Proposition de loi portant modification des conditions d’accès au logement social et d’acquittement du supplément de loyer de solidarité.
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Hubert WULFRANC, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, Marie‑George BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean‑Paul DUFRÈGNE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Karine LEBON, Jean‑Paul LECOQ, Jean‑Philippe NILOR, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL.
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi entend revenir sur les dispositions de la loi de 2006 portant engagement national pour le logement (ENL) qui ont pour conséquences de diminuer les plafonds de ressources permettant d’accéder au logement social et de baisser d’autant les plafonds de ressources d’acquittement du supplément de loyer de solidarité (SLS).
Le supplément de loyer de solidarité est une somme supplémentaire dont doivent s’acquitter les locataires qui occupent un logement social dès lors que leurs ressources dépassent d’au moins 20 % le plafond permettant d’accéder au logement social.
Depuis 2009, le nombre de ménages soumis au SLS a doublé à la suite de la réduction du plafond de ressources permettant d’accéder au logement social. Une décision prise pour diminuer artificiellement les demandes d’attribution de logement social dans un contexte de réduction des aides à la pierre versées par l’État aux bailleurs sociaux.
La baisse des aides à la construction publique de l’État a ainsi conduit au déficit de construction d’une offre de logements adaptés et particulièrement d’une offre publique. Parallèlement les mécanismes du marché ont conduit à l’instauration d’une spéculation foncière et immobilière forte rendant l’accès à un logement abordable de plus en plus difficile pour un nombre toujours plus important de nos concitoyens. Trop de ménages, faute de pouvoir accéder au logement social, sont contraints de consacrer une part de leur budget trop lourde pour se loger dans le parc privé au détriment de leurs conditions de vie.
Dans son dernier rapport la Fondation Abbé Pierre évalue le nombre de personnes mal logées à 4,1 millions, dont 1,06 million sont tout simplement privées de logement personnel et 2,81 millions vivant dans des conditions de logement très difficiles (privation de confort, surpeuplement accentué…). Par ailleurs, la Fondation estime que 12,1 millions de personnes sont actuellement en situation de fragilité par rapport au logement (locataires en situation d’impayés de loyers ou de charges, propriétaires occupant d’un logement en copropriété dégradée, situation de précarité énergétique…).
Actuellement 2,2 millions de personnes sont en attente d’un logement social, une demande croissante du fait de l’augmentation constante de la population et de l’insuffisance des livraisons de logements dans le secteur HLM ainsi que dans le secteur privé et ce malgré les dispositifs de défiscalisation de type Pinel, mis en place par l’État en soutien à l’investissement immobilier locatif.
La crise sanitaire a amplifié la chute de la production de logements (privés et HLM) quasi constante depuis septembre 2017. Alors qu’il faudrait produire 150 000 logements sociaux par an pour faire face aux besoins, ce chiffre est tombé 95 000 en 2020 selon les estimations publiées par la Fondation Abbé Pierre.
La baisse des plafonds d’accès au logement social mis en œuvre 2009 et le renforcement des pénalités financières infligées aux locataires du secteur HLM dépassant les plafonds de ressources constituent une aberration au regard de la pénurie durable de logements en France. Une pénurie qui se traduit par une flambée des loyers pour les locataires ou un renchérissement des acquisitions pour les accédants à la propriété.
Si le logement est un droit reconnu constitutionnellement, il convient alors pour les pouvoirs publics d’en assurer l’accès à tous, partout, dans des conditions économiquement raisonnables. L’accès doit être assuré dans des conditions qui permettent de garantir la mixité sociale, ciment du pacte républicain et créant les meilleures chances de réussite pour les habitants.
L’article 1er propose d’augmenter le plafond de revenus permettant d’accéder au logement social de 10 % pour porter celui‑ci à 30 %, soit le seuil d’accès au logement social prévalant avant la réforme de 2006. Il ne s’agit pas d’allonger inutilement la liste des demandeurs de logement mais d’agir pour l’universalité du droit au logement et donc, de l’accès au logement social. Pour paraphraser les propos de l’Union sociale de l’habitat, le logement social est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Il convient donc de mobiliser tous les moyens pour agrandir ce parc public, en mobilisant des financements pour la construction, ce qui pose la question de la remise en cause des niches fiscales pour l’investissement locatif privé pour augmenter les aides à la pierre, l’utilisation des outils contre la vacance, pour faciliter la transformation du parc privé en parc public…
Le relèvement du plafond d’accès au logement social permettrait aux personnes aux ressources trop faibles pour se loger dans le parc privé, de pouvoir s’y loger dans des conditions économiquement acceptables, sous réserve bien entendu, que l’argent public soit redirigé vers la construction publique pour créer les conditions d’absorber cette demande.
Ce relèvement permettrait également aux maires bâtisseurs de répondre à un panel plus large de demandeurs pour faciliter les opérations de constructions. Il arrive ainsi que des logements neufs restent vides, notamment sur les secteurs en forte tension au foncier coûteux, faute de locataire aux ressources suffisantes pour assumer un loyer relevant certes, du logement social, mais déjà largement inaccessible pour le plus grand nombre.
L’article 2 propose d’augmenter de 10 % le seuil de dépassement toléré des plafonds des ressources en vigueur pour l’attribution d’habitation à loyer modéré. Ainsi, les locataires se situant en dessous de ce plafond, ne subiront pas un supplément de loyer de solidarité.
Le SLS est susceptible de faire partir les ménages les plus solvables du parc social qui y tiennent un rôle stabilisateur. Il faut veiller à préserver au sein des HLM les conditions d’une mixité sociale garante du vivre ensemble. Les foyers qui sont actuellement en situation de surloyer sont, le plus souvent, susceptibles de libérer des logements de grande taille présentant un coût financier supérieur or, les besoins actuels en matière de logements sociaux pour les familles les plus modestes portent avant tout sur des logements de type F2 ou F3.
Le Gouvernement prétend défendre une mixité sociale et géographique dans le logement social, le SLS va pourtant à l’encontre de ce principe.
Cet article protège également les locataires âgés de plus de 65 ans. Ils ne doivent pas subir le SLS et doivent être protégés. Ce type de locataires est amené à effectuer plus de dépenses, notamment en matière de santé. Leurs revenus sont immanquablement appelés à diminuer. Le SLS sera alors un poids considérable ne leur permettant plus de vivre décemment. Il est également plus difficile de déménager à un âge avancé. Pour certains, toute leur vie s’est construite dans ces logements et les contraindre de partir constituerait un choc psychologique susceptible de porter préjudice à leur état de santé général.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Les plafonds de ressources pour l’attribution des logements locatifs sociaux fixés en application de l’article L. 441‑1 du code de la construction et de l’habitation sont majorés de 10 % à compter du premier jour du troisième mois suivant la date de promulgation de la présente loi.
Article 2
L’article L. 441‑3 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;
2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux ménages dont l’un des locataires est âgé de plus de 65 ans et dont le nom est inscrit au contrat de bail, ou est lié au titulaire du bail par un mariage, un pacte civil de solidarité ou en situation de concubinage notoire. »