Propositions

Propositions de loi

PL n° 1560 - visant à instauration d’un bouclier social face à la crise et portant diverses mesures économiques et sociales d’urgence

EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La crise actuelle du capitalisme frappe durement les classes populaires.
Il y a urgence à réagir. Si rien n’est fait, ses conséquences pour les salariés vont s’aggraver. Depuis l’automne, le chômage explose. De nombreuses entreprises, même en bonne santé, licencient, suppriment des missions d’intérim, recourent au chômage partiel pour préserver les profits des actionnaires. Les droits des chômeurs sont attaqués et le principal syndicat patronal pousse le cynisme jusqu’à demander une baisse de ses cotisations à l’UNEDIC. Les attaques contre la protection sociale et les services publics continuent. Le pouvoir d’achat se dégrade. La pauvreté concerne de plus en plus de travailleurs victimes des bas salaires dans des emplois précaires, particulièrement des femmes qui subissent le temps partiel imposé.
Dans un contexte économique et social aussi dégradé, le Président de la République évoque la « poursuite des réformes » pour assurer la « compétitivité » de l’économie française.
Pourtant, il n’y a pas de fatalité du chômage et de la précarité, pas plus que des bas salaires et de la pauvreté. Les moyens financiers existent. Le Gouvernement l’a démontré en engageant récemment des dizaines de milliards d’euros au profit des banques et du système financier. De même, en 2007, les profits réalisés par les entreprises françaises ont atteint 650 milliards d’euros. En 2008, les seules entreprises du CAC 40 ont enregistré près de 85 milliards d’euros de bénéfices en dépit de la crise.
L’urgence est donc de s’attaquer aux racines de la crise, c’est-à-dire au partage inégalitaire des richesses qui résulte de la recherche effrénée du profit maximum pour quelques-uns au détriment des salaires du plus grand nombre. En effet, depuis trois décennies, les politiques libérales mises en œuvre par les gouvernements et le patronat ont cherché à augmenter les profits au détriment des salaires. Dans les entreprises, nombre de moyens furent employés pour faire baisser le coût du travail : licenciements, précarité, flexibilité, gel des salaires. Les gouvernements successifs y ont contribué avec des exonérations de cotisations sociales et la réduction des systèmes sociaux. La conséquence en a été une formidable modification de la répartition des richesses créées au bénéfice des détenteurs du capital et au détriment des travailleurs. La surexploitation du travail a permis la suraccumulation des profits : de 1983 à 2008, la part des travailleurs a été réduite de 71 % à 62 % de la valeur ajoutée créée par les entreprises ; soit plus de 170 milliards d’euros par an transférés des salaires aux profits. Cela représente plus de 6 500 euros par an (550 euros par mois) perdus par chaque travailleur. Cette logique a conduit au gonflement exorbitant des placements spéculatifs et au surendettement des ménages ; deux des causes majeures de la crise actuelle.
La politique décidée par le Président de la République et menée par le Gouvernement aggrave encore cette situation.
Le paquet fiscal et le bouclier fiscal redistribuent aux riches des dizaines de milliards qui manquent pour des mesures en faveur de l’emploi. La liquidation des 35 heures, la libéralisation des heures supplémentaires, la perspective de travailler le dimanche et jusqu’à 70 ans, réduisent les possibilités d’embauche. Les suppressions d’emplois dans les services publics, dont l’hôpital public et l’éducation, rétrécissent l’emploi et pénalisent les usagers. La protection sociale (assurance maladie, assurance chômage, retraite...) est réduite ce qui précarise les plus faibles et aggrave les inégalités.
La crise en cours signe la faillite des politiques libérales menées depuis trois décennies. Il faut résolument changer d’orientation politique. Dans cette perspective, les mesures proposées par les parlementaires du Parti de gauche visent à commencer à relever ce défi global en apportant de premières réponses, avec l’instauration d’un « bouclier social » pour protéger les citoyens des conséquences de la crise.
Les mesures économiques et sociales d’urgence que la présente proposition de loi vise à instituer face à la crise s’inscrivent dans la perspective plus large du plan d’urgence en 29 mesures adopté par le Parti de gauche lors de son congrès de Limeil-Brévannes du 29 janvier au 1er février 2009.
Ces mesures d’urgence sont notamment indissociables d’un plan d’investissements publics sur deux ans, animé par le triple souci de relance de la demande et de l’emploi, de satisfaction des besoins sociaux et de réorientation écologique de notre mode de production. Combiné aux autres mesures évoquées par ailleurs, ces investissements devraient amener à 100 milliards d’euros, soit 5 % environ du produit intérieur brut, le soutien public exceptionnel pour affronter la crise. Il s’agit ainsi de la rénovation écologique du parc de logements sociaux, de la mise en chantier de 300 000 logements sociaux par an, de la rénovation des établissements publics d’enseignement, de la construction de centres d’hébergement d’urgence et de foyers de jeunes travailleurs, de la création d’un service public de la petite enfance et du développement des crèches publiques, du remplacement progressif du parc automobile des collectivités publiques par des véhicules propres (électriques ou hybrides), de la rénovation du réseau ferroviaire et du développement d’infrastructures pour le ferroutage, de l’augmentation de l’investissement dans les énergies renouvelables et le recyclage, du soutien à la création et aux activités culturelles et d’un plan spécial de soutien pour les Antilles et territoires d’outre-mer en difficulté.
En outre, des dispositions d’urgence s’imposent également pour maîtriser le système financier et lutter contre la spéculation, ce qui implique, entre autres, la création d’un pôle financier public élargi pour les entreprises autour de la Caisse des dépôts et consignations et d’un service public bancaire élargi pour les particuliers autour de La Banque postale, des Caisses d’épargne et des Banques populaires.
Les services publics comme le rail, la poste, l’électricité et le gaz doivent aussi être mobilisés au service du plus grand nombre contre la crise. Cela implique un moratoire sur toutes les mesures européennes de libéralisation et de mise en concurrence. Et la relance des entreprises publiques fragilisées par ces mesures, à commencer par un pôle public de l’énergie intégrant EDF, GDF mais aussi le pétrolier Total dont la nationalisation s’impose.
Surtout, à la lumière des leçons de la crise, la France doit agir au sein de l’Union Européenne et des instances internationales pour sortir du laisser faire et du libre échange généralisés.
Le processus de ratification du traité de Lisbonne, pâle copie du traité constitutionnel européen, rejeté à 55 % par le peuple français, doit évidemment être abandonné. Car il interdit toute mesure d’harmonisation sociale et fiscale pourtant indispensable pour stopper la course actuelle au dumping social en Europe. Au-delà, il est nécessaire de réformer la Banque centrale européenne, qui doit désormais avoir pour objectifs le soutien à l’activité des secteurs jugés prioritaires d’un point de vue social, économique et écologique, le plein emploi, la stabilité des prix (en fonction des priorités économiques du moment et dans le respect des contraintes environnementales), et apporter son concours à la politique de change définie par le Conseil européen. En outre, elle doit rendre compte de la conduite de sa politique monétaire : une institution qui commande un levier essentiel de la politique économique ne peut plus rester indépendante de tout contrôle démocratique. De même, les règles du Pacte de stabilité doivent être abandonnées.
Dans l’immédiat, et afin de faire face à l’urgence économique et sociale, les mesures contenues dans la présente proposition de loi s’articulent autour de cinq axes principaux.
Le chapitre premier permet d’interdire les licenciements boursiers et présente des mesures visant à lutter plus largement contre les suppressions d’emplois et les délocalisations. L’article premier interdit les licenciements économiques dans les entreprises enregistrant des profits. Il rétablit le contrôle administratif de l’Inspection du travail sur les licenciements pour motif économique. L’article 2 institue un droit de veto suspensif pour les représentants des salariés en cas de licenciement. L’article 3 crée des commissions départementales de l’emploi et du développement économique pour favoriser des alternatives aux suppressions d’emplois et aux délocalisations. Il institue également un droit de reprise par les salariés en cas de délocalisation de leur entreprise.
Le chapitre 2 présente des mesures visant à faire reculer la précarité du travail et à développer l’emploi. L’article 4 réaffirme le contrat à durée indéterminée comme norme du contrat de travail et encadre et limite le recours aux autres formes de contrat. Il abroge les nouveaux contrats précaires créés par le gouvernement actuel. L’article 5 crée un droit à la journée continue pour les salariés de manière à en finir avec les horaires fractionnés.
L’article 6 rétablit la primauté de la loi sur l’accord de branche et de l’accord de branche sur l’accord d’entreprise et restaure ainsi le principe de faveur qui protège les droits des travailleurs. L’article 7 réaffirme la limitation de la durée hebdomadaire de travail à 35 heures et encadre les possibilités de dérogation. L’article 8 limite le contingent annuel d’heures supplémentaires à 130. L’article 9 limite la durée maximale d’heures de travail à 9 dans une journée et à 44 dans une semaine et crée un droit à deux jours de repos hebdomadaires consécutifs.
Le chapitre 3 prévoit des dispositions pour augmenter le pouvoir d’achat et redistribuer les richesses au profit du plus grand nombre. L’article 10 abroge le paquet fiscal adopté au cours de l’été 2007. L’article 11 abroge les dispositions du code général des impôts relatives au bouclier fiscal.
L’article 12 prévoit que le SMIC soit porté à 1 500 euros nets d’ici au 1er juillet 2010. L’article 13 conditionne le maintien des exonérations sociales à un accord de revalorisation des salaires. L’article 14 indexe l’évolution des salaires, pensions et minima sociaux sur l’indice des prix. L’article 15 garantit l’application du principe d’égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises. L’article 16 revalorise le minimum de pension de retraite et les minima sociaux à hauteur de 300 euros. L’article 17 plafonne les plus hauts salaires dans les entreprises de manière à réduire les inégalités de revenu. L’article 18 institue une nouvelle tarification progressive de l’eau, de l’électricité et du gaz qui assure la gratuité sur une première tranche de consommation pour les ménages à faible revenu.
Le chapitre 4 présente des mesures d’urgence en faveur du logement. L’article 19 permet aux communes de réquisitionner des logements inoccupés depuis plus d’un an. L’article 20 supprime le dépôt de garantie pour les locataires. L’article 21 institue un moratoire sur les expulsions locatives et sur les prêts-relais de manière à venir en aide aux 30 000 foyers pris au piège de la crise lors de la vente de leur bien en vue d’en acheter un autre. L’article 22 gèle les loyers locatifs pour 2 ans et encadre leur évolution future. L’article 23 crée un devoir de substitution pour le représentant de l’État dans les départements en cas de non-présentation par les communes d’un programme visant les 20 % de logements sociaux. Il prévoit également que la compétence de délivrer les permis de construire soit transférée de la commune à l’État dans les communes n’ayant pas atteint un seuil de 10 % de logements sociaux.
Le chapitre 5 comporte diverses mesures proposant une méthode pour améliorer la protection sociale.
L’article 24 prévoit la réunion d’une conférence nationale sur les retraites pour remplacer la réforme des retraites de 2003 qui appauvrit gravement les nouveaux retraités sans garantir la pérennité financière du système par répartition. Il s’agit ainsi de renforcer le système français de retraites par répartition et de garantir le droit à la retraite à 60 ans à taux plein. L’article 25 prévoit la réunion d’une conférence nationale sur l’assurance maladie pour remplacer la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie. Et améliorer le système français d’assurance maladie au service d’une meilleure couverture sanitaire de la population et d’une plus grande redistribution. L’article 26 prévoit la réunion d’une conférence nationale sur les droits des demandeurs d’emploi pour remplacer la loi du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi. Ces évolutions s’intégreront dans la perspective plus large de la mise en place d’un nouveau statut du salarié, fondé sur une sécurité sociale professionnelle lui garantissant ses droits y compris en cas de changement d’emploi ou de chômage.
L’article 27 supprime les franchises médicales prévues par l’article L. 322-2 du code de la sécurité sociale.
Les articles 28 et 29 emportent les éventuelles conséquences financières de la présente loi pour l’État et la sécurité sociale.

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Jacques
Desallangre

Député de Aisne (4ème circonscription)

Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)
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