Propositions

Propositions de loi

PL n° 1282 - reconnaissance et indemnisation des victimes des essais nucléaires

EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Pour la première fois, après le dépôt – en six ans – de dix-huit propositions de loi de parlementaires de la majorité comme de l’opposition, la présente proposition de loi a pour objet – forte d’un équilibre transpartisan – de répondre à l’attente de toutes les personnes qui ont soit participé en tant que militaires ou civils aux essais nucléaires effectués par la France entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996, soit vécu à proximité des sites d’expérimentation du Sahara (Reggane et In Eker) ou de Polynésie française.
Nombreux sont celles et ceux, aujourd’hui regroupés en associations, qui font état de graves problèmes de santé, notamment cancéreux, mais aussi ophtalmologiques et cardiovasculaires. Les mêmes problèmes de santé se retrouvent chez les personnels militaires, les civils du CEA et des entreprises sous-traitantes d’origine métropolitaine que chez nos concitoyens de Polynésie française ou même des populations qui ont été employées en Algérie sur les sites d’essais du Sahara.
Au-delà de la question de l’utilité stratégique militaire de ces essais, nous ne pouvons ignorer leurs conséquences sur la santé, même après plusieurs dizaines d’années. Les témoignages abondent de vétérans ou d’anciens salariés décédés dans la force de l’âge de pathologies que certains médecins n’hésitent pas à attribuer à la présence de leur patient sur un site d’essais nucléaires.
Des dizaines de vétérans ont, depuis des années, engagé des procédures en justice pour obtenir droit à pension ou à indemnisation en réparation des préjudices qu’ils attribuent aux essais nucléaires. Plusieurs tribunaux ont reconnu le bien-fondé de ces demandes et les jugements font état de « conséquences d’irradiation pouvant se révéler tardivement, même jusqu’à plusieurs décennies après l’exposition au danger radioactif ». Cependant, il y a un surcroît d’injustice à contraindre les victimes de ces activités à entreprendre des actions judiciaires longues, coûteuses et aléatoires, alors qu’est avéré le lien de causalité entre ces activités et des pathologies cancéreuses, ophtalmologiques et cardiovasculaires.
Les mêmes pathologies se retrouvent chez les vétérans ou les populations ayant vécu à proximité des sites d’essais nucléaires des autres puissances qui ont effectué les mêmes expérimentations. C’est le cas notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne, mais aussi en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux Fidji où des ressortissants de ces pays ont participé aux essais anglais en Australie et aux Îles Christmas et également aux Îles Marshall où ont été effectués des essais nucléaires par les États-Unis.
Dans ces différents États, les gouvernements ont pris – certains depuis longtemps – des dispositions concrètes pour faire droit aux revendications de leurs ressortissants :
– depuis la fin des années 1950, les États-Unis ont mis en place un suivi médical spécifique des populations des Îles Marshall et ont créé un fonds d’indemnisation pour les populations déplacées de ces atolls ;
– le 25 avril 1988, le Sénat américain a adopté une loi d’indemnisation des vétérans exposés aux radiations, en établissant une présomption d’un lien avec le service, pour des maladies dont souffrent les vétérans ayant été exposés aux radiations. Cette loi américaine, révisée en 2002, a ainsi défini une liste de vingt-neuf maladies cancéreuses ;
– en Nouvelle-Zélande, le gouvernement a financé une étude sur un groupe de cinquante vétérans utilisant la méthode des tests radiobiologiques permettant de démontrer l’exposition aux radiations. Les résultats de cette étude ont été publiés dans une revue médicale internationale en février 2008. Un système de prise en charge des vétérans et de leurs descendants a également été mis en place ;
– le gouvernement australien après avoir publié la liste nominative des personnes affectées aux essais britanniques sur son territoire (environ 16 500) a financé, à la hauteur de 500 000 dollars, une étude épidémiologique qui a permis, en juin 2006, l’adoption d’une loi d’indemnisation ;
– le gouvernement britannique, vient d’accorder en février 2008 le financement – à la hauteur de 412 000 livres – d’une étude radiobiologique indépendante sur la santé des membres de l’association des vétérans anglais, et a décidé la révision de ses propres études épidémiologiques ;
– le gouvernement canadien vient de créer, le 2 septembre 2008, un fonds d’indemnisation de 22,4 millions de dollars pour le millier de vétérans canadiens exposés dans les années 50 aux effets nuisibles d’armes atomiques dans le désert américain du Nevada ;
– le Comité scientifique pour l’étude des rayonnements ionisants de l’ONU (UNSCEAR), dans un rapport de 2006, vient de reconnaître que les « effets non ciblés » des radiations peuvent être à l’origine des cancers et des maladies non cancéreuses sans la relation avec la dose reçue.
Il s’avère donc qu’une initiative législative représenterait un message fort de reconnaissance vis-à-vis de tous ceux et celles qui ont eu à subir des séquelles sur leur santé et celle de leurs descendants du seul fait de leur participation aux expériences nucléaires de la France.
Nous proposons donc, à l’instar de ce qui a été fait pour les salariés victimes de l’amiante, de créer, sous la forme d’un établissement public à caractère administratif, un Fonds d’indemnisation des préjudices résultant d’une exposition aux rayonnements ionisants ou à une contamination interne due aux essais nucléaires effectués entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996.
Telles sont les raisons de la proposition de loi que nous vous demandons d’adopter.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

Alain
Bocquet

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le texte de la proposition

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