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Indemnisation des dégâts causés par la mérule pleureuse - 4594

Proposition de loi ayant pour objet l’indemnisation des dégâts causés par la mérule pleureuse

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Hubert WULFRANC, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, Marie‑George BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean‑Paul DUFRÈGNE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Karine LEBON, Jean‑Paul LECOQ, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL.

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente loi vise à créer un dispositif d’indemnisation des dommages causés aux résidences principales par les invasions de mérule.

La mérule, ou Sperula Lacrymans, est un champignon lignivore, qui se développe au sein des maisons présentant un taux d’humidité élevé. Son expansion est particulièrement rapide. Le champignon progresse d’environ 20 centimètres par jour lorsqu’il est implanté sur une surface propice à son développement. Les dégâts que la mérule provoque sont si importants que le champignon est surnommé « la lèpre du bâtiment ».

Depuis plusieurs années, il est observé une augmentation inquiétante des cas de mérule sur le territoire français. Les sociétés spécialisées dans le traitement des parasites et autres pathologies du bois de construction rapportent qu’en 2015, 2 284 communes françaises ont été touchées par la mérule. Elles étaient moins de 500 en 2005. C’est donc 1 760 communes supplémentaires qui ont été touchées par le champignon parasite en dix ans. La Bretagne, le nord de la France et l’Île‑de‑France font partie des régions les plus touchées. Entre 25 et 50 % des communes bretonnes connaissent des cas de mérule. Les Côtes d’Armor et le Finistère connaissent un taux de contamination des communes supérieur à 50 %. Mais ce champignon peut se développer sur l’ensemble du territoire. Plusieurs cas de mérule ont déjà été signalés à Tulle et à Clermont Ferrand.

Certains professionnels expliquent que cette augmentation des cas, serait notamment due aux travaux d’amélioration de l’isolation des bâtiments, qui, s’ils ne sont pas réalisés dans les règles de l’art, peuvent être propices au développement du champignon. L’humidité, via un phénomène de condensation, se concentrerait alors à l’intérieur des murs ce qui faciliterait la prolifération de la mérule.

La mérule se développe sur des surfaces humides et attaque les structures comprenant de la cellulose, en particulier le bois. Les logements anciens et les bâtiments historiques sont par conséquent, eux aussi vulnérables aux attaques de ce champignon. Ainsi, le Sacré‑Cœur de la ville de Lille, ainsi que l’église Notre‑Dame de Sainte‑Mère‑Église se sont vus obligés de fermer leurs portes, à cause de la présence de mérule sur leur charpente. L’apparition du champignon peut rapidement avoir des conséquences catastrophiques sur les logements concernés. La mérule peut notamment entraîner l’effondrement des structures sur lesquelles elle s’est développée. Elle libère également des spores toxiques dans l’air ambiant susceptibles de provoquer des défaillances respiratoires majeures sur les personnes exposées.

Un logement attaqué par ce champignon doit subir un traitement particulièrement coûteux pour le propriétaire pour stopper sa propagation. Or, lorsque la mérule est repérée par le propriétaire, celle‑ci est souvent découverte à un stade avancé nécessitant des destructions importantes. Si le simple diagnostic coûte entre 150 et 300 euros. Le traitement du champignon parasite s’avère rapidement coûteux, en moyenne, entre 3 000 et 65 000 euros en fonction de l’état de propagation de la mérule. Le traitement d’une maison infestée de mérule nécessite un traitement radical. Pour éliminer la mérule, il est nécessaire de détruire tous les bois atteints par le champignon et de traiter les boiseries encore saines sur un mètre autour du champignon. Il est également nécessaire de traiter les sols et les murs en dégageant les maçonneries et les matériaux d’isolation pour rechercher les rhizomorphes avant de stériliser les maçonneries à la flamme.

Les coûts de reconstruction d’une maison après un traitement contre la mérule peuvent donc atteindre le prix moyen d’une maison. En Europe, des études estiment que les coûts de traitement de la mérule représenteraient à eux seuls 350 millions d’euros par an.

La loi ALUR, du 24 mars 2014 a adopté un premier dispositif relatif à la lutte contre la mérule néanmoins elle se cantonne à un travail de prévention en rendant obligatoire les déclarations de cas de mérule en mairie. Sur la base de plusieurs déclarations de foyers infestés par le champignon le préfet peut le cas échéant, prendre un arrêté délimitant au niveau départemental, des zones de risque de présence de mérule. Cette information devra être obligatoirement communiquée à l’acheteur potentiel d’un bien immobilier situé dans le périmètre en question.

Si le développement de la mérule pleureuse est aujourd’hui avéré, aucune assurance ne couvre à l’heure actuelle ce risque, laissant les propriétaires supporter seuls les frais liés aux dégâts causés par ce champignon. Des frais qui peuvent représenter les économies d’une vie entière de travail. Conscientes des lourdes conséquences financières liées au développement des cas de mérule, les assurances refusent de prendre en charge ce risque. Pour se justifier elles considèrent que l’apparition de la mérule pleureuse n’est que la conséquence de négligences des propriétaires, ou des locataires, des logements infectés. Des négligences liées à un manque de surveillance d’éventuelles fuites d’eau, à un défaut d’aération des locaux ou encore, à un défaut de chauffage.

Les arguments avancés par les compagnies d’assurances sont particulièrement discutables. En effet, la mérule se développe d’abord à l’intérieur des murs, ou sous les planchers. Elle est extrêmement difficile à détecter, jusqu’à ce qu’elle finisse par sortir des murs ou des planchers. Lorsqu’elle apparaît, il est déjà nécessaire de recourir à un traitement radical et coûteux.

De plus, dans les maisons mitoyennes, la négligence d’un propriétaire peut entraîner l’apparition de mérule chez ses voisins, la mérule pouvant passer par les charpentes en bois ou au travers des murs mitoyens. Il en va de même pour les logements d’une copropriété. La mérule présente dans un logement peut contaminer par la suite l’ensemble des logements de la copropriété. Le propriétaire fautif, bien que légalement responsable, peut être dans une situation d’incapacité financière rendant impossible toute indemnisation du préjudice

Enfin, lorsqu’un individu achète, à défaut d’un diagnostic de recherche de la mérule obligatoire, ou hérite d’une maison mal entretenue à l’issue d’une longue procédure de succession, il serait immoral de le considérer responsable en cas d’apparition de la mérule dans son logement, susceptible par ailleurs, de s’être propagée à ses voisins immédiats.

Les traités et directives de l’Union Européenne, transposés dans notre droit national font de la liberté contractuelle l’un des principes de base de la réglementation européenne sur les assurances. Aussi, le législateur ne peut imposer des garanties obligatoires aux compagnies d’assurances ainsi qu’aux assureurs mutualistes dans le cadre des contrats d’assurance habitation multirisques. Si le législateur ne peut contraindre les assurances à prendre en charge les risques liés à la mérule il dispose néanmoins de la faculté de créer un nouveau régime d’indemnisation public, limité à la résidence principale, couvert par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages pour protéger nos concitoyens de ce fléau. Ce fonds couvre déjà notamment des risques non assurés liés aux accidents de chasse ou à la circulation routière. Les dépenses induites par ce régime d’indemnisation des propriétaires de logement infecté par la mérule seraient financées par une augmentation du taux de la taxe sur les conventions d’assurances acquittée par les entreprises d’assurance.

L’article 1er de la présente proposition de loi propose de créer un nouveau régime d’indemnisation pour les dommages matériels causés par la mérule sur les résidences principales. Il crée donc une nouvelle section dédiée à la question spécifique de la mérule dans le chapitre I du code des assurances.

L’article 2 propose de relever le taux de la taxe sur les contrats d’assurance conclus par les entreprises d’assurances prévue par l’article 991 du code général des impôts.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le chapitre Ier du titre II du livre IV du code des assurances est complété par une section XII ainsi rédigée :

« Section XII

« Disposition particulière applicable aux dommages immobiliers causés par la mérule

« Art. L. 421‑18. – I. – Le fonds général des assurances obligatoires couvre les risques de dégradation liés à la mérule dans les résidences principales.

« II. – L’indemnisation versée par le fonds assure la réparation intégrale des dommages mentionnés au I, dans la limite d’un plafond.

« III. – Les indemnisations du fonds doivent être attribuées aux personnes victimes de tels dommages dans un délai de trois mois.

« IV. – Toute personne victime de dommages liés à la mérule établit avec le fonds de garantie un descriptif des dommages qu’elle a subis. Le montant des indemnités versées par le fonds est mentionné au descriptif.

Article 2

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par le relèvement de la taxe visée à l’article 991 du code général des impôts.

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Hubert
Wulfranc

Député de Seine-Maritime (3ème circonscription)
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