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Atténuer les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur générées par Parcoursup - 358

Proposition de loi visant à atténuer les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur générées par Parcoursup

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

André CHASSAIGNE, Stéphane PEU, Frédéric MAILLOT, Karine LEBON, Soumya BOUROUAHA, Moetai BROTHERSON, Jean‑Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, Pierre DHARRÉVILLE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Emeline K/BIDI, Davy RIMANE, Fabien ROUSSEL, Nicolas SANSU, Jean‑Marc TELLIER, Hubert WULFRANC.

Député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 2 septembre 2022, le ministre de l’éducation nationale déclarait, à propos de la plateforme Parcoursup, qu’elle était « perfectible » et qu’elle ferait l’objet d’amélioration, en particulier dans sa lisibilité et sa transparence. Ces propos traduisent une prise de conscience partielle des dommages causés par le système Parcoursup et largement dénoncés depuis sa création.

À cette rentrée encore, nous constatons les conséquences néfastes de la plateforme. À la mi‑juillet 2022, 10 % des nouveaux bacheliers et 20 % des étudiants en réorientation n’avaient reçu aucune réponse positive. À la rentrée dernière, 109 000 néo‑bacheliers n’ont finalement pas été admis, quand bien même ils ont reçu une proposition d’admission, sans que l’on sache réellement les motifs les ayant amenés à refuser ces formations.

L’étude menée par IPSOS et commandée par le ministère de l’enseignement supérieur publiée le 29 septembre 2021 montrait que 30 % des lycéennes et lycéens ne sont pas satisfaits des réponses obtenues. Enfin, 82 % trouvent la plateforme « stressante » et 61 % qu’elle n’est pas juste.

Au‑delà de ces chiffres, Parcoursup représente l’aboutissement d’un système scolaire qui aggrave les inégalités. Ainsi, depuis une dizaine d’années, l’OCDE, dans son classement issu des données PISA, rapporte une aggravation des inégalités scolaires en France. Notre système éducatif décroche ainsi l’une des plus mauvaises places en matière d’équité.

Le constat est sans appel : aujourd’hui, parmi les pays de l’OCDE, l’école française est celle où l’origine sociale pèse le plus lourd dans les résultats scolaires. La dernière enquête PISA révèle ainsi qu’en 2018, l’écart de réussite entre les élèves de milieu social favorisé et défavorisé était de 107 points en France, largement au‑dessus de la moyenne de l’OCDE qui est de 89 points.

Alors que l’école devrait assurer l’égalisation démocratique des chances de mobilité sociale en réduisant l’impact des inégalités sociales, elle garantit, en réalité, une reproduction presque à l’identique des inégalités sociales et migratoires de départ ([1]).

Dès le plus jeune âge les inégalités sont présentes et les résultats scolaires corrélés à l’origine sociale. Ces inégalités se poursuivent jusque dans l’enseignement supérieur.

Les enfants d’ouvriers représentent 12 % de l’ensemble des étudiants alors que les ouvriers représentent 21 % de la population active. À l’opposé, les enfants de cadres supérieurs représentent 34 % des étudiants, alors que leurs parents représentent 18 % des actifs. Cette proportion s’élève à 51 % dans les classes préparatoires aux grandes écoles.

67 % des enfants de cadres obtiennent un diplôme de l’enseignement supérieur au‑delà de la licence, contre seulement 16 % des enfants d’ouvriers. Un enfant de cadres a onze fois moins de risque de sortir du système scolaire sans diplôme qu’un enfant dont l’un des parents est inactif.

Selon la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’éducation nationale, en 2018, ce sont 93,7 % des élèves dont la mère détenait un diplôme de l’enseignement supérieur qui obtenaient le baccalauréat, contre 58,1 % seulement des élèves dont la mère était sans diplôme.

À ces inégalités sociales, s’ajoutent des inégalités territoriales. Ainsi, selon la DEPP, dans son rapport Géographie de l’école 2021, en 2019, l’espérance d’obtenir le baccalauréat pour un élève de sixième variait de 54,1 % à Mayotte à 82,2 % à Paris. Au sein de la région parisienne, une étude du CNESCO ([2]) montre que les taux de réussite aux épreuves écrites du brevet est très variable selon la zone géographique : 57,5 % de réussite dans les territoires parisiens et de banlieue très favorisés et 24,3 % dans les territoires cumulant le plus de difficultés socioéconomiques.

Autant de chiffres alarmants qui traduisent les difficultés structurelles de notre pays à garantir l’égalité des chances.

Ces inégalités s’accentuent tout le long du parcours scolaire, avec comme point d’orgue l’enseignement supérieur où l’éviction des classes populaires est flagrante. S’ajoute à cela une sous‑dotation des établissements du supérieur, un budget consacré par étudiant qui a diminué de 10 % en 10 ans, un manque chronique de places par rapport au nombre de bacheliers qui augmente chaque année.

Pour remédier à cela, le précédent Gouvernement a choisi d’acter le manque de places en mettant en place la sélection généralisée à travers une nouvelle plateforme d’inscription dans l’enseignement supérieur, Parcoursup, remplaçant la non regrettée APB.

Parcoursup gère la pénurie plutôt que de la résorber. Le nombre de places à l’Université n’est pas en adéquation avec la hausse de la démographie étudiante. Tant que la question des moyens dédiés aux étudiantes et étudiants ne sera pas traitée, aucune solution pérenne ne pourra être trouvée. L’exemple de la réforme des études de médecine illustre ces difficultés. La fin du numerus clausus, que nous soutenons, permettra d’augmenter de 20 % les effectifs des étudiants en professions de santé. Les objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé pour la période 2021‑2025 sont de 51 505 étudiants, contre 42 637 places pour la période 2016‑2020.

Ce chiffre global est décliné au sein de chaque Université. Or, ces déclinaisons tiennent compte non seulement des besoins des territoires, mais aussi des capacités d’accueil des Universités et celles‑ci ne sont pas toujours suffisantes, créant de fortes disparités territoriales. Par exemple, à l’Université de Rouen, le nombre d’étudiants en médecine n’augmente que de 2 % par rapport au précédent système. Dans d’autres régions comme en Bourgogne‑France‑Comté c’est une augmentation de 12 % qui est prévue car les Universités et les établissements de santé ont pu augmenter leur capacité de formation. Or, le nombre d’étudiants par région est très important pour lutter contre la désertification médicale car 75 % des médecins généralistes s’établissent là où ils soutiennent leur thèse. Cet exemple illustre qu’au‑delà des réformes même positives, c’est bel et bien les moyens dédiés à chaque étudiant.es et étudiants qui doivent être augmentés.

La plateforme d’orientation Parcoursup qui, selon ses créateurs, devait “rétablir l’égalité des chances au sein de notre enseignement supérieur” ([3])est aujourd’hui dénoncée au mieux, comme une plateforme qui pérennise les inégalités sociales et territoriales, au pire comme les renforçant. Parcoursup est la consécration de la sous‑dotation de l’Enseignement supérieur et le triomphe de l’hyper‑compétitivité. Parcoursup doit être supprimée, mais la supprimer sans réformer en profondeur notre école et sans réarmer en moyens financiers et humains notre enseignement supérieur n’aurait aucun impact.

Parcoursup, par son opacité sur les critères de sélection et les algorithmes, favorise les enfants des familles les mieux informées. Comme le regrette la Commission nationale consultative des droits de l’Homme ([4]), les modalités d’orientation n’assurent pas un accès égal de tous les lycéens aux informations leur permettant de faire un choix éclairé.

Parcoursup provoque du stress, de l’incompréhension, de la colère et parfois une défiance vis‑à‑vis d’un système froid, insensible. Comment expliquer à deux jeunes aux notes et dossiers identiques formulant la même candidature qu’à la fin, ils obtiennent des admissions différentes ?

Les conséquences d’une admission incomprise et en inéquation avec les demandes et besoins du candidat peuvent être dramatiques. L’éloignement de la famille et les problèmes de transports particulièrement en milieu rural, la motivation qui s’évanouit face à une affectation imposée, autant de facteurs de mal‑être qui font du présent une souffrance et du futur une incertitude.

Il nous faut nous départir de cette “machine” à renforcer les inégalités, et permettre à chaque jeune de pouvoir prétendre à la formation de son choix. Une ambition atteignable en investissant massivement dans l’enseignement supérieur pour soulager les formations en tension.

Le Défenseur des droits ([5]), la Commission nationale consultative des droits de l’Homme ([6]), mais aussi la Cour des comptes ([7]) ou encore un récent rapport sénatorial ([8]) dressent un certain nombre de préconisations pour contrecarrer les défauts majeurs de cette plateforme et notamment ceux qui accentuent les inégalités, comme l’anonymisation du lycée d’origine que nous proposons dans ce texte. Aucune n’a été suivie d’effets à cette date.

C’est pourquoi, soucieux d’apporter des réponses concrètes et immédiates aux futurs bacheliers, et dans l’attente d’une réforme d’ampleur permettant de se débarrasser de cette plateforme sélective, les auteurs de cette proposition de loi souhaitent modifier la loi relative à l’Orientation et la réussite des étudiants pour corriger ces dispositions les plus reproductives d’inégalités.

Rendre plus transparents et accessibles les critères d’admission, renforcer l’accompagnement des élèves dans leur orientation, quels que soient leur lycée d’origine ou leur milieu social, et favoriser une orientation gage de réussite pour les bacheliers professionnels ou technologiques, telles sont les ambitions de ce texte.

L’article 1er de cette proposition de loi a pour objectif de rendre plus transparente la procédure Parcoursup en proposant de rendre anonyme le lycée d’origine, en créant une obligation de communication des critères et algorithmes d’évaluation des candidatures et en demandant aux autorités académiques de procéder systématiquement à un diagnostic des formations en tensions et d’y remédier.

Pour certaines formations, le lycée d’origine est utilisé comme un critère de sélection, entraînant ainsi une discrimination selon le lieu de vie. La Cour des comptes estime que 20 % des établissements d’enseignement supérieur s’appuient sur le lycée d’origine pour effectuer le classement des candidats. Alors que le baccalauréat se passe de plus en plus en contrôle continu, affaiblissant son caractère national, le risque d’accroître encore un peu plus l’assignation à résidence est réel. De plus, cela crée des phénomènes d’évitement de la carte scolaire au lycée, comme cela a lieu au collège, afin d’intégrer un lycée avec une meilleure réputation, ce qui affaiblit encore plus l’école publique. C’est pour cela, suivant l’avis de la CNCDH et de la Cour des comptes, que nous proposons l’anonymisation du lycée d’origine qui apparaît indispensable pour éviter un déterminisme social liant l’accès à l’enseignement supérieur au territoire d’origine. Tel est le sens de la première modification proposée au I de l’article L. 612‑3 du code de l’éducation.

Par ailleurs, il apparaît tout aussi indispensable de créer une obligation de communication des critères et algorithmes d’évaluation des candidatures. La réussite d’un candidat sur Parcoursup tient, en effet, beaucoup à son degré d’information sur le fonctionnement de la plateforme et des critères importants retenus dans la sélection des candidats. C’est pour cela que l’opacité dans la prise de décision ne fait qu’aggraver les inégalités entre les élèves très bien intégrés au système scolaire, sachant trouver l’information, et les autres. Du reste, comme le souligne la CNCDH, « du fait de leur opacité, les procédures d’affectation dans le processus d’utilisation de Parcoursup sont anxiogènes et sont perçues comme arbitraires. Le manque de transparence qui entoure ces règles de classement nuit à l’efficacité et à l’équité de la procédure d’affectation des candidats. De fait, elle entrave la compréhension des critères d’admission, ce qui peut conduire les candidats refusés à suspecter le processus d’être biaisé. Elle empêche également la bonne information des candidats et des parents préalablement aux inscriptions sur la plateforme ».

C’est pourquoi nous proposons de modifier l’article L. 212‑3 afin d’obliger les établissements d’enseignements supérieurs à communiquer auprès des candidats, en amont de l’examen des candidatures, les critères précis attendus et les traitements algorithmiques utilisés pour chacune de leurs formations.

Enfin, les formations restent bien trop sous tension pour bon nombre d’entre elles. Si la loi d’orientation et de réussite des étudiants prévoit que, chaque année, l’autorité académique détermine les capacités d’accueil des formations du premier cycle de l’enseignement supérieur des établissements relevant des ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, il s’avère que les critères retenus pour déterminer ces capacités d’accueil ne prennent pas en compte les insuffisances d’accueil de certaines filières pourtant constatées chaque année. Or, comme le souligne la CNCDH, la tension liée aux affectations des étudiants dans l’enseignement supérieur résulte des capacités d’accueil de certaines formations, qui n’ont pas suivi la croissance démographique et la hausse du nombre des étudiants qu’elle a engendrée. Comme elle, nous pensons que « si l’adaptation des possibilités d’accueil selon les filières doit nécessairement tenir compte des possibilités de débouchés, il n’en reste pas moins que la création de places dans l’enseignement supérieur doit répondre à un besoin à la fois social et de dynamisation de l’économie du pays”. Du reste, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de février 2020, “malgré un nombre significatif de nouvelles places créées, le taux de pression des filières sélectives et non sélectives a augmenté entre 2018 et 2019. Cela signifie que les places supplémentaires n’ont pas été créées dans les filières qui avaient le plus de demandes de la part des candidats ».

La situation est d’autant plus préoccupante et cruelle pour les bacheliers professionnels et technologiques, qui sont soumis, pour l’accès aux études supérieures, à des filières exclusivement sélectives, au sein des STS ou au sein des IUT. Si un pourcentage leur est réservé au sein de ces établissements, cela ne règle pas le problème structurel de manque de places dans les formations correspondant à leur profil.

Alors que les pouvoirs publics veulent, à très juste raison, valoriser la voie professionnelle, le nombre de places ouvertes n’a pas suivi l’augmentation du nombre de bacheliers professionnels et technologiques. En 8 ans, le nombre de bacheliers professionnels est passé d’environ 120 000 à environ 180 000. Dans le même temps, entre 2010 et 2017, les effectifs d’étudiants inscrits en première année de BTS n’ont augmenté que de 9 000 places.

La plateforme Parcoursup est donc particulièrement pénible pour eux : seuls 83 % des bacheliers professionnels reçoivent au moins une proposition pendant la première phase, contre 97 % des bacheliers généraux. Encore plus grave, les formations dans lesquelles ils sont affectés correspondent le moins souvent à leurs attentes : seuls 62 % acceptent une offre, contre 85 % des bacheliers généraux.

Enfin, les bacheliers professionnels représentent pratiquement un tiers des candidats avec que des refus, alors qu’ils ne représentent que 18 % des candidatures.

Aussi, il convient d’ouvrir massivement des STS et des IUT, en harmonisant leur présence sur le territoire (Paris ne compte par exemple qu’un IUT) afin de pouvoir accueillir l’ensemble des candidats dans les formations désirées. C’est l’unique manière de faire cesser cette maltraitance organisée des bacheliers professionnels et technologiques.

C’est pourquoi, ce texte propose d’intégrer dans les critères de détermination des capacités d’accueil pour l’année à venir la prise en compte du taux de pression constaté sur chaque formation. Il propose également l’obligation pour l’autorité académique de s’assurer que les STS et IUT disposent des places suffisantes pour accueillir, dans la formation de leur choix, les candidats issus des bacs professionnels et technologiques de l’académie. Une augmentation des capacités d’accueil dans les filières sous tensions suppose d’être accompagnée des moyens humains et financiers adaptés, ce qui devra être pris en compte à sa juste mesure dans les prochaines lois de finances.

L’article 2 de cette proposition de loi vise, quant à lui, à renforcer l’aide à l’orientation des élèves et leur accès à l’information.

L’accès à l’information et à une bonne orientation est un facteur déterminant pour la réussite du lycéen dans son passage aux études supérieures. Or, « C’est dans l’orientation que se lisent avec le plus de brutalité les inégalités sociales et de genre dont souffre notre système scolaire », comme le souligne le rapport de l’IGEN‑IGAENR de juin 2019 « Refonder l’orientation, un enjeu État‑régions ».

L’inégalité constatée entre les lycéens sur l’accès à l’information rejoint les inégalités sociales. Ceux qui ont compris le système du fonctionnement de Parcoursup, sont ceux qui s’en sortent le mieux et ce sont aussi ceux qui sont issus des classes sociales les plus favorisées.

Pour promouvoir l’égalité d’accès à une formation du supérieur, il faut impérativement donner les moyens aux lycéens de savoir et de pouvoir choisir. Afin de garantir le principe d’égalité des chances, il faut également s’assurer d’une juste équité, notamment territoriale. Un candidat ou une candidate provenant d’une collectivité d’Outre‑Mer devant déménager à plusieurs milliers de kilomètres afin de poursuivre ses études doit bénéficier de suffisamment de temps pour s’organiser. Aussi, un temps supérieur pour un déménagement est nécessaire, nous proposons donc une information anticipée pour les futurs étudiantes et étudiants ultramarins afin de réduire les difficultés liées à la distance. Cet aménagement est présent à l’article 1 de la présente proposition de loi.

Lutter contre les inégalités scolaires ne pourra donc se faire sans le renforcement du système d’orientation des élèves. Chacune et chacun doit pouvoir bénéficier d’une information de qualité et d’un accompagnement personnalisé. Or, le manque de moyens consacrés à ce service public ne permet pas d’assurer ce niveau d’information, malgré l’engagement important des psychologues de l’Éducation nationale et des équipes pédagogiques. Une orientation au rabais renforce les inégalités et la reproduction sociale.

Beaucoup de familles, en particulier depuis l’instauration de Parcoursup, font appel ainsi à des organismes privés pour bénéficier d’un accompagnement. Ces organismes se multiplient et occupent une place laissée libre par le service public et ses 1 500 élèves par conseillers. Un marché juteux qui facture jusqu’à 1 000 euros le coaching.

Selon le rapport de la Cour des comptes ([9]), plus d’un tiers des élèves n’ont pas rencontré d’intervenants extérieurs, qu’ils soient universitaires ou professionnels, lors de l’année scolaire 2018‑2019. De plus, les heures devant être consacrées à l’orientation, par exemple 54 heures au lycée, ne sont pas respectées. Selon la CNCDH, l’écart dans le suivi des élèves se caractérise, par ailleurs, par un accompagnement personnalisé très inégal selon les établissements et les territoires.

Selon un sondage du Ministère de l’enseignement supérieur publié le 30 septembre 2021, 30 % des lycéens n’ont pas été accompagnés du tout durant tout le processus d’inscription sur Parcoursup, depuis la formulation jusqu’à la confirmation de leurs vœux.

La réforme du baccalauréat, avec la fin des filières S, ES et L et la mise en place des enseignements de spécialité a considérablement compliqué la lisibilité de la sélection des candidatures et oblige plus que jamais l’élève à faire les bons choix de spécialité en amont (dès la fin de la seconde) pour intégrer les formations désirées.

La Cour des comptes alertait, pourtant, dès le début de l’année 2020, sur cette réforme et ses risques d’accroître encore un peu plus les inégalités d’accès à l’information et les dysfonctionnements de la politique d’orientation pourtant identifiés depuis longtemps. Ainsi soulignait‑elle que la mise en place d’un second professeur principal en classe de terminale, de deux « semaines de l’orientation » et d’un créneau de 54 heures annuelles pour chaque classe de lycée pour accroître l’accompagnement des élèves dans leur choix d’orientation, restent des mesures insuffisantes. « Trop nombreux sont les élèves qui ne bénéficient toujours pas d’aide pour leur orientation. (…) Des limites telles que l’autocensure d’origine sociale, territoriale ou de genre, s’opposent encore à ce que l’orientation reflète davantage le projet de chaque élève. L’effacement possible de la notion de classe, en conséquence de la réforme en cours du lycée, pourrait remettre en cause l’existence même du professeur principal, ce qui, en matière d’orientation, pourrait se faire au préjudice de l’élève et de sa famille ».

En effet, en rendant possible plusieurs centaines de combinaisons d’enseignements de spécialité, ce nouveau système favorise les élèves issus des familles les mieux informées. Comme le souligne un très récent rapport sénatorial ([10]), les différences dans les choix effectués entre élèves de catégories sociales distinctes perdurent. Il est constaté une surreprésentation des élèves issus des milieux favorisés dans les enseignements de spécialités scientifiques, et a contrario, une surreprésentation des élèves des milieux défavorisés dans les enseignements d’histoire‑géographie, de langues ou d’humanités.

Or, les spécialités attendues à telle ou telle formation n’apparaissent pas ou de manière aléatoire dans la plateforme de Parcoursup. Et pour cause, comme l’indique le site du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports : « Une formation de l’enseignement supérieur ne peut pas exiger une combinaison de spécialités en particulier. Le choix d’une spécialité n’empêchera en aucun cas l’accès à une formation, les spécialités servent à expérimenter avant tout ce qui vous plaît ou ne vous plaît pas » ([11]).

Cette présentation est trompeuse et tronquée, parce que le choix des spécialités est forcément déterminant pour accéder à de nombreuses formations. Seuls les lycéens informés dès la seconde sauront faire les « bons choix ». Pour les autres, et telle qu’est rédigée la loi, tant pis pour eux. Il n’est d’ailleurs pas anodin que les entreprises de conseil en orientation se soient également saisies de ce marché et proposent désormais des forfaits de coaching en spécialités du bac à 600 euros.

Ce n’est évidemment pas acceptable, d’autant moins acceptable que les premiers sacrifiés sont les lycéens issus des classes sociales défavorisées quand les lycées ne peuvent les accompagner sérieusement.

L’article 2 de cette proposition de loi exige donc que chaque établissement communique les attendus précis de chaque formation, en particulier les spécialités du baccalauréat requises. Il demande également à ce que les statistiques émises par les établissements d’enseignement supérieur fassent état des spécialités prises en classe de première et terminale par les élèves retenus pour chaque formation, afin que les futurs candidats puissent affiner leurs choix. Enfin, l’article renforce l’accompagnement des élèves pendant la procédure de préinscription, en consacrant le rôle premier des psychologues de l’Éducation nationale dans l’accompagnement des élèves au niveau de leur orientation.

Les auteurs de ce texte, qui n’ont pas la prétention de résoudre la question des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur ayant conscience qu’il faut investir massivement dans notre système éducatif dès l’école maternelle, proposent modestement d’atténuer les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur générées par Parcoursup. Une proposition d’attente avant de repenser, plus globalement, un système d’orientation et d’accès aux études supérieures qui laisse une place à tous les lycéens dans la formation de leur choix en adéquation avec les besoins de notre pays.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 612‑3 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sans préjudice de l’exercice de cette faculté, les établissements ne peuvent tenir compte du lycée d’origine des candidats pour l’examen des candidatures qui leur sont adressées. »

b) Après le même troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les critères retenus au titre de l’année en cours, pour l’examen des candidatures et les traitements algorithmiques, dans le cadre des obligations résultant des articles L. 311‑3‑1 et L. 312‑1‑3 du code des relations entre le public et l’administration, utilisés par les établissements d’enseignement supérieur pour chacune de leurs formations, font l’objet d’une publication avant l’ouverture de la procédure nationale de préinscription. Les établissements d’enseignement supérieur procèdent à cette publication en veillant à garantir la lisibilité et l’accessibilité des informations. Le principe du respect du secret des délibérations des jurys s’applique s’agissant des opérations non‑automatisées de classement des candidatures. Il ne fait toutefois pas obstacle à ce que les candidats puissent demander, à l’issue de la procédure nationale de préinscription, la communication des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise. »

« L’examen des candidatures et les propositions d’admissions des candidats relevant des rectorats et vice‑rectorats de Guyane, Martinique, Guadeloupe, Réunion, Mayotte, Saint‑Pierre et Miquelon, Polynésie française, Nouvelle‑Calédonie et Wallis et Futuna doivent être opérés de manière anticipée afin de garantir au candidat un temps suffisant pour l’organisation logistique de son aménagement. »

c) Le dernier alinéa est supprimé ;

2° Le III est ainsi modifié :

a) À la seconde phrase, après le mot : « compte », sont ajoutés les mots : « du taux de pression qui résulte du nombre de demandes constaté l’année précédente sur chaque formation, »

b) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « L’autorité académique, en lien avec les établissements, doit formuler un plan d’action permettant de corriger les insuffisances d’accueil dans les formations concernées. L’autorité académique veille à ce que les sections de techniciens supérieurs et les instituts universitaires de technologies disposent d’un nombre de places suffisant pour accueillir les candidats issus des filières professionnelles et technologiques de l’académie. »

Article 2

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 313‑1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque établissement d’enseignement du second degré met en place, dès la classe de seconde, un accompagnement personnalisé de chaque élève dans la perspective de la procédure nationale de préinscription dans les établissements d’enseignement supérieur prévue à l’article L. 612‑3. »

2° Après la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 612‑1, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces statistiques précisent les enseignements de spécialité suivis en classe de première et de terminale par les candidats retenus par les formations dispensées par l’établissement. »

3° Après la deuxième phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 612‑3, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces caractéristiques doivent préciser pour chaque établissement les attendus exacts de chaque formation, et notamment les enseignements de spécialité du baccalauréat conseillés pour accéder à la formation. »

Article 3

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

([1]) Cnesco (2016). Comment l’école amplifie‑t‑elle les inégalités sociales et migratoires ?

([2]) Cnesco, Panorama des inégalités scolaires d’origine territoriale dans les collèges d’Île‑de‑France, 2018.

([3]) Exposé des motifs du projet de loi n° 391 relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants.

([4]) 2021- 7 – Avis « Pour un enseignement supérieur respectueux des droits fondamentaux ».

([5]) Décision 2019‑021 du 18 janvier 2019 relative au fonctionnement de la plateforme nationale de préinscription en première année de l’enseignement supérieur.

([6]) 2021- 7 – Avis « Pour un enseignement supérieur respectueux des droits fondamentaux »

([7]) Un premier bilan de l’accès à l’enseignement supérieur dans le cadre de la loi Orientation et réussite des étudiants - février 2020

([8]) Rapport d’information n° 848 (2020‑2021) de Mme Monique Lubin, fait au nom de la MI Égalité des chances, “L’égalité des chances, jalon des politiques de jeunesse”

([9]) Un premier bilan de l’accès à l’enseignement supérieur dans le cadre de la loi Orientation et réussite des étudiants, février 2020, Cour des comptes.

([10]) Rapport d’information n° 848 (2020‑2021) de Mme Monique Lubin, fait au nom de la MI Égalité des chances, “L’égalité des chances, jalon des politiques de jeunesse”

([11]) Le site du Ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports : http://quandjepasselebac.education.fr/specialites‑du‑nouveau‑bac‑quel‑est‑le‑role‑des‑attendus‑parcoursup/

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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