Propositions

Propositions de loi

PL n° 3613 relative à l’avenir des ouvriers d’Etat

présentée par Mesdames et Messieurs les député-e-s :
André CHASSAIGNE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU,
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les ouvriers d’État, dont l’existence remonte au XVIIe siècle, ont de longue date une vocation préférentielle à remplir des tâches industrielles ou à forte technicité, pour lesquelles le statut de fonctionnaire est mal adapté.
Pourtant, leurs effectifs diminuent à un rythme accéléré.
Notre pays ne compte plus aujourd’hui qu’environ 30 000 ouvriers d’État contre 70 000 en 1997.
En 2014, les effectifs par ministère se répartissaient ainsi :
– 25 653 au ministère de la défense, en charge du maintien en conditions opérationnelles des matériels des Ateliers industriels de l’aéronautique (AIA), des Services de soutien à la flotte (SSF), de la Base de soutien du matériel de l’armée de terre (BSMAT), des Services des essences de l’armée (SEA), du Service interarmées des munitions (SIMU), du Service infrastructure de la défense (SID) et du service santé des armées (SSA).
– 7 007 à l’équipement et aux transports, notamment dans les parcs et ateliers : la sécurité des usagers de la route, la signalisation et la sécurité maritime, l’exploitation et la maintenance du réseau fluvial, les pistes d’atterrissage et le balisage aéroportuaires, la direction générale de l’aviation civile, Météo-France et l’IGN.
– 916 à l’intérieur au service du maintien en conditions opérationnelles des services de gendarmerie.
– 642 au ministère de l’économie et des finances : cadastre, génie rural et hydraulique agricole.
– 384 autres, dont les agents des monnaies et médailles et de l’imprimerie nationale.
Si ces personnels non titulaires de droit public ne relèvent ni du statut général des fonctionnaires ni des règles de droit commun des agents non titulaires de l’État, il n’existe pas non plus de statut unifié des ouvriers d’État.
Ceux-ci sont régis par des règles statutaires qui varient d’un ministère à l’autre. Ils dépendent ainsi de 6 ministères et de 24 décrets différents.
Tous en revanche cotisent au même régime de retraite, celui des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État régi par le décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004.
Si la baisse des effectifs des ouvriers d’État est avant tout la conséquence des politiques gouvernementales successives de réduction des effectifs de la fonction publique, elle traduit aussi la difficulté des pouvoirs publics à appréhender la singularité et la spécificité de ce statut.
Nous en trouvons une illustration dans les appréciations portées par la Cour des comptes dans plusieurs de ses rapports annuels.
En 2011 et 2012, notamment, la Cour a dénoncé, concernant en particulier le ministère de la défense, une « utilisation excessive du statut » mais reconnaissait dans le même temps que « le maintien en condition opérationnelle des armées nécessite sans conteste que le ministère de la défense dispose, dans certains secteurs professionnels, de personnels ouvriers maitrisant des compétences spécialisées ».
La Cour n’en préconisait pas moins de « ne plus recourir à ce statut pour satisfaire les besoins en emplois, de quelque nature qu’ils soient. »
Cette interdiction du recrutement d’ouvrier d’État s’inscrit dans la vision dogmatique qui conduit les partisans de la rigueur budgétaire à considérer que la dévolution au secteur privé serait à la fois source d’économie et gage d’efficacité.
Répondant à un référé de la Cour des comptes sur la gestion des ouvriers de l’État au ministère de la défense, le Premier ministre avait en 2014 justifié le recours à des recrutements d’ouvriers d’État par « le besoin urgent en personnels qualifiés » dans certaines spécialités critiques touchant au maintien en condition opérationnelle.
Il avait souligné, à cette occasion, le double écueil rencontré de manière récurrente par les pouvoirs publics : l’impossibilité de recruter des fonctionnaires au statut proposé d’agent technique, d’une part, en raison de la faible attractivité des postes, compte tenu de la concurrence du secteur privé dans ces mêmes domaines ; la difficulté, d’autre part, de recourir au CDI, qui « conduit à un niveau de rémunération élevé, en raison de la concurrence avec le secteur privé pour l’exercice de professions à haute technicité et requérant un niveau de qualification important, sans permettre de fidéliser les agents ni de garantir une sélectivité tout au long de la carrière. »
« De son côté », soulignait-il encore, « le statut d’ouvrier de l’État garantit à l’employeur le maintien du niveau de qualification tout au long de la vie professionnelle des agents. En effet, les groupes de rémunération auxquels appartiennent les ouvriers de l’État correspondent à des niveaux de qualification et la progression d’un groupe à un autre est conditionnée par l’acquisition d’une qualification nouvelle, vérifiée par le passage d’un essai professionnel. Ce dispositif unique permet ainsi de lier l’avancement à l’acquisition de compétences nouvelles tout au long de la carrière. »
On ne peut mieux exprimer que ne le fit alors le Premier ministre l’utilité et la pertinence du maintien du statut des ouvriers d’État. De fait, le Gouvernement ne respecte pas intégralement le moratoire sur les recrutements et autorise encore aujourd’hui des recrutements au compte-goutte.
Cela n’empêche malheureusement pas les effectifs d’ouvriers d’État de reculer et l’externalisation de demeurer la norme, quand bien même la privatisation ne démontre ni un surplus d’efficacité ni une quelconque économie pour le contribuable.
Fort de ce constat, certains défendent aujourd’hui la mise en place d’un quasi-statut interministériel de non-titulaires en CDI.
Si les évolutions statutaires ne sont pas un tabou, nous devons néanmoins nous assurer du maintien des missions indispensables à l’intégrité de l’État, qu’elles soient régaliennes ou de services publics, et que le statut envisagé garantisse à la fois l’indépendance et le développement économique national et territorial de notre pays et la capacité de l’État à répondre aux missions d’urgence en situation de crise.
Rien ne serait plus préjudiciable que de prolonger le mouvement actuel d’abandon progressif des missions et compétences techniques des ouvriers d’État au nom d’économies budgétaires de court terme.
Les syndicats réclament de leur côté depuis plusieurs mois la tenue d’une table ronde réunissant les ministères concernés, les employeurs et les organisations syndicales représentatives afin de débattre du périmètre des missions des ouvriers d’État, de l’évolution des règles statutaires et de l’avenir du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE).
Dans l’attente, afin de maintenir les missions et compétences techniques dans les services de l’État, il importe de mettre un terme à la possibilité offerte par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique de recruter en CDI sur des missions assurées par les ouvriers d’État.
À cette fin, nous proposons dans la présente proposition de loi de modifier l’article 36 de la loi précitée en spécifiant que le contrat conclu, à titre expérimental, en application du 1° de l’article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, ne peuvent être conclu pour une durée indéterminée sur les missions exercées par les catégories de personnels bénéficiaires du régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Le premier alinéa de l’article 36 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique est complété par les motifs :
« sauf si ce contrat concerne des missions exercées par les catégories de personnels bénéficiaires du régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État. »

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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