,
– ne peuvent être privés arbitrairement de la vie
– ils ne doivent pas être soumis à la torture, ni à des traitements ou peines inhumains ou dégradants
– ils ne peuvent pas non plus être réduits en esclavage ou en servitude
– ils ont droit sans réserve à la liberté et à la sécurité de la personne
– S’ils sont légalement privés de leur liberté, ils doivent être traités avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à leur personne
– Un étranger ne peut être détenu pour inexécution d’une obligation contractuelle
– Les étrangers ont droit à la liberté de mouvement et au libre choix de leur lieu de résidence
– ils sont libres de quitter le pays
– Ils jouissent de l’égalité devant les tribunaux, et ont droit à ce que leur cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi, et qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale et des contestations portant sur leurs droits et obligations de caractère civil
– les étrangers [...] ne peuvent être soumis à aucune immixtion arbitraire ou illégale dans leur vie privée, leur famille, leur résidence ni leur correspondance [...]
– Ces droits ne peuvent faire l’objet que des limitations qui peuvent être légalement imposées conformément au Pacte ».
En conclusion, les restrictions à la libre circulation résultant de l’exercice par l’État de ses prérogatives souveraines doivent se concilier avec le respect des droits fondamentaux.
Le Comité des droits de l’homme, toujours dans l’observation n° 15, tout en rappelant que « le Pacte ne reconnaît pas aux étrangers le droit d’entrer sur le territoire d’un État partie ou d’y séjourner. En principe, il appartient à l’État de décider qui il admet sur son territoire », ajoute que « toutefois, dans certaines situations, un étranger peut bénéficier de la protection du Pacte même en ce qui concerne l’entrée ou le séjour : tel est le cas si des considérations relatives à la non-discrimination, à l’interdiction des traitements inhumains et au respect de la vie familiale entrent en jeu ».
Parmi les droits sacrifiés à la fermeture des frontières, sans prétention à l’exhaustivité et en se limitant aux droits qui ont le caractère le plus absolu, on peut citer :
– le droit de quitter son pays,
– la liberté individuelle,
– le droit d’asile,
– ainsi que ces droits théoriquement indérogeables que sont le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants et le droit à la vie.
La dénégation de la liberté de circulation aboutit aussi à priver les migrants de cet autre droit fondamental qu’est la liberté individuelle, c’est-à-dire le droit de ne pas être arbitrairement détenu. Le Pacte concernant les droits civils et politiques dispose que « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne... Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi. » (art. 9). Or non seulement l’enfermement des étrangers est devenu un élément constitutif des politiques d’immigration et d’asile à l’heure de la mondialisation, mais il se fait dans des conditions qui sont bien loin de respecter le principe posé par le Pacte. Tous les pays européens, aujourd’hui, ont adopté des textes qui permettent de priver de liberté les étrangers pendant une période allant de quelques jours à une durée « indéfinie », que la directive retour limitera désormais à... dix-huit mois. Le phénomène est amplifié par l’« externalisation » de la politique européenne d’immigration et d’asile qui débouche sur la création de centres fermés à l’extérieur des frontières de l’Union européenne.
La liberté de circulation est un principe philosophique qui ne saurait, a priori, être considéré comme un objectif irréaliste ou démagogique et qui devrait être, en définitive, l’idéal de tout démocrate.
Les migrations : un enjeu de développement
Les migrations ne doivent plus être présentées comme une menace qu’il faut par tout moyen endiguer mais comme un atout tant pour les pays d’origine que pour les pays d’accueil. Une ouverture progressive des frontières, outre qu’elle mettrait fin aux coûts et dégâts des politiques répressives actuelles, n’aurait pas d’incidence massive sur l’ampleur des mouvements migratoires car ni la fermeture des frontières, ni un soi-disant possible « développement » des pays du Sud n’empêchent les migrations. Par ailleurs, les critiques justifiées faites aux politiques migratoires actuelles, de plus en plus nombreuses et enrichies par des approches différentes, ont en commun de montrer non seulement les atteintes aux droits humains qu’elles entraînent, tant au niveau national que régional, mais aussi leur inefficacité au regard des objectifs déclarés : plutôt que de parvenir à véritablement contrôler les mouvements des personnes, ces politiques favorisent les stratégies de détournement et, au final, portent atteinte à la sécurité des personnes migrantes.
L’instauration progressive de la liberté de circulation et l’égalité des droits seraient aussi une des conditions nécessaires pour que l’organisation des activités économiques cesse d’externaliser ses coûts sur des populations privées de l’exercice de leurs droits fondamentaux et assignées à résidence.
Le PNUD, dans son rapport mondial sur le développement humain « Lever les barrières : mobilité et développement humains » consacré à la migration, adopte une approche positive des migrations et les présente comme un processus normal et ordinaire « la migration est une expression naturelle du désir des gens de choisir comment et où ils veulent vivre » ; de plus elles constituent une composante de la liberté individuelle : « pouvoir choisir son lieu de vie est un élément essentiel de la liberté humaine ».
Le PNUD va même jusqu’à « inviter les gouvernements à moins limiter les déplacements (…) afin d’élargir les chances et les libertés des individus ».
Ce plaidoyer pour davantage de migrations et pour des politiques d’immigration plus flexibles tient compte du fait que pour les pays de destination occidentaux, l’enjeu est démographique et économique car nos sociétés sont vieillissantes et souffrent d’une pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs ; pour les pays d’origine, les migrations sont une stratégie de développement, et notamment une manière de faire face à un marché du travail qui peine à absorber toute la population active tout en bénéficiant des transferts de fonds envoyés par les émigrants à leur famille. Finalement, pour le migrant, migrer est un moyen d’améliorer son sort et celui de ses proches : « La mobilité humaine peut être un moyen extrêmement efficace d’offrir à quelqu’un de bien meilleures perspectives en termes de revenus, de santé et d’éducation ». Autant dire que les migrations ne feraient que des gagnants, selon la formule dite du triple-win (ou « gagnant-gagnant-gagnant », pour les pays de destination et de départ, et pour les migrants eux-mêmes). À ce droit de liberté de circulation doit être ajouté le droit à l’installation dans le pays d’accueil.
Faire perdurer le statut discriminatoire en matière d’accès au droit au séjour, à la citoyenneté politique, à l’égard du salarié migrant revient à favoriser et à renforcer le populisme, le fascisme, le racisme. Il est plus que temps que les salariés migrants voient leurs droits liés à leur personne et non à l’emploi qu’ils occupent.
En optant pour garantir le droit de résider légalement sur le territoire français aux migrants, la France leur assurerait l’application des droits de l’homme et des droits fondamentaux (particulièrement le droit à avoir une vie familiale) et participerait à l’écriture d’un droit à l’immigration, c’est-à-dire à l’installation et à la circulation qui lui sont liées, s’agissant de personnes qui ne sont pas des détachés temporaires par des entreprises de leur pays d’origine.
C’est au nom de ces principes que la présente proposition de loi prévoit d’inscrire dans notre droit le droit de résider légalement sur le territoire français aux migrants ; en effet, cet un enjeu politique visant à conquérir l’égalité des droits économiques, sociaux et culturels et environnementaux et à améliorer les rapports sociaux et politiques.
I. Instauration d’un titre de séjour unique de durée progressive (article 1er)
L’article 1er vise à octroyer un titre de séjour autorisant l’exercice d’une activité professionnelle est délivré de plein droit à toute personne sans papiers qui souhaite séjourner en France lorsqu’elle correspond aux conditions visées aux articles 2 et 3 de la présente proposition de loi.
Ce titre de séjour est délivré pour une durée d’un an, puis renouvelé de plein droit pour une durée de trois ans, puis de dix ans.
Au-delà de ce dernier renouvellement, le titre de séjour porte la mention « résident de longue durée ».
Ce titre de séjour est délivré moyennant un droit de timbre équivalent à celui du passeport français.
II. Les catégories de personnes auxquelles le titre de séjour peut être délivré
1. Ce titre de séjour est délivré à tout étranger qui justifie avoir un emploi en conformité avec le code du travail, sans restriction liée à un métier ou à une zone géographique, ou avoir une promesse d’embauche ou être inscrit à Pôle emploi
2. Un titre de séjour, renouvelable de plein droit, est délivré de plein droit à tout étranger, mineur ou majeur, qui justifie avoir des attaches en France (familiales ou privées) ; être ou avoir été scolarisé en France ; nécessiter des soins médicaux (article 3).
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Un titre de séjour, autorisant l’exercice d’une activité professionnelle, est délivré de plein droit à toute personne sans papiers.
Ce titre de séjour est délivré pour une durée d’un an, puis renouvelé de plein droit pour une durée de trois ans, puis de dix ans.
Au-delà de ce dernier renouvellement, le titre de séjour porte la mention « résident de longue durée ».
Ce titre de séjour est délivré moyennant un droit de timbre équivalent à celui du passeport français
Article 2
Ce titre de séjour est délivré à tout étranger qui justifie avoir un emploi en conformité avec le code du travail, sans restriction liée à un métier ou à une zone géographique, ou avoir une promesse d’embauche ou être inscrit à Pôle emploi.
Article 3
Un titre de séjour, renouvelable de plein droit, est délivré de plein droit à tout étranger, mineur ou majeur, qui répond à l’une des conditions suivantes :
– avoir des attaches en France, de nature privée, familiale, culturelle ;
– être ou avoir été scolarisé en France ;
– nécessiter des soins médicaux.
Article 4
Les charges qui pourraient résulter pour les organismes sociaux de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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Patrick
Braouezec

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