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Mesures d’urgence en faveur des intermittents de l’emploi - 4138

Proposition de loi pour des mesures d’urgence en faveur des intermittents de l’emploi

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Elsa FAUCILLON, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, Marie‑George BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean‑Paul DUFRÈGNE, Sébastien JUMEL, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Karine LEBON, Jean‑Paul LECOQ, Jean‑Philippe NILOR, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Gabriel SERVILLE, Hubert WULFRANC.

Député.e.s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le début de la crise sanitaire, les professionnels de l’événementiel, du tourisme, de la restauration, les extras, les saisonniers, les intérimaires et plus largement les personnes travaillant dans des secteurs où l’emploi discontinu est la norme, sont particulièrement impactés par le choc économique que subit notre pays sans que des réponses à la hauteur ne leur soient apportées par le Gouvernement.

Si les salariés en emploi stable ont bénéficié de mesures de soutien pérennes à travers la mise en place de l’activité partielle, les salariés en emplois discontinus restent pour la plupart sans mesures d’accompagnement. Les intermittents de l’emploi représentent plus de 2,3 millions de travailleuses et de travailleurs, dont une majorité se trouve à présent en fin de droits, en raison des périodes de confinement et de restrictions sanitaires imposées à leur secteur d’activité.

La promesse d’une aide garantissant un revenu de 900 euros pendant quatre mois, annoncée par le Gouvernement tardivement en novembre dernier, s’est en fait traduite en moyenne en une aide de 375 euros qui laisse encore à l’écart l’immense majorité d’entre eux. Devant faire face à une pénurie d’emplois, incapables de prétendre à une indemnisation chômage faute de remplir les conditions d’activité, beaucoup se retrouvent désormais sans filet de sécurité sociale, basculant rapidement dans des situations de détresse et de pauvreté.

C’est pourquoi, il convient de répondre au plus vite à la détresse financière, sociale, psychologique vécue par les intermittents de l’emploi.

Précaires car leurs métiers imposent la succession de contrats de courte durée, les intermittents de l’emploi connaissent des conditions de travail dégradées avec des horaires flexibles et des salaires peu élevés. Travailleurs à la carte, ils jonglent avec les missions d’intérim, et cumulent les petits boulots. Ce sont ceux que l’employeur appelle à la dernière minute, ceux qui signent un contrat à durée déterminée d’usage (CDDU) ou un contrat court au gré des saisons, de l’activité touristique, des événements ou festivals.

Pour ces derniers, le niveau de couverture de l’assurance chômage est très peu protecteur, particulièrement depuis 2017 lorsqu’ils ont perdu le bénéfice du régime spécifique inscrit à l’annexe 4 de la convention Unédic. Relevant désormais du régime général, ces salariés « permittents » qui représentent 40 % des demandeurs d’emploi, ont vu leur indemnisation baisser. Des pertes qui mettent en évidence l’inadéquation totale du régime général à la pratique de leur activité.

Dans ce contexte, la réforme de l’assurance chômage imposée de manière dogmatique par le Gouvernement sans tenir compte des réalités économiques et sociales vécues par les privés d’emploi et qui doit entrer en vigueur au 1er juillet 2021 est un véritable non‑sens. D’après les dernières projections réalisées par l’Unédic, elle impacterait négativement 1,2 million de personnes qui, dès la première année, verront leurs allocations baissées. Une réforme qui sera d’autant plus régressive pour les intermittents de l’emploi.

En effet, le nouvel modèle de calcul du « salaire journalier de référence », qui sert de référence pour définir le niveau de l’allocation, impliquera mécaniquement une baisse globale du niveau d’indemnisation des travailleurs qui alternent entre des périodes d’activité en contrats courts et des périodes non travaillées. Alors que ce « salaire journalier de référence » était jusqu’à présent calculé en divisant le salaire brut perçu par le nombre de jours travaillés, tous les jours seront désormais intégrés dans la nouvelle formule, y compris les jours chômés entre deux contrats. « Cela devrait baisser notre allocation de 50 % », s’alarme le Collectif des précaires de l’hôtellerie‑restauration et événementiel (CPHRE), « en dessous des minimas sociaux pour certains ».

À cela s’ajoute le durcissement des conditions de rechargement des droits à l’assurance chômage, mesure entrée en vigueur dans le cadre du premier volet de la réforme gouvernementale en novembre 2019. Pour prétendre à une indemnisation, il faut désormais avoir travaillé six mois depuis sa dernière ouverture de droits contre un mois auparavant.

Pour justifier ces régressions, le Gouvernement invoque une mesure de justice entre ceux qui travaillent à temps plein et ceux travaillant de manière discontinue sans tenir compte de la réalité de l’activité professionnelle des secteurs où il est d’usage de recourir à des CDD ou à l’emploi saisonnier.

Pour les salariés de ces secteurs d’activité, c’est donc la double peine : outre le fait d’occuper des emplois précaires aux horaires atypiques et souvent mal rémunérés, ils vont subir une réduction de leurs droits au chômage.

Cette posture démontre à la fois une volonté de faire porter le coût de la crise à ceux qui en sont victimes en le camouflant par des mesures cosmétiques visant à encadrer les contrats courts, et une méconnaissance des secteurs concernés par l’intermittence de l’emploi. Ainsi, la dénonciation du « développement très peu régulé des CDDU » est particulièrement incantatoire. Dans de nombreux secteurs ou métiers, l’intermittence est officiellement la norme reconnue comme un « usage » par un agrément du ministère du travail.

La perspective d’un CDI pour tous demeure donc à ce stade illusoire. L’alternative à laquelle ces salariés à l’emploi discontinu sont confrontés dans la pratique est plutôt celle d’une sortie du salariat, celle d’une flexibilité sans sécurité. L’ubérisation ne peut être une perspective qui leur est proposée. Et renvoyer ces salariés vers un statut d’autoentrepreneur ou d’indépendant reviendrait à précariser encore un peu plus cette population tout en réduisant leur protection sociale. De surcroît, ces statuts, qui ne correspondant en rien à la réalité de leurs métiers, s’apparentent en fait à du salariat dissimulé et les mettent ainsi en situations d’illégalité.

Dans ce contexte, il apparaît indispensable d’améliorer le sort des intermittents de l’emploi. C’est tout le sens de cette proposition de loi qui vise un double objectif : répondre à l’urgence sociale avec des mesures de soutien financier, et instaurer de manière pérenne des droits relevés en matière d’assurance chômage pour ces travailleuses et travailleurs en emploi discontinu.

L’article 1 instaure une aide de l’État au profit de l’ensemble des intermittents de l’emploi et des intérimaires inscrits comme demandeurs d’emploi afin d’indemniser la totalité des pertes de revenus subies depuis le début de la crise sanitaire, en prenant comme référence les salaires bruts perçus sur les trois dernières années avant l’année 2020. Toutefois, l’aide s’applique également aux intermittents de l’emploi qui auraient travaillé en 2018 et 2019 ou seulement en 2019.

L’article 2 rétablit un régime d’assurance chômage spécifique pour les intermittents de l’emploi et les intérimaires permettant de leur assurer une meilleure couverture chômage entre deux périodes d’emploi. Ces nouvelles règles auraient vocation à être négociées par les organisations syndicales et les représentants des employeurs dans chaque branche professionnelle concernée. À défaut, les règles seraient fixées par les partenaires sociaux au niveau national et interprofessionnel.

Pour la pleine application de cette dernière mesure, l’article 3 prévoit l’adhésion des employeurs des secteurs concernés au régime d’assurance chômage spécifique des intermittents de l’emploi. L’article 4 prévoit enfin le rétablissement d’une annexe spécifique pour ces travailleurs au sein de la convention Unédic.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. – Sont éligibles à une aide de l’État calculée sur la base des derniers salaires perçus les personnes résidant sur le territoire national et inscrites comme demandeurs d’emploi entre mars 2020 et avril 2021 qui satisfont aux conditions suivantes :

1° Elles ont occupé, au cours des années 2017, 2018 et 2019, un emploi relevant du 3° de l’article L. 1251‑6 du code du travail ou un emploi en contrat de travail temporaire ;

2° Les salaires bruts tirés des activités professionnelles salariées, exercées en France ou à l’étranger, calculés sur les seuls jours d’emploi ou assimilés au titre de l’année 2020 sont inférieurs à la moyenne des salaires bruts de même nature qu’elles ont perçus au titre des années 2017, 2018 et 2019 ;

3° Elles justifient d’une activité salariée accomplie entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2019 d’au moins 88 jours ou 610 heures ;

Les personnes qui ont occupé un emploi mentionné au 1° du présent I au cours des années 2018 et 2019 uniquement ou au cours de l’année 2019 uniquement sont éligibles à l’aide prévue au même I si les salaires bruts tirés des activités professionnelles salariées, exercées en France ou à l’étranger, qu’elles ont perçus au titre de l’année 2020 sont inférieurs, selon le cas, à la moyenne des salaires bruts de même nature qu’elles ont perçus au titre des années 2018 et 2019 ou aux salaires bruts de même nature qu’elles ont perçus au titre de l’année 2019.

II. – Le montant de l’aide est égal au montant correspondant à la différence entre :

1° D’une part, la moyenne des salaires bruts mentionnés au 2° du I du présent article perçus au titre des années 2017, 2018 et 2019 ou, si la personne relève du dernier alinéa du I du présent article, soit la moyenne des salaires bruts de même nature perçus au titre des années 2018 et 2019, soit les salaires bruts de même nature perçus au titre de l’année 2019 ;

2° Et, d’autre part, les salaires bruts de même nature perçus au titre de l’année 2020.

III. – L’aide est versée, pour le compte de l’État, par Pôle emploi, avec lequel il conclut une convention. Elle est versée mensuellement sur une période maximale de six mois à compter du premier du jour du mois qui suit la publication de la présente loi, dans des conditions définies par décret.

IV. – Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évaluation de l’aide de l’État mentionnée au I du présent article. Ce rapport formule notamment des recommandations sur l’opportunité de prolonger cette aide aux bénéficiaires au regard de l’évolution de la situation économique.

Article 2

Le chapitre IV du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Intermittents de l’emploi

« Art. L. 5424‑29. – I. – Pour tenir compte des modalités particulières d’exercice des professions relevant du 3° de l’article L. 1251‑6 et des emplois en contrat de travail temporaire, les accords relatifs au régime d’assurance chômage mentionnés à l’article L. 5422‑20 comportent des règles spécifiques d’indemnisation des intermittents de ces professions, annexées au règlement général annexé à la convention relative à l’indemnisation du chômage.

« Sont considérés comme des intermittents, au sens du premier alinéa du présent I, les salariés recrutés par contrat aux fins de l’accomplissement d’une mission relevant du 3° du de l’article L. 1251‑6 ou de l’article L. 1251‑1.

« II. – Les organisations d’employeurs et de salariés représentatives de l’ensemble des professions mentionnées au premier alinéa du I du présent article négocient entre elles les règles spécifiques mentionnées au même alinéa. À cette fin, dans le cadre de la négociation des accords relatifs au régime d’assurance chômage mentionnés à l’article L. 5422‑20, les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel leur transmettent en temps utile un document de cadrage.

« Ce document précise les objectifs de la négociation en ce qui concerne le respect de principes généraux applicables à l’ensemble du régime d’assurance chômage. Il fixe le délai dans lequel cette négociation doit aboutir.

« III. – Les règles spécifiques prévues par un accord respectant les objectifs définis par le document de cadrage mentionné au II du présent article et conclu dans le délai fixé par le même document sont reprises dans les accords relatifs au régime d’assurance chômage mentionnés à l’article L. 5422‑20. À défaut de conclusion d’un tel accord, les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel fixent les règles d’indemnisation du chômage applicables aux intermittents des professions mentionnées au premier alinéa du I du présent article, dans le respect des conditions définies au second alinéa de l’article L. 5422‑22.

« Art. L. 5424‑30. – Du fait de l’aménagement de leurs conditions d’indemnisation, l’allocation d’assurance versée aux travailleurs privés d’emploi relevant des professions mentionnées au premier alinéa du I de l’article L. 5424‑29 peut, en sus de la contribution des employeurs prévue au 1° de l’article L. 5422‑9, être financée par une contribution spécifique à la charge des employeurs, y compris ceux mentionnés à l’article L. 5424‑3, et des salariés relevant de ces professions, assise sur la rémunération brute dans la limite d’un plafond, dans des conditions fixées par l’accord prévu à l’article L. 5422‑20.

« La contribution spécifique est recouvrée et contrôlée par les organismes chargés du recouvrement mentionnés à l’article L. 5427‑1 selon les règles applicables aux contributions mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 5422‑9. Les différends relatifs au recouvrement de cette contribution suivent les règles de compétence prévues à l’article L. 5422‑16.

« Les fins de contrat de travail des travailleurs relevant de la contribution spécifique prévue au présent article ne sont pas prises en compte au titre du 1° de l’article L. 5422‑12 et la majoration ou la minoration de contributions qui résulte de l’application du même 1° n’est pas applicable à ces contrats.

« Art. L. 5424‑31. – Les travailleurs privés d’emploi et qui ont épuisé leurs droits à l’assurance chômage au titre des dispositions spécifiques relatives aux professions mentionnées au premier alinéa du I de l’article L. 5424‑29, annexées au règlement général annexé à la convention relative à l’indemnisation du chômage, peuvent bénéficier d’allocations spécifiques d’indemnisation du chômage au titre de la solidarité nationale dans les conditions suivantes :

« 1° Ne pas satisfaire aux conditions pour bénéficier de l’allocation des travailleurs indépendants prévue à l’article L. 5424‑25 ni aux conditions pour bénéficier de l’allocation de solidarité spécifique prévue à l’article L. 5423‑1 ;

« 2° Satisfaire à des conditions d’activité professionnelle antérieure et de prise en charge au titre d’un revenu de remplacement.

« Ces allocations sont à la charge de l’État. Leur gestion est assurée par Pôle emploi dans les conditions prévues par une convention conclue avec l’État.

« Ces allocations sont cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires. »

« Art. L. 5424‑32. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de la présente section. »

Article 3

À l’article L. 5424‑3 du code du travail, après le mot : « spectacle », sont insérés les mots : « ou de l’une des professions mentionnées au premier alinéa du I de l’article L. 5424‑29 ».

Article 4

Les règles spécifiques d’indemnisation des travailleurs privés d’emploi mentionnées au premier alinéa du I de l’article L. 5424‑29 du code du travail sont annexées au règlement général annexé à la première convention relative à l’indemnisation du chômage qui prend effet à compter du premier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi.

Article 5

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)
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