Propositions

Propositions de loi

PL n° 2281 - visant à interdire la pratique de la chasse à courre, à cor et à cri

EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Au XVIe siècle, Montaigne écrivit : « De moi, je n’ai su voir seulement sans déplaisir poursuivre et tuer une bête innocente qui est sans défense et de qui nous ne recevons aucune offense, et comme il advient communément que le cerf, se sentant hors d’haleine et de force, n’ayant plus aucun remède, se rejette et se rend à nous-même qui le poursuivons, nous demandant merci, par ses larmes, ce m’a toujours semblé un spectacle très déplaisant. » (De la cruauté, Essais, II, 11)
La France, héritière de la monarchie, est le dernier pays européen à autoriser la chasse à courre, survivance de l’Ancien Régime. Elle est pratiquée par une poignée d’aristocrates en mal de sensations fortes et n’a aucune vertu régulatrice pour la faune. Pour 150 000 euros par an, on peut constituer une meute et un équipage. Les maîtres caracolent alors en grand uniforme sur leur cheval, tandis que la valetaille piétine dans ses bottes en caoutchouc. Ces scènes renforcent l’image d’une caste dirigeante arrogante accrochée à ses rituels et à ses privilèges.
Nous défendons les principes d’une chasse populaire démocratique préservant la nature et la régulation des espèces, exposés dans une proposition de loi déposée par M. Maxime Gremetz et plusieurs députés. Mais nous sommes contre certains modes de chasse particulièrement cruels et inacceptables, tels que la chasse à courre. Le spectacle du folklore ne saurait justifier des pratiques d’une violence inouïe où les animaux sont déchiquetés vivants par les chiens, frappés à mort à l’arme blanche ou à coups de barre de fer ou noyés dans la vase après épuisement. Des examens ont démontré scientifiquement la grande douleur et le stress, parfois fatal, des victimes de chasse à courre.
Par ailleurs, à cause des équipages, la promenade en forêt domaniale est rendue pénible par le passage furieux des chiens, des chevaux, des veneurs et autres piqueux. Les animaux traqués, complètement affolés, traversent les routes sans aucune précaution, causant des accidents de circulation. À cause du droit de suite, il arrive que des bêtes soient mises à mort dans la cour d’une école où elles s’étaient réfugiées, devant des enfants horrifiés. Un cerf a déjà été égorgé dans le salon d’un particulier, habitant en lisière de la forêt de Perseignes. Un autre a été achevé en plein village, à La Croix Saint-Ouen, et un autre a été poursuivi à Lamorlaye jusque sur un parking de supermarché à une heure d’affluence. On comprend que ces faits provoquent l’incompréhension de la population et des conflits avec les chasseurs.
Il est temps que notre pays se dote d’une législation visant à interdire progressivement certains types de chasse, afin d’éviter que les chiens soient éliminés ou abandonnés. Il existe des alternatives aux chasses barbares d’un autre âge. Rien n’empêche les férus de cavalerie de pratiquer leur sport, en pleine nature, sans conclusion sanglante. Pour prendre en compte la souffrance animale, pour éviter les traumatismes provoqués par les intrusions de veneurs, après l’abolition des privilèges, il faut également abolir, en droit et en fait, l’anachronisme des chasses à courre, à cor et à cri. Cela est conforme à l’opinion de nos concitoyens (73 % sont contre, d’après un sondage SOFRES de 2005) et à la législation de nos voisins européens, lesquels ont interdit ces pratiques depuis des années, mais dont les ressortissants affluent sur le territoire français pour pouvoir sévir en toute impunité.

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