Propositions

Propositions de loi

PL n° 2467 relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques

présentée par Mesdames et Messieurs les député-e-s :
André CHASSAIGNE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Marie-George
BUFFET, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, et Nicolas SANSU,
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
À l’occasion des fortes chutes de neige de l’hiver 1980-1981, de la
succession de tempêtes en 1999, 2004, 2009, 2010, de l’épisode neigeux du
mois de novembre 2013 et des périodes de fort vent du début de l’année
2014, les réseaux électriques et téléphoniques aériens ont été fortement
endommagés avec des conséquences graves pour les usagers.
Lors de l’hiver 2013/2014, la conjonction d’un automne relativement
clément, qui n’a pas défeuillé les arbres, et de fortes averses de neige très
grasse a entraîné la chute de nombreux arbres et branches, conduisant à une
casse majeure des infrastructures aériennes dans certaines régions
françaises.
Le rétablissement de l’énergie et de la téléphonie a pris plusieurs
semaines et, dans certains cas, les réparations n’ont été que provisoires.
Plusieurs mois sont parfois nécessaires pour finaliser toutes les opérations
de maintenance curative liées à ces différents épisodes climatiques.
Or, une part importante des conséquences désastreuses sur le réseau
aérien, qui engendrent des coûts très élevés pour la maintenance, aurait pu
être évitée par un entretien régulier des abords des lignes aériennes. Cet
entretien n’est malheureusement plus assuré depuis de nombreuses années
par l’opérateur France Télécom, devenu Orange, prestataire du service
universel pour le raccordement et le service téléphonique.
Une remise en cause de la servitude d’élagage préjudiciable à
l’entretien préventif du réseau
En effet, sur le plan règlementaire, les articles L. 45-9 et suivants du
code des postes et des communications électroniques fixent les règles qui
lient les opérateurs et les régisseurs des domaines publics routiers ou non
routiers, ainsi que les propriétaires de parcelles privées.
Les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d’un droit de
passage, sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant
du domaine public routier et non routier, à l’exception des réseaux et
infrastructures de communications électroniques, et de servitudes sur les
propriétés privées mentionnées à l’article L. 48, dans les conditions
indiquées ci-après. Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du
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domaine public non routier peuvent néanmoins autoriser les exploitants de
réseaux ouverts au public à occuper ce domaine, dans certaines conditions.
Pour les lignes téléphoniques, depuis l’abrogation de l’article L. 65-1
du code des postes et télécommunications par la loi du 26 juillet 1996, la
société France Télécom, devenue Orange, n’est plus soumise à la servitude
d’élagage aux abords des lignes aériennes réseau. Rien n’est donc prévu
formellement pour encadrer l’entretien des abords des lignes téléphoniques,
et les propriétaires riverains des lignes sont en théorie chargés de procéder,
à leurs frais, à ces travaux.
Dans la réalité, même si des dispositions du code général des
collectivités territoriales, notamment les articles L. 2212-1 et L. 2212-2, et
du code de la voirie routière, plus particulièrement les articles L. 114-1,
L. 114-2 et R. 116-2, permettent aux communes d’exiger l’élagage des
arbres de la part des propriétaires riverains de la voie publique, la
complexité et les difficultés de la mise en œuvre conduisent à l’absence
d’entretien réel le long du réseau.
France Telecom – Orange ne manque d’ailleurs pas de préciser aux
élus municipaux et locaux qui font remonter de façon récurrente la
dégradation du réseau de lignes téléphoniques sur leurs territoires qu’il n’a
aucune légitimité à intervenir sur le domaine privé afin d’assurer un
entretien préventif des abords de son réseau.
Par ailleurs, les agents mandatés par cette société n’ont pas le droit de
couper un arbre qui est tombé sur une ligne ou un ouvrage. Ainsi, le réseau
continue de se détériorer, et atteint un état de vétusté critique, notamment
sur certaines zones rurales en montagne.
Des inégalités d’accès croissantes pour les usagers et
préjudiciables au tissu économique local
Face à cette situation, il est temps d’intervenir sur le plan législatif afin
d’assurer au mieux la continuité de service téléphonique, car ces coupures,
dont les durées sont parfois très longues, pénalisent lourdement les
particuliers et les professionnels.
Les cas de personnes handicapées, ou âgées, ayant un système de
téléalarme et se retrouvant sans contact extérieur, sont très nombreux. Pour
l’ensemble des foyers privés durablement de ligne téléphonique, les accès
aux services d’urgence, pompiers, SAMU, gendarmerie ou police nationale
sont rompus. Il en va donc de la sécurité même des personnes et des biens.
– 4 –
De même, l’impact économique de ces coupures n’est pas pris en
compte et n’est pas dédommagé alors que des professionnels travaillent par
commandes ou réservations, par mail ou par téléphone, comme en
hôtellerie-restauration. Les coupures, parfois jusqu’à une vingtaine de
jours, mettent sérieusement à mal ces petites structures. Des livraisons
commerciales ou des activités de service sont également impactées parfois
sur des zones très étendues.
Dans les zones de moyenne montagne ou de montagne, ce sont les
activités touristiques, représentant un véritable poids économique local, qui
sont touchées. Or, la réactivité face aux demandes de réservation en ligne
ou par téléphone est un élément essentiel de la pérennité de certaines
structures touristiques, alors même que la clientèle des établissements ou
services touristiques privilégie de plus en plus souvent de courts séjours ou
des réservations de dernière minute. En outre, de tels dysfonctionnements
contredisent clairement les efforts financiers des collectivités en faveur du
développement local.
De fait, à la « fracture numérique », résultant du rythme de
déploiement différencié des réseaux numériques en fonction du soutien des
collectivités, se surajoute une véritable fracture économique territoriale sur
la base du simple accès au service universel téléphonique de base.
Investir sur l’entretien, la prévention et le renouvellement des
lignes téléphoniques : un besoin fondamental, une législation à adapter
Les dégâts cumulés occasionnés aux ouvrages et aux lignes
téléphoniques ont un coût croissant en lien avec l’absence d’entretien
régulier et de renouvellement du réseau. Selon l’Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes (ARCEP), le coût total de
l’entretien des lignes dans le cadre du service universel atteindrait les
15 millions d’euros. Au regard du chiffre d’affaires du groupe s’élevant en
2013 à 40,9 milliards d’euros, et des bénéfices nets du groupe cette même
année, 1,9 milliards d’euros, les moyens d’un investissement très supérieur
sur ces réseaux sont immédiatement disponibles.
Mais ses objectifs de rentabilité passent aujourd’hui bien avant sa
mission de service public, notamment pour les réseaux jugés non rentables
en zone rurale.
Par ailleurs, les conditions du recours à la sous-traitance pour
l’entretien curatif du réseau contribuent à négliger tout entretien préventif
des lignes. Le caractère vétuste des lignes et des infrastructures aériennes
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est souligné dans les comptes-rendus d’intervention des sous-traitants, mais
rarement pris en compte par France Télécom – Orange qui considère que le
simple rétablissement de l’accès au réseau, même temporaire et aléatoire
pour les usagers, vaut traitement curatif. Ainsi France Télécom – Orange,
qui vérifie la qualité de service de ses sous-traitants, ne s’impose pas la
même rigueur, puisqu’il ne donne pas suite aux interpellations sur la qualité
délabrée du réseau et de ses abords par ses propres sous-traitants.
De même, les cas de débranchement, ou de retards très importants de
branchements, notamment dans les zones de construction ou dans les zones
rurales, avec des centraux téléphoniques saturés, se multiplient faute
d’investissement dans de nouvelles capacités de branchement et pour
renouveler les câbles principaux vétustes dont les fils de cuivre sont hors
service. Au final, c’est le service rendu aux usagers qui se dégrade, en
particulier dans les zones précitées.
Ainsi, aux côtés des usagers impactés, de très nombreuses communes
font aujourd’hui remonter le fait que France Télécom – Orange « ne
remplit pas sa mission de service public » et demandent à la fois une
modification de la règlementation sur l’entretien aux abords des lignes et de
véritables investissements sur le renouvellement du réseau.
Aussi, cette proposition de loi prévoit de revoir en profondeur les
conditions d’entretien préventif et de renouvellement des réseaux
téléphoniques existants.
Le texte garantit tout d’abord que toute personne résidant sur le
territoire national bénéficie d’un droit d’accès au service de
communications électroniques (article 1er).
Le texte réaffirme ainsi que les ouvrages destinés à transmettre les
communications électroniques ou non sont considérés d’utilité publique
(article 2).
Il confie à l’opérateur, ou aux opérateurs, l’entretien préventif et
curatif des ouvrages dont ils ont la responsabilité, et en conséquence le
droit de couper les arbres et branches à l’abord des lignes ou des ouvrages,
comme d’employer tous moyens, qu’ils jugeront utiles et nécessaires, afin
d’assurer la continuité de service et la protection des ouvrages. Elle prévoit
également la possibilité de mise en demeure de l’opérateur concerné par les
collectivités territoriales en cas de manquement à ses obligations afin de
maintenir et garantir le service de télécommunication (article 3).
– 6 –
L’article 4 remet au décret les modalités d’entretien et les fréquences
d’intervention attendues.
L’article 5 de la proposition de loi prévoit également que les coûts
générés par l’entretien préventif et curatif des ouvrages, leur modernisation
et leur renouvellement, doivent être supportés par la société propriétaire des
ouvrages. Cependant, elle peut répercuter une partie proportionnelle de ces
coûts aux différents opérateurs utilisant le réseau. Le refus de s’acquitter
des sommes demandées par l’opérateur propriétaire des ouvrages peut
entraîner, après mise en demeure, l’interdiction d’utilisation des ouvrages
par l’opérateur ne voulant pas honorer la partie proportionnelle qui lui
incombe.
L’article 6 énonce les dispositions applicables à tout nouvel ouvrage,
avec la création d’une servitude contractualisée entre l’opérateur
propriétaire de l’ouvrage et les différents propriétaires.
L’article 7 rappelle que les modifications juridiques des sociétés
propriétaires ne peuvent les dédouaner de leurs responsabilités.
Enfin, l’article 8 prévoit de renforcer le contrôle et l’information du
public et des collectivités territoriales sur l’état réel du réseau des lignes
téléphoniques, par la réalisation et la mise à disposition d’un rapport annuel
mis à jour notamment sur la base des interventions curatives et des
branchements. Il comprend notamment une cartographie détaillée à
l’échelle de chaque commune, ainsi qu’une programmation prévisionnelle
des travaux à effectuer.
– 7 –
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Avant l’article L. 32 du code des postes et des communications
électroniques, il est inséré un article L. 31-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 31-1. – Toute personne résidant sur le territoire national
bénéficie d’un droit d’accès au service de communications électroniques. »
Article 2
Après l’article L. 45-9 du code des postes et des communications
électroniques, il est inséré un article L. 45-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 45-9-1. – Tous les ouvrages destinés à transmettre des
communications électroniques ou non, relais de téléphonie mobile, réseaux
filaires aériens, réseaux souterrains, boîtiers de raccordement, dès lors
qu’ils servent à la population, suivant les règles de contractualisation
propres à l’opérateur, sont considérés d’utilité publique. »
Article 3
Après l’article L. 45-9 du code des postes et des communications
électroniques, il est inséré un article L. 45-9-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 45-9-2. – Les opérateurs sont responsables, au sens civil et
pénal, des ouvrages, dont ils ont la charge, et des dégâts que ces derniers
pourraient occasionner. Les entretiens préventifs et curatifs, également des
abords des ouvrages, sont à la charge de l’opérateur.
« L’entretien préventif des abords, tels que le débroussaillage, la coupe
d’herbe, l’élagage et l’abattage peuvent être accomplis par le propriétaire
du terrain sur lequel reposent les ouvrages ou le riverain. Dans ce cas, ils
seront tenus pour responsables des dégâts éventuellement causés aux
ouvrages.
« La déclaration d’utilité publique d’un réseau de télécommunication
confère le droit, à l’opérateur propriétaire des ouvrages, de couper les
arbres et branches d’arbres qui, se trouvant à proximité des conducteurs

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aériens, gênent leur pose ou pourraient, par leur mouvement ou leur chute,
occasionner une rupture du service ou des avaries aux ouvrages.
« Les opérateurs ont la légitimité d’employer tous moyens appropriés
afin d’assurer la continuité de service et la protection des ouvrages.
« Les propriétaires et riverains doivent tout mettre en œuvre, afin de
permettre aux agents, mandatés par les opérateurs propriétaires des
ouvrages, l’accès aux abords des ouvrages.
« Toute action volontaire visant à empêcher le bon déroulement des
travaux d’entretien est passible d’un an d’emprisonnement et de 3750 euros
d’amende.
« Sans entretien, la collectivité territoriale, après mise en demeure de
l’opérateur propriétaire des ouvrages, peut entreprendre toute action qu’elle
jugera utile et nécessaire afin de maintenir et garantir le service de
télécommunication. »
Article 4
Après l’article L. 45-9 du code des postes et des communications
électroniques, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 45-9-3. – Une procédure fixant les modalités d’entretien et les
fréquences d’intervention est définie par un décret. »
Article 5
Après l’article L. 45-9 du code des postes et des communications
électroniques, il est inséré un article L. 45-9-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 45-9-4. – Les coûts générés par l’entretien préventif et curatif,
la modernisation et le renouvellement des ouvrages doivent être supportés
par l’opérateur propriétaire des ouvrages.
« Cependant, l’opérateur peut répercuter une partie proportionnelle de
ces coûts aux différents opérateurs utilisant le réseau.
« Le refus de s’acquitter des sommes demandées par l’opérateur
propriétaire des ouvrages peut entraîner, après mise en demeure,
l’interdiction d’utilisation des ouvrages par l’opérateur ne voulant pas
honorer la partie proportionnelle qui lui incombe. »

– 9 –
Article 6
Après l’article L. 45-9 du code des postes et des communications
électroniques, il est inséré un article L. 45-9-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 45-9-5. – Tout nouvel ouvrage donnera lieu à une servitude
contractualisée entre l’opérateur propriétaire de l’ouvrage et les différents
propriétaires, syndic, ou collectivités territoriales gérant les sols ou les
biens, sur lesquels seront implantés les ouvrages.
« Les articles précédemment énoncés seront applicables à tout nouvel
ouvrage. »
Article 7
Après l’article L. 45-9 du code des postes et des communications
électroniques, il est inséré un article L. 45-9-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 45-9-6. – Aucune modification juridique des opérateurs
propriétaires des ouvrages ne pourra dédouaner le propriétaire des ouvrages
de son entretien. »
Article 8
Après l’article L. 45-9 du code des postes et des communications
électroniques, il est inséré un article L. 45-9-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 45-9-7. – L’opérateur chargé de l’entretien, de la
modernisation et du renouvellement des réseaux et ouvrages destinés à
transmettre des communications téléphoniques ou non, élabore et transmet
chaque année à l’Autorité de régulation des communications électroniques
et des postes un rapport présentant l’état des lieux exhaustif du réseau dont
il a la charge. Cet état des lieux est notamment mis à jour sur la base des
relevés d’intervention effectués suite au traitement des signalements des
usagers.
« Ce rapport comprend notamment une cartographie à l’échelle
communale de l’état du réseau, ainsi qu’une programmation prévisionnelle
indiquant la nature des travaux d’entretien, de modernisation et de
renouvellement envisagés.
« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des
postes met à disposition du public et des collectivités territoriales

– 10 –
l’intégralité du rapport présentant l’état des lieux exhaustif du réseau et des
ouvrages destinés à transmettre des communications téléphoniques ou non. »
Article 9
Les charges pour l’État sont compensées, à due concurrence, par la
création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575
et 575 A du code général des impôts.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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