Proposition de loi visant à baisser les taxes face à la hausse record du coût des carburants pour les automobilistes
(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Alain BRUNEEL, Moetai BROTHERSON, Marie‑George BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean‑Paul DUFRÈGNE, Sébastien JUMEL, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Jean‑Paul LECOQ, Jean‑Philippe NILOR, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC.
député‑e‑s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis plusieurs semaines, les prix à la pompe atteignent des records et la tendance n’est pas à la baisse.
Dans sa note de conjoncture de mars 2022, l’INSEE évoque un glissement sur un an des prix à la consommation atteignant 3,6 % en février. Pour mars, cette inflation dépasserait les 4 % sur un an et l’énergie porterait la moitié de cette hausse.
Un sondage IPSOS publié vendredi 18 mars illustre d’ailleurs que la question centrale du pouvoir d’achat est l’enjeu numéro 1 de la période pour 53 % des français.
La guerre en Ukraine et les sanctions adoptées contre la Russie affectent l’économie française avec un choc sur le prix de l’énergie et les matières premières. Les tensions géopolitiques freinent en effet la production de pétrole dans un contexte où la demande repart fortement à la hausse sous l’effet de la reprise des activités économiques post‑covid. Dans le même temps, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) tire profit de ces tensions et semble ne pas vouloir jouer les variables d’ajustement.
Face à cette réalité, le prix du baril s’approche de son record historique de 2008. Cette situation pèse gravement sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
« Bientôt ça va me coûter plus cher d’aller travailler que de rester chez moi » Syndie, coiffeuse à domicile.
Les témoignages de citoyens, peinant à joindre les deux bouts face à la hausse incontrôlée des prix des carburants se multiplient. Pour beaucoup, les déplacements automobiles constituent une nécessité, dans leur organisation familiale ou professionnelle, souvent dans des zones faiblement desservies en transport en commun.
Au‑delà des conséquences du contexte géopolitique, le prix moyen du carburant était déjà en forte hausse depuis plusieurs mois. En septembre 2021, le litre de gazole était de 1,477 euro, celui du super 95 de 1,598 euro et celui du super 98 de 1,675 euro.
Début février 2022, avant le déclenchement de la guerre, le prix moyen du litre de gazole avait déjà pris 14 centimes, passant à 1,622 euro ; celui du super 95 augmentait de 19 centimes à 1,787 euro le litre pendant que le super 98 grimpait de 16 centimes à 1,842 euro.
Un mois plus tard, l’explosion était drastique. Au 10 mars, le prix moyen du litre de gazole s’affiche à 2,246 euros soit 53 centimes de hausse en 4 semaines. Pour le super 95, la hausse est de 33 centimes à 2,121 euros le litre tandis que le super 98 s’envole à 2,189 euros soit 34 centimes de hausse.
Sur le plein d’un réservoir de 40 litres, cette hausse représente donc un surcoût de 21 euros en 4 semaines à chaque plein de gazole et environ 13 euros pour l’essence.
Dans les deux cas, la hausse du SMIC net mensuel programmée le 1er janvier 2022 (+ 11 euros) ne parvient même pas à effacer le surcoût de 4 semaines de hausse pour un seul plein de carburant.
Des mesures gouvernementales insuffisantes
Face à cette baisse brutale du pouvoir d’achat des automobilistes et à la colère sociale, le gouvernement a choisi d’accorder une remise de 18 centimes d’euros par litre de carburant pour une durée de 4 mois. Si cette mesure permet une légère bouffée d’air, elle ne répond pas à l’asphyxie financière de nos concitoyens obligés de prendre leur véhicule pour travailler ou contraint de renoncer aux loisirs à cause du prix de l’essence.
Les auteurs proposent donc de prendre une mesure d’ampleur qui permet de régler le problème de l’imposition et de faire participer les groupes pétroliers à l’effort.
Régler le problème de l’imposition.
A l’heure actuelle, 60 % du prix d’un plein est constitué par les taxes. D’abord, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui représente environ 40 % de la note réglée par les automobilistes. Cette TICPE a évolué à la hausse durant le quinquennat (+ 7 centimes sur le gazole, + 4 centimes sur le SP95) avant d’être gelée en 2018 suite au mouvement des gilets jaunes. La loi adoptée au Parlement en décembre 2018 a ainsi permis de supprimer la progression prévue de 10 centimes sur l’essence et de 19 centimes sur le gazole d’ici à la fin du quinquennat.
À cette taxe sur la consommation finale s’ajoute la Taxe sur la valeur ajoutée TVA, au taux de 20 %, qui s’applique à la fois sur la consommation de carburant et sur la TICPE, créant un phénomène de double taxe.
Moduler la fiscalité représente donc un outil efficace pour réduire la facture payée par les automobilistes.
Notre proposition vise donc à réduire le taux de la TVA à 5,5 %, soit le taux dévolu aux biens de première nécessité, et à sortir la TICPE de l’assiette de la TVA pour supprimer le phénomène de « taxe sur la taxe ».
Agir sur la TVA, considéré comme l’impôt le plus injuste, est également un élément de justice fiscale. En effet, la TVA pèse d’autant plus sur les ménages qu’ils consomment une fraction importante de leurs revenus. Les ménages aux revenus modestes, fortement touchés par l’inflation, ont une plus forte propension marginale à consommer et sont donc davantage frappés par la TVA par rapport aux ménages aisés qui consacrent une part plus importante de leur revenu à l’épargne.
Répartir l’effort en prenant sur les profits des groupes pétroliers.
À mesure que les prix à la pompe flambent, les profits des multinationales du pétrole s’envolent. Selon les chiffres de l’OCDE, les surprofits engrangés par les géants du secteur depuis le début de la guerre en Ukraine atteignent au global 200 milliards de dollars. (181 milliards d’euros)
À titre d’exemple, le groupe français TOTAL a engrangé 16 milliards de bénéfices en 2021 pour 7 milliards de dividendes versés.
Taxer cette rente pétrolière serait donc un levier permettant de faire participer le secteur pétrolier privé à l’effort en remettant une forme de justice dans le prix payé à la pompe.
Présentation des articles
L’article 1er vise à appliquer à la consommation de carburant un taux de TVA de 5,5 %, c’est‑à‑dire celui dévolu aux biens et services de première nécessité. Pour de nombreux Français, les déplacements automobiles revêtent un caractère impératif, a fortiori dans les territoires mal desservis en transport en commun. Cette mesure constitue donc une avancée notable pour le pouvoir d’achat des Français, à l’heure où les cours du pétrole et des carburants s’envolent.
Cette réduction de la TVA ne constitue pas, pour autant, une mesure anti‑écologique. En effet, il est aujourd’hui clairement établi que la consommation de carburant est, au moins à court terme, peu sujette aux variations de prix. La baisse de la TVA ne provoquera donc pas d’augmentation des déplacements automobile.
Enfin, la baisse de la TVA n’affectera pas le fret ferroviaire. La TVA étant un impôt qui ne s’applique que sur la consommation finale des ménages, les transporteurs routiers sont d’ores et déjà exonérés.
L’article 2 vise à exclure de l’assiette de la TVA les taxes énergétiques qui s’appliquent sur les carburants, notamment la TICPE. Il s’agit là d’un cas classique de « taxe sur la taxe », c’est‑à‑dire que la TVA s’applique à la fois sur la consommation de carburant, mais aussi sur les taxes énergétiques préalablement payées (environ 60 centimes par litre). Ainsi, pour un litre d’essence environ, le montant de TVA payé sur la TICPE s’élève à environ 13 centimes. L’article 2 vise donc à supprimer cette double imposition.
L’article 3 vise à mettre en place une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des entreprises pétrolières (à la fois les entreprises d’extraction et les entreprises de distribution) dégageant un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros. Cette contribution exceptionnelle, qui s’appliquera durant deux ans, sur les exercices 2021 et 2022, permettra de financer la baisse de la TVA appliquée aux deux premiers articles. Cette taxe sera égale à 30 % du montant de l’impôt sur les sociétés payé par les entreprises.
L’article 4 est l’article de gage.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Après le B de l’article 278‑0 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« B bis. – Les consommations de produits énergétiques utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant tels que définis aux articles 265 et 266 quinquies C du code des douanes.
Article 2
Après l’article 267 bis du code général des impôts, il est inséré un article 267 ter ainsi rédigé :
« Art. 267 ter. – Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature sont exclus de la base d’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée pour la fourniture de produits énergétiques utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant tels que définis aux articles 265 et 266 quinquies C du code des douanes. »
Article 3
I. – Les entreprises d’extraction d’hydrocarbure et les entreprises de commerce de détail de carburant, telles que définies par le décret n° 2007‑1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d’activités et de produits françaises, redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables, aux taux mentionnés à l’article 219 du même code, de l’exercices à compter du 31 décembre 2020 et jusqu’au 30 décembre 2022.
Cette contribution exceptionnelle est égale à 30 % de l’impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
II. – 1. Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu à l’article 223 A ou à l’article 223 A bis du code général des impôts, la contribution exceptionnelle et la contribution additionnelle sont dues par la société mère. Elles sont assises sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus‑value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
2. Le chiffre d’affaires mentionné aux I et II s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d’un groupe mentionné à l’article 223 A ou à l’article 223 A bis du code général des impôts, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
3. Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont imputables ni sur la contribution exceptionnelle ni sur la contribution additionnelle.
4. La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
5. La contribution exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
Article 4
La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.