Propositions

Propositions de loi

PL n° 3825 - portant création d’un livret d’épargne dédié au financement des infrastructures de transport

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi n° 2009-967 du 3 août 2009, relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement, prévoit dans ses articles 16 et 17, la réalisation d’un Schéma National des Infrastructures de Transport.
Le Schéma National des Infrastructures de Transport (SNIT) est un outil permettant la mise en œuvre des orientations du Grenelle de l’Environnement en matière d’infrastructures de transport : développement des modes de transport alternatifs à la route, amélioration de l’accessibilité des territoires, réduction des pollutions locales, recherche de l’efficacité énergétique, …
La loi précise par ailleurs que ce schéma constitue une révision des décisions du Comité Interministériel de l’Aménagement du Territoire de décembre 2003. Son horizon est fixé à 30 ans.
Il faut se féliciter de l’élaboration d’un Schéma National des Infrastructures ainsi que des principes directeurs qui le structurent, c’est-à-dire l’optimisation des systèmes de transport existant, l’amélioration de la performance dans la desserte des territoires et la réduction de l’empreinte environnementale, auxquels il faut également ajouter l’attractivité du territoire et la compétitivité économique.
Mais comment ne pas constater l’absence totale de crédibilité du document qui sera dans quelques mois soumis au Parlement, faute de priorisation des projets et surtout faute de financements dédiés
Le SNIT prévoit des dépenses de 260 milliards d’euros sur 30 ans, soit 130 années du budget actuel de l’AFITF. La répartition envisagée mettrait 86 milliards à la charge de l’État, 97 milliards pour les collectivités territoriales, le reliquat (77 milliards d’euros) restant à la charge de RFF ou des partenaires privés.
Une telle hypothèse n’est ni réaliste, ni raisonnable alors même que de grosses incertitudes pèsent sur les finances de l’État, des collectivités locales et qu’aucun financement pérenne n’a pour l’instant été constitué.
Ainsi, la taxe poids lourds n’est toujours pas en place. Après avoir fait l’objet d’un combat politique, la bataille s’est déplacée sur le terrain judicaire et semble arriver à son terme. Néanmoins sa mise en œuvre ne devrait être effective qu’au cours du 1er semestre 2013.
La situation financière de la SNCF est particulièrement difficile : sa dette s’élève aujourd’hui à 6,2 milliards d’euros et pourrait passer à 17,5 milliards d’euros en 15 ans à réseau constant.
Tout comme celle de RFF. La dette, aujourd’hui de 30 milliards d’euros, pourrait atteindre 35 milliards à réseau constant et 43 milliards si les projets prévus dans le 1er groupe du SNIT étaient réalisés. Elle passerait à 86 milliards avec la concrétisation de ceux inscrits dans le 2e groupe !
C’est tout simplement irréaliste.
Le recours aux PPP est également une fausse bonne idée. Solution prônée par les libéraux, pour faire face au manque de moyens de l’État, elle revient à offrir une rente au privé au détriment des finances publiques. La LGV Tours-Bordeaux, pour laquelle RFF a signé avec Vinci le plus important partenariat public-privé de France, illustre bien cette réalité. Alors que 71 % du financement sont publics (État, RFF, collectivités locales), le groupement Lisea est assuré d’une rente de 250 millions d’euros par an pendant 50 ans, pour 2,7 milliards investis, soit une rentabilité de l’ordre de 15 % par an payée par l’usager-contribuable.
Enfin, les PPP ne permettront pas de développer un aménagement équilibré du territoire car il sera difficile de trouver des investisseurs pour financer des projets peu, voire pas rentables, mais malgré tout indispensables au développement de certains secteurs.
La libéralisation est une autre fausse bonne idée pour développer les transports à moindre frais pour l’État. La situation du fret en France illustre bien le fait que la concurrence ne peut pas répondre aux enjeux : le trafic qui représentait en 2004, 46,9 milliards de tonnes/km a chuté à 16,9 milliards de tonnes en 2010. L’abandon quasi complet du wagon isolé annoncé en juillet 2009 par la SNCF ne permettra pas d’améliorer la situation.
Si des évolutions sont nécessaires, la libéralisation et la mise en concurrence ne sont pas les réponses adaptées.
Mais comment expliquer qu’à ce jour et malgré nos multiples demandes, aucune évaluation des politiques européennes d’ouverture à la concurrence des transports de fret comme de voyageurs n’ait été réalisée ?
2 décisions prises ces dernières années pèsent lourdement sur le secteur :
– La décision de privatiser les autoroutes ; alors que l’AFITF trouvait dans le produit des péages la source principale de ses moyens d’intervention, cette opération, que l’on peut qualifier de bradage, voit aujourd’hui les opérateurs privés réaliser 2 milliards d’euros par an de bénéfices sur un Chiffre d’Affaires de 8 milliards …
– La RGPP qui assèche les crédits publics, ce qui ouvre la voie au privé qui a les moyens, en finançant les investissements, de réaliser ainsi de nouveaux profits.
La mise en œuvre d’une politique ambitieuse en matière de transport passe par des actes forts :
– la mise en place d’un Pôle Public National des Transport pour doter la France d’un outil économiquement, socialement et écologiquement performant. Ce n’est pas du dogmatisme, mais un fait : le privé recherche avant tout, dans le transport comme ailleurs, le profit. Dès lors, pour lui, la réponse aux besoins des populations ou des entreprises, la solidarité entre les territoires ainsi que les enjeux du développement durable ne sont pas des priorités alors qu’elles sont constitutives d’une politique des transports. C’est pourquoi il faut une maitrise publique dans ce domaine.
– La création d’un « pôle public financier » ; elle passe par la mise en réseau des institutions financières publiques existantes (Caisse des dépôts, Crédit foncier, OSEO, CNP, Banque postale), les banques et assurances mutualistes dans le respect de leurs statuts et la nationalisation de banques et compagnies d’assurances. Ce réseau sera chargé d’une nouvelle mission de service public du crédit et de l’épargne, au service de l’emploi, de la formation, de la croissance réelle, de l’aménagement du territoire et de la préservation de l’environnement.
– La création d’une source de financement pérenne, permettant de sortir les investissements en infrastructures de transport, secteur stratégique s’il en est, des pressions des marchés financiers.
C’est dans ce cadre que nous proposons la création d’un nouveau livret d’épargne défiscalisé, sur le modèle du Livret A. Il s’agit d’un livret offrant un produit d’épargne sécurisé, dont les fonds seraient partiellement centralisés par la Caisse des Dépôt et Consignations et disponibles pour des prêts à très long terme, afin de financer des projets retenus au SNIT, mais aussi des investissements réalisés par les collectivités territoriales pour améliorer les performances des réseaux de transports. Ces fonds seraient accessibles pour des investissements nouveaux, pour des travaux de maintenance et de régénération. Ils n’excluent évidemment pas les subventions publiques.
Tel est l’objet de notre proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Après l’article L. 221-27 du code monétaire et financier, il est inséré une section 4 bis ainsi rédigée :
« Section 4 bis
« Livret de financement des infrastructures de transport
« Art. L. 221-28. – Le livret de financement des infrastructures de transport peut être proposé par tout établissement de crédit habilité à recevoir du public des fonds à vue et qui s’engage à cet effet par convention avec l’État.
« Art. L. 221-28-1. – L’établissement de crédit mentionné à l’article L. 518-25-1 ouvre un livret de financement des infrastructures de transport à toute personne mentionnée à l’article L. 221-28-2 qui en fait la demande.
« Art. L. 221-28-2. – Le livret de financement des infrastructures de transport est ouvert aux personnes physiques. Il ne peut être ouvert qu’un livret par contribuable ou un livret pour chacun des époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité, soumis à une imposition commune.
« Art. L. 221-28-3. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’ouverture, de fonctionnement et de clôture du livret de financement des infrastructures de transport. Les versements effectués sur ce livret ne peuvent porter le montant inscrit sur le livret au-delà d’un plafond fixé par le décret prévu au premier alinéa.
« Le même décret précise les montants minimaux des opérations individuelles de retrait et de dépôt pour les établissements qui proposent le livret de financement des infrastructures de transport.
« Art. L. 221-28-4. – Une quote-part du total des dépôts collectés au titre du livret des infrastructures de transport est centralisée par la Caisse des dépôts et consignations dans le fonds prévu à l’article L. 221-28-6.
« Le taux de centralisation des dépôts collectés au titre du livret de financement des infrastructures de transport est fixé de manière à ce que les ressources centralisées sur ce livret dans le fonds prévu à l’article L. 221-28-6 soient au moins égales au montant des prêts consentis au bénéfice des projets d’investissement d’infrastructures de transport par la Caisse des dépôts et consignations au titre de ce même fonds, affecté d’un coefficient multiplicateur égal à 1,25.
« Un décret en Conseil d’État pris après avis de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations précise les conditions de mise en œuvre des deux premiers alinéas.
« Les ressources collectées par les établissements distribuant le livret de financement des infrastructures de transport en application des alinéas précédents sont employées par ces établissements au financement des projets d’investissements en infrastructures de transport et des investissements réalisés par les collectivités territoriales pour améliorer les performances des réseaux de transport. Les dépôts dont l’utilisation ne satisfait pas à cette condition sont centralisés à la Caisse des dépôts et consignations.
« Les établissements distribuant le livret de financement des infrastructures de transport rendent public annuellement un rapport présentant l’emploi des ressources collectées au titre de ce livret et non centralisées.
« Ces établissements fournissent, une fois par trimestre, au ministre chargé de l’économie, une information écrite sur les concours financiers accordés à l’aide des ressources ainsi collectées.
« La forme et le contenu des informations mentionnées aux deux alinéas précédents sont fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie.
« Art. L. 221-28-5. – Les établissements distribuant le livret de financement des infrastructures de transport perçoivent une rémunération en contrepartie de la centralisation opérée. Ses modalités de calcul sont fixées par décret en Conseil d’État après avis de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
« Art. L. 221-28-6. – I. – Les sommes mentionnées à l’article L. 221-28-4 sont centralisées par la Caisse des dépôts et consignations dans un fonds géré par elle et dénommé fonds d’épargne.
« II. – La Caisse des dépôts et consignations, après accord de sa commission de surveillance et après autorisation du ministre chargé de l’économie, peut émettre des titres de créances au bénéfice du fonds.
« III. – Les sommes centralisées en application de l’article L. 221-28-4 ainsi que, le cas échéant, le produit des titres de créances mentionnés au II du présent article sont employés en priorité au financement des projets d’investissements en infrastructures de transport et aux investissements réalisés par les collectivités territoriales pour améliorer les performances des réseaux de transport.
« IV. – Les emplois du fonds d’épargne sont fixés par le ministre chargé de l’économie. La commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations présente au Parlement le tableau des ressources et emplois du fonds d’épargne mentionné au présent article pour l’année expirée.
« V. – La garantie de l’État dont bénéficient les sommes déposées par les épargnants sur les livrets dont les dépôts sont centralisés en tout ou partie dans le fonds d’épargne, ainsi que celle dont bénéficient les créances détenues sur le fonds d’épargne par les établissements distribuant ces livrets sont régies par l’article 120 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.
« Art. L. 221-28-7. – Les opérations relatives au livret des infrastructures de transport sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l’inspection générale des finances. »
Article 2
I. Les charges et pertes de recettes qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour l’État sont compensées par la création à due concurrence de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 402 bis, 438 et 520 A du code général des impôts.
II. Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale qui pourraient résulter de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 402 bis, 438 et 520 A du code général des impôts.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

Alain
Bocquet

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