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Rapport sur la PnR Européenne « Financement de la transition écologique - 4748 »

Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur la proposition de résolution européenne relative au financement de la transition écologique"

PAR M. Hubert WULFRANC

Député
Voir les numéros : 4571 ; 4719

introduction

I. Une réforme du pacte de stabilité et de croissance européen apparaît indispensable pour financer la transition Écologique

A. Les règles budgétaires européennes sont incompatibles avec les investissements publics massifs nécessaires À la transition Écologique

1. La lutte contre le changement climatique exige des investissements de grande ampleur au service de la transition écologique

2. La part publique de ces investissements, pourtant indispensable car complémentaire du secteur privé, est aujourd’hui largement insuffisante

3. Les règles du Pacte de stabilité et de croissance sont manifestement incompatibles avec le financement des investissements nécessaires à la transition écologique

B. une Proposition pragmatique pour favoriser un consensus sur la nécessité d’une réforme des règles du pacte de stabilité et de croissance

1. Des réformes ambitieuses sont aujourd’hui proposées

2. La présente proposition présente une évolution pragmatique des règles budgétaires européennes pour favoriser le financement de la transition écologique

II. La présente résolution a été discutée par la commission des affaires européennes

EXAMEN EN COMMISSION

introduction

La crise sanitaire qui sévit depuis bientôt deux ans a fait voler en éclat les règles européennes qui encadrent les politiques budgétaires des pays de la zone euro, dont nous étions nombreux, depuis des années, à dénoncer l’arbitraire et les effets pervers. Pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la pandémie, les États européens ont mis en place des mesures prophylactiques indispensables afin de protéger les ménages et les entreprises. En raison de l’impact de ces mesures sur les finances publiques des États membres, les critères de Maastricht, déjà inefficaces, sont devenus obsolètes.

L’Union européenne est aujourd’hui à un moment charnière de son histoire. Pour permettre aux États de faire face à la crise sanitaire, la clause dérogatoire générale au Pacte de stabilité et de croissance a été appliquée en mars 2020. La suspension des critères du Pacte devrait s’interrompre en 2023. Or, il apparaît de manière évidente que le rétablissement des règles budgétaires européennes serait aujourd’hui contre-productif au regard de l’état des finances publiques des pays membres de la zone euro et insoutenable au regard des besoins en investissements publics en faveur de la transition écologique.

Une réforme en profondeur de la gouvernance économique européenne est nécessaire. Depuis des années déjà, le rapporteur a affirmé que l’orthodoxie budgétaire européenne ne devrait pas prévaloir sur les objectifs économiques, sociaux et environnementaux que se donnent les États membres. Néanmoins, dans une perspective de recherche d’un consensus et d’efficacité, la présente proposition de résolution européenne ne s’engage pas dans cette voie. Elle vise en revanche à profiter du contexte actuel pour engager pleinement l’Union européenne et les États membres de la zone euro sur la voie de la transition écologique.

L’objet de la présente proposition de résolution est de saisir la fenêtre de tir qui s’offre à la France en raison de la conjonction de trois facteurs : la suspension des règles du Pacte de stabilité et de croissance depuis le début de la crise sanitaire ; la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022 ; et l’actuelle prise de conscience de l’impact de plus en plus pressant de la crise écologique et climatique sur nos vies. Nous proposons ainsi de demander au Gouvernement français d’œuvrer pour une réforme très pragmatique du Pacte de stabilité et de croissance : il s’agirait d’exclure du calcul du déficit des États membres de l’Union européenne les dépenses d’investissement réalisées en faveur de la transition écologique. Ainsi, à une politique de soutenabilité budgétaire fondée sur des critères comptables pourrait succéder un principe de soutenabilité économique et environnementale.

Les conséquences de la crise écologique et climatique se multiplient. En témoignent les terribles inondations qui ont frappé l’Allemagne, la Belgique et le nord de notre pays en juillet 2021. Il faut agir de manière urgente en faveur de la transition écologique, et développer des mesures à la hauteur des enjeux. Or, la lutte contre le réchauffement climatique exige des moyens très importants, notamment des investissements publics massifs. Pour protéger les personnes, la santé, le bien-être de la population et la biodiversité, il est donc absolument nécessaire que les États puissent financièrement investir dans la transition écologique sans être bridés par un cadre budgétaire européen inadapté aux enjeux actuels.

Cette proposition est loin d’être iconoclaste. Dès 2019, le Président de la République Emmanuel Macron lui-même avait parlé d’un « débat d’un autre siècle » au sujet du critère de déficit public limité à un ratio de 3 % du PIB. Le Comité budgétaire européen, instance consultative placée auprès de la Commission européenne, préconise une réforme des règles budgétaires européennes, en veillant notamment à favoriser plutôt qu’à restreindre les investissements. Cette recommandation est soutenue par le Parlement européen. La Commission européenne a, quant à elle, lancé une consultation publique le 19 octobre dernier sur la réforme du Pacte de stabilité et de croissance dans un contexte post-Covid.

Ainsi, la question de l’opportunité d’introduire une règle d’or autour des investissements publics s’inscrit pleinement dans les débats actuels. La présente proposition doit permettre à notre Assemblée de se prononcer avec fermeté en faveur d’une évolution du Pacte de stabilité et de croissance.

I. Une réforme du pacte de stabilité et de croissance européen apparaît indispensable pour financer la transition Écologique

Devant le constat de règles budgétaires européennes inefficaces et incompatibles avec la nécessité d’investissements publics massifs dans la transition écologique, l’introduction d’une règle d’or sur les investissements verts est une proposition pragmatique et consensuelle.
A. Les règles budgétaires européennes sont incompatibles avec les investissements publics massifs nécessaires À la transition Écologique

Les études scientifiques et économiques démontrent aujourd’hui que la transition écologique exige des investissements de grande ampleur, publics et privés. Il apparaît contre-productif de maintenir des règles budgétaires qui limitent les capacités de dépenses publiques, alors même que leur effet amplificateur sur les investissements privés est largement prouvé et qu’elles leur sont complémentaires.

1. La lutte contre le changement climatique exige des investissements de grande ampleur au service de la transition écologique

Aujourd’hui, il est encore temps de réagir pour limiter le réchauffement climatique, à condition d’initier un changement d’échelle immédiat des ambitions en matière de transition écologique. Selon le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat publié le 9 août 2021 ([1]), le changement climatique s’accélère. Ainsi, alors même qu’il apparaissait encore possible au moment de l’Accord de Paris en 2015 de limiter la hausse de la température de la planète d’ici 2100 à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels, le GIEC affirme désormais que l’augmentation de 1,5°C devrait être atteinte dès 2030. La limite d’une hausse de 2°C est encore réalisable d’ici 2100, à condition d’agir vite pour transformer nos économies et nos modes de vie.

L’Europe se doit d’être un exemple et un moteur dans ce domaine. Il n’est plus l’heure de se fixer des objectifs ; il est l’heure d’agir pour les atteindre. La « loi européenne sur le climat » ([2]), publiée en juin 2021, fixe un horizon ambitieux : l’Union européenne s’engage à réduire d’au moins 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, et à atteindre d’ici 2050 la neutralité climatique. Désormais, il faut dégager des moyens financiers d’envergure pour concrétiser ces ambitions.

Les estimations des besoins nécessaires au financement de la transition écologique sont encore parcellaires et peuvent parfois diverger. Selon les analyses d’experts mentionnées dans un rapport de la Cour des comptes européenne de septembre 2021 ([3]), atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 impliquerait des dépenses totales d’investissement à l’échelle de l’Union européenne de l’ordre de 1 000 milliards d’euros par an sur la période 2021-2050.

Source : Commission européenne.

La Commission européenne s’est intéressée au chiffrage des différents types d’investissements nécessaires à la transition écologique. Pour le seul système énergétique, sans tenir compte des autres domaines où des mutations écologiques et économiques sont indispensables, 350 milliards d’euros supplémentaires devraient être investis chaque année pour espérer atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % à horizon 2030. Par ailleurs, 130 milliards d’euros supplémentaires par an devront également être alloués à la protection de la biodiversité, à la gestion des ressources, ou encore au développement de l’économie circulaire.

2. La part publique de ces investissements, pourtant indispensable car complémentaire du secteur privé, est aujourd’hui largement insuffisante

En 2006, le rapport publié par l’économiste Nicholas Stern ([4]) avait mis en lumière le « coût de l’inaction », en démontrant que les coûts annuels d’une politique de forte réduction des émissions de gaz à effet de serre s’établiraient à environ 1 % du PIB mondial par an, alors que les pertes résultant du dérèglement climatique se chiffreraient entre 5 et 14 % du PIB mondial par an. Aujourd’hui les économistes s’accordent à dire qu’il est impossible d’évaluer avec certitude et dans toute leur ampleur les pertes économiques qui vont résulter du réchauffement climatique, puisque l’ensemble des effets de celui-ci sont pour le moment inconnus. Néanmoins, il est certain, comme l’affirmait le rapport Stern, que plus l’on attend pour prendre des mesures destinées à limiter le réchauffement climatique, plus le redressement de la trajectoire sera coûteux. En effet, il sera toujours nécessaire d’adopter des mesures visant à limiter le changement climatique, mais il faudra de surcroît prendre en charge le coût des sinistres, toujours plus nombreux, liés à ses conséquences, ainsi que des mesures d’adaptation à ses effets.

Ainsi, alors même que la population mondiale subit de plus en plus violemment, fréquemment, partout dans le monde, les conséquences du changement climatique, il est urgent d’agir et de débloquer les moyens indispensables à la mise en place d’actions efficaces. Des investissements publics et privés sont nécessaires. Le secteur privé peut et doit être encouragé en ce sens par un environnement fiscal et réglementaire adapté.

Toutefois, ce sont surtout les investissements publics qui vont favoriser la progression des investissements privés en faveur de la transition écologique. Leur effet de levier est aujourd’hui largement démontré, selon un rapport de 1 pour 4 voire 1 pour 5, comme l’indique une note de l’Institut Bruegel ([5]). Sur la base de ces estimations, selon cette note, pour remplir les objectifs de l’Union européenne en matière de climat, les investissements publics devraient être accrus d’au moins 100 milliards d’euros par an, dans une hypothèse où les incitations réglementaires et l’augmentation de la taxation des émissions rendraient les investissements plus rentables pour le secteur privé et conduiraient donc à une hausse des investissements privés.

Dans son rapport spécial daté de septembre 2021 ([6]), la Cour des comptes européenne a également relevé plusieurs raisons pour lesquelles une intervention est requise :

– les marchés ne tiennent pas compte de l’intégralité des coûts sociaux et environnementaux des activités économiques. Les entreprises vont privilégier leurs intérêts financiers, sans prendre en compte les externalités négatives de leurs activités, en particulier d’un point de vue économique et social ;

– certains investissements, notamment en faveur de la transition écologique, s’accompagnent de risques et de coûts de financement plus élevés. De fait, les projets durables ont besoin d’une aide publique pour être financièrement viables, et donc financièrement attractifs ;

– les informations relatives aux activités durables et aux besoins en investissements en faveur de la transition écologique sont aujourd’hui insuffisantes. Dès lors, les entreprises privées ont des difficultés à évaluer les capacités et les savoir-faire nécessaires pour mettre en œuvre des projets de développement durable.

Or, les investissements actuellement prévus pour la prochaine décennie ne sont pas à la hauteur des enjeux. Certes, le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour 2021-2027 accorde la priorité aux dépenses en faveur de l’action pour le climat : 30 % des dépenses du budget de l’Union sur cette période et 37 % du plan de relance NextGenerationEU sont ainsi consacrées à la transition écologique. Ce sont à ce titre 625 milliards d’euros qui sont destinés à l’action pour le climat entre 2021 et 2027. Toutefois, ces financements sont insuffisants pour répondre aux besoins annuels en investissements. Il est donc nécessaire d’encourager également les États membres à dégager des moyens nécessaires à ces investissements, dès à présent et au-delà de 2026.

3. Les règles du Pacte de stabilité et de croissance sont manifestement incompatibles avec le financement des investissements nécessaires à la transition écologique

Les fondamentaux idéologiques sur lesquels repose le cadre budgétaire européen sont critiqués depuis longtemps. Ces règles contraignantes, instituées à la suite du Traité de Maastricht, sont inadaptées au contexte économique et budgétaire dans lequel sont placés les États membres de la zone euro, en particulier depuis la crise financière de 2008.

Les principales règles numériques du Pacte de stabilité et de croissance

Quatre principales règles numériques s’appliquent à l’ensemble des États membres de l’Union européenne, avec des modalités différentes selon que le pays se trouve dans le volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance ou en procédure de déficit excessif :

– le déficit public doit être inférieur à 3 % du PIB ;
– la dette publique brute doit être inférieure à 60 % du PIB. Si le ratio est plus élevé, il doit diminuer chaque année d’au moins un vingtième de l’écart entre le niveau d’endettement et la valeur de référence des 60 % ;
– le solde public structurel doit être supérieur à l’objectif à moyen terme (OMT) défini pour chaque pays, qui ne peut être inférieur à – 0,5 % du PIB pour les pays signataires du TSCG ([7]) (– 1 % si leur ratio de dette est sensiblement inférieur à 60 %). Si le solde structurel est inférieur à l’OMT, il doit en principe augmenter de 0,5 % du PIB par an ;
– pour les États n’ayant pas atteint leur OMT, l’augmentation annuelle des dépenses ne doit pas dépasser le taux de croissance économique potentielle à moyen terme, sauf si ce dépassement est compensé par des mesures discrétionnaires en matière de recettes.

Ce cadre budgétaire a pour objectif essentiel d’assurer la soutenabilité à long terme des dettes publiques des Etats membres. Or, comme le soulignait une note du Conseil d’analyse économique en 2018 ([8]), ces règles budgétaires européennes souffrent de plusieurs faiblesses.

D’abord, en cas de récession grave et durable, les règles actuelles encouragent la contraction budgétaire et la limitation de l’endettement public alors que la situation économique exigerait des mesures de relance répétées. La politique budgétaire a alors un effet pro-cyclique. Par ailleurs, ces règles sont assez peu respectées. Plus des trois quarts des pays de l’Union économique et monétaire ont dépassé le seuil de déficit de 3 % entre 1998 et 2015 et avaient un déficit moyen supérieur à leur OMT ([9]). En outre, en 2018, plus de la moitié des pays membres de la zone euro avaient un ratio de dette publique supérieur à 60 % du PIB. Pour trois d’entre eux, ce ratio dépassait déjà 100 % du PIB ([10]).

La crise sanitaire a amplifié l’inadéquation entre les règles du Pacte de stabilité et de croissance et la situation budgétaire des États membres. Au premier trimestre 2021, le ratio de dette publique par rapport au PIB de la zone euro a dépassé 100 % du PIB. Fin 2021, le ratio de dette publique de la zone euro s’établit à 98,3 % du PIB, après avoir connu une hausse de 13,2 points entre 2019 et 2020 où il s’établissait à 90,7 % ([11]). Sept États membres de la zone euro, dont la France, ont encore un ratio de dette supérieur à 100 % du PIB ([12]). La crise sanitaire a donc laissé des séquelles qui devraient perdurer au moins une décennie sur les finances publiques des États européens.

L’augmentation très importante des dépenses publiques pour limiter les conséquences sociales et économiques de la crise sanitaire sur les ménages et les entreprises a été rendue possible par l’activation, en mars 2020, de la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité et de croissance ([13]). Cette dernière, prévue par les articles 5 et 9 du règlement (CE) n° 1466/97 ([14]), permet de s’écarter temporairement de l’application normale des règles budgétaires en cas de grave récession économique dans l’Union européenne. Aujourd’hui, il est prévu de rétablir les contraintes du Pacte de stabilité et de croissance début 2023.

Le rétablissement de l’application des règles budgétaires européennes, sans réforme préalable du Pacte, présente le risque d’un ajustement brutal pour certains pays parmi les plus endettés. Le rapporteur souligne à quel point il est nécessaire de ne pas réitérer les erreurs commises après la crise des dettes souveraines. Les mesures d’austérité mises en place très rapidement après le début de la reprise économique ont stoppé la croissance et conduit à une réduction délétère de l’investissement public ([15]). Le Comité budgétaire européen constatait ainsi en 2020 ([16]) qu’après la crise financière, l’investissement public brut a diminué dans la plupart des pays européens. De plus, l’essentiel de cet investissement public était consacré à des investissements de remplacement, c’est-à-dire des investissements finançant le renouvellement d’actifs amortis, sans ajout de valeur.

Or, l’investissement public améliore les perspectives de croissance à long terme et a un effet multiplicateur sur la demande plus élevé que les autres catégories de dépenses publiques. Ainsi, dans une situation aujourd’hui caractérisée à la fois par un endettement public élevé et un besoin d’investissements importants dans la transition écologique, il est crucial que les règles budgétaires européennes ne conduisent pas à sacrifier les dépenses d’investissement, mais au contraire les favorisent.

Il existe aujourd’hui dans le Pacte de stabilité et de croissance des flexibilités destinées à favoriser l’investissement. Elles sont néanmoins en pratique insuffisantes face aux besoins actuels. Ces flexibilités résultent en effet d’une communication interprétative de la Commission européenne en date de 2015 ([17]) relative à l’article 5 du règlement (CE) 1466/97 ([18]). Ainsi, la Commission a considéré que « certains investissements jugés équivalents à des réformes structurelles majeures [pouvaient] justifier un écart temporaire à l’OMT de l’État membre concerné ou de la trajectoire d’ajustement qui doit y conduire ». L’État membre doit néanmoins remplir cinq conditions restrictives :

– la croissance doit être négative ou le PIB rester largement inférieur à son potentiel (écart de production négatif de plus de 1,5 % du PIB) ;
– l’écart par rapport à l’objectif de moyen terme ou par rapport à la trajectoire d’ajustement budgétaire convenue pour y conduire ne doit pas donner lieu à un dépassement de la valeur de référence de 3 % du PIB pour le déficit ;
– l’écart doit être lié aux dépenses nationales consacrées à des projets cofinancés par l’Union et qui ont des effets budgétaires directs, positifs et vérifiables à long terme ;
– les dépenses cofinancées ne doivent pas remplacer les investissements financés au niveau national, pour que le total des investissements publics ne diminue pas ;
– l’État membre doit corriger tout écart temporaire et l’objectif de moyen terme doit être atteint durant la période de quatre ans couverte par son programme de stabilité.

Dans les faits, cette clause d’investissement a été très peu utilisée et la Commission elle-même a reconnu qu’elle n’avait pas eu d’incidence positive significative sur l’investissement public. Dès lors, il nous semble nécessaire d’aller plus loin dans l’évolution du cadre budgétaire européen en modifiant les règles de manière à encourager les États à réaliser les investissements indispensables au financement de la transition écologique.

B. une Proposition pragmatique pour favoriser un consensus sur la nécessité d’une réforme des règles du pacte de stabilité et de croissance

1. Des réformes ambitieuses sont aujourd’hui proposées

Les règles du Pacte de stabilité et de croissance sont critiquées de longue date. Elles sont génératrices d’austérité budgétaire. Elles se réfèrent à des critères numériques dont la pertinence économique et scientifique peut être discutée, et se concentrent sur la soutenabilité comptable de la dette publique. Elles ne sont pas performantes économiquement car elles ont un effet pro-cyclique qui tend à prolonger les situations de récession ([19]) et elles entravent les investissements nécessaires pour répondre aux défis sociaux et environnementaux à venir.

Ces critiques ne datent pas de la crise sanitaire. Des propositions de réformes ont émergé avant l’apparition de celle-ci. Ainsi, en septembre 2018, les économistes du Conseil d’analyse économique affirmaient que « l’évolution des règles budgétaires devrait figurer en tête de liste » des pistes envisagées pour une réforme de la zone euro ([20]). Les auteurs de la note proposaient alors d’adopter une nouvelle règle budgétaire ciblant la croissance des dépenses publiques en valeur, pour mettre en œuvre une trajectoire de réduction du ratio de dette sur PIB. La même année, le Comité budgétaire européen proposait également une réforme basée sur l’évolution des dépenses publiques plutôt que sur le niveau du déficit structurel ([21]).

Toutefois, depuis l’activation de la clause dérogatoire générale aux règles du Pacte de stabilité et de croissance, les propositions de réforme, souvent très ambitieuses, se multiplient. La suspension actuelle du cadre budgétaire européen offre en effet une réelle occasion de faire évoluer la gouvernance de la zone euro.

Ainsi, dans une note d’avril 2021, le Conseil d’analyse économique propose une refonte du cadre budgétaire européen qui écarterait l’application des critères numériques antérieurs (ratios de dette publique et de déficit rapportés au PIB) pour ériger comme « clef de voûte » la soutenabilité de la dette. Les économistes du CAE proposent ainsi de « fixer une cible de dette spécifique à chaque État membre » sur la base d’une évaluation du risque d’insoutenabilité. Une fois cette cible de dette fixée, une norme d’évolution des dépenses publiques pourrait être appliquée à chaque État. Celle-ci servirait de base à la programmation des finances publiques au niveau national ([22]).

Dans le même esprit, le Comité budgétaire européen proposait, dans son rapport annuel de 2020, une simplification des règles du Pacte de stabilité et de croissance, ainsi qu’une protection des dépenses publiques génératrices de croissance. Pour ce faire, il proposait notamment de différencier les objectifs de réduction de la dette publique en fonction de la situation de chaque État ([23]).

Si ces différentes propositions de réforme offrent des pistes de réflexion autour du cadre budgétaire européen, le rapporteur déplore que ces dernières restent concentrées sur la question de la soutenabilité de la dette publique. En effet, l’urgence avec laquelle s’imposent à nous les enjeux sociaux et environnementaux commande de ne plus considérer comme une priorité la recherche de l’équilibre budgétaire. C’est pourquoi il faut promouvoir un principe de soutenabilité économique et environnementale.

Une véritable réforme globale et structurelle du cadre budgétaire européen est impérieuse. Celle-ci impliquerait, au-delà d’une modification des critères du Pacte de stabilité et de croissance, une révision du statut de la BCE et la remise en cause de son indépendance, l’annulation conditionnelle de la dette publique, le renforcement des dispositifs de mutualisation de la dette, la reconnaissance de plein droit des aides d’État dans le domaine de la transition écologique. Le rapporteur est cependant conscient que la négociation de ces dispositifs au niveau européen serait complexe et prendrait du temps. C’est pourquoi, dans une perspective consensuelle et face à l’urgence climatique, il a souhaité déposer la présente proposition de résolution, qui doit permettre d’engager immédiatement les investissements nécessaires à la transition écologique.

2. La présente proposition présente une évolution pragmatique des règles budgétaires européennes pour favoriser le financement de la transition écologique

La présente proposition vise à faire évoluer le Pacte de stabilité et de croissance. En particulier, il s’agit d’exclure du calcul du déficit public les investissements « verts », c’est-à-dire ceux réalisés en faveur du financement de la transition écologique. Ces derniers concerneraient le domaine des transports, la rénovation énergétique des bâtiments publics et privés, l’agriculture, la formation et la recherche publique, l’adaptation au changement climatique et la protection de la biodiversité.

L’introduction d’une règle d’or relative aux investissements dans le Pacte de stabilité et de croissance n’est pas une proposition iconoclaste. Elle est en effet déclinée sous plusieurs modalités par de nombreux experts et acteurs institutionnels. En octobre 2021, le Comité économique et social européen a appelé à l’application d’une règle d’or pour les investissements publics en général ([24]). L’Institut Bruegel proposait quant à lui une « règle d’or verte » qui impliquerait d’exclure les investissements verts nets des indicateurs permettant de vérifier le respect des règles budgétaires européennes ([25]).

Cette proposition de résolution européenne s’inspire directement du programme d’action climat présenté par l’économiste Alain Grandjean et la physicienne Farah Hariri ([26]).

Le rapporteur est conscient des difficultés que peut générer l’introduction d’une règle d’or relative aux investissements verts. Ainsi, l’existence d’une telle règle implique de redéfinir la notion d’investissement. Par ailleurs, il faudra veiller à ce que cette réforme n’induise pas un effet de distorsion des dépenses publiques, en faveur des investissements, au détriment d’autres dépenses pourtant bénéfiques à long terme.

Le rapporteur estime que malgré ces difficultés, l’introduction d’une telle règle d’or est possible. Certes, un effort de définition des investissements verts sera nécessaire. Mais cet effort sera bénéfique car il favorisera l’émergence d’un débat sur les grandes orientations de notre transition écologique. Définir les investissements « verts » obligera les décideurs politiques à faire des choix en matière d’énergie, d’agriculture, de mobilités et de recherche.

D’un point de vue technique, la Commission européenne a déjà démontré sa capacité d’interprétation, par la voie des lignes directrices, pour encadrer et orienter l’action des États membres. Dans le cadre du plan de relance européen, un tel effort méthodologique a déjà été réalisé, pour définir les dépenses en faveur du climat introduites dans les plans nationaux pour la reprise et la résilience.

Dans le cadre de cette proposition de résolution, le rapporteur suggère d’exclure du calcul du déficit les investissements « verts » suivants :

– les investissements dans les infrastructures de transport ;
– les investissements dans la rénovation énergétique du parc immobilier public et privé ;
– les investissements dans l’accompagnement de la transition agro-écologique ;
– les investissements dans la formation et la recherche dans les métiers et technologies d’avenir ;
– les investissements dans l’adaptation au changement climatique et pour la protection de la biodiversité.

II. La présente résolution a été discutée par la commission des affaires européennes

Notre collègue André Chassaigne a rapporté la présente résolution devant la commission des affaires européennes au cours de la réunion du mercredi 24 novembre 2021. À l’issue de la discussion en commission, la proposition de résolution a été rejetée, et c’est donc dans sa rédaction initiale que la commission des finances en est saisie.

Les limites soulignées pendant l’examen devant la commission des affaires européennes ne sont pas insurmontables

Au regard des échanges qui ont eu lieu devant la commission des affaires européennes, le rapporteur tient à apporter des précisions sur la présente proposition de résolution.

En premier lieu, le rapporteur insiste sur l’urgence avec laquelle la lutte contre le réchauffement climatique s’impose à nos sociétés, et en premier lieu aux décideurs publics, qui sont en capacité d’agir. Pourtant, à l’image de la COP 26 qui s’est terminée à Glasgow le 13 novembre dernier, nos actions manquent d’ambition et ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le dernier rapport du GIEC prévoit une accélération du réchauffement climatique de même qu’une augmentation des températures tendancielles. Aussi, contrairement à ce qui a pu être affirmé devant la commission des affaires européennes, il paraît difficile d’affirmer que les actions déjà engagées en faveur de la transition écologique ont eu un effet significatif sur le climat ; leur insuffisance est aujourd’hui largement démontrée.

C’est la raison pour laquelle le rapporteur soutient l’adoption de la présente proposition de résolution. Il faut agir vite. Il n’est pas contesté que le processus européen prend du temps et qu’il sera difficile d’obtenir l’accord de nos pays partenaires. Toutefois, le rapporteur tient à insister sur la fenêtre d’opportunité qui est aujourd’hui ouverte à la France pour peser sur les décisions relatives au cadre budgétaire. La Commission européenne a lancé une consultation publique à ce sujet le 19 octobre 2021. La France s’apprête à prendre en charge la présidence du Conseil de l’Union européenne. Plusieurs acteurs économiques et institutionnels se sont déclarés favorables à une règle d’or sur les investissements verts. Adopter une telle résolution européenne serait l’occasion pour l’Assemblée nationale d’établir une position française en faveur de cette option et d’apporter son soutien au Gouvernement dans les négociations à venir.

En commission des affaires européennes, certains échanges ont pu conduire à relever le manque d’ambition de cette proposition de résolution. Une règle d’or sur les investissements verts ne constituerait qu’une réforme à la marge du cadre budgétaire européen, là où une transformation profonde serait nécessaire. Le rapporteur ne peut que partager un tel constat, mais souligne également le risque d’un idéalisme qui conduirait à l’immobilisme ou au fatalisme. Réformer dans son intégralité le Pacte de stabilité et de croissance implique de modifier les traités européens. Or, il semble difficile, dans le contexte actuel, de dégager un consensus suffisant entre les États membres pour parvenir à l’unanimité nécessaire à cette modification.

L’introduction d’une règle d’or verte n’impose pas une révision du droit primaire de l’Union européenne. Une modification de la législation secondaire voire une simple communication interprétative de la Commission européenne pourraient suffire. Au regard des auditions menées par le rapporteur, la présente proposition constitue une option potentiellement consensuelle. Ainsi, loin de porter des ambitions dérisoires, l’introduction d’une règle d’or sur les investissements en faveur de la transition écologique est la solution aujourd’hui la plus pragmatique.

Enfin, le rapporteur tient à signaler la contradiction qui existe aujourd’hui entre une volonté irréaliste de réduire les dettes publiques et d’assainir les finances publiques et l’impérieuse nécessité d’investir massivement dans la transition écologique. En effet, bien que les ratios d’endettement public dans la zone euro aient atteint des niveaux sans précédent, les dettes publiques sont aujourd’hui soutenables, bien plus qu’elles ne l’étaient au début des années 2000, en particulier en raison de la faiblesse des taux d’intérêt. La priorité doit aujourd’hui être accordée à la lutte contre le changement climatique, dont les conséquences et les effets sont chaque jour un peu plus alarmants. Vouloir mener en parallèle la transition écologique et l’assainissement budgétaire des États membres, c’est se condamner à échouer dans les deux domaines. Il semble beaucoup plus pertinent de profiter du contexte de relance économique pour engager les investissements massifs les plus indispensables à la transition écologique, qui devront être réalisés d’une manière ou d’une autre, plutôt que de mettre en œuvre des politiques de rigueur budgétaire qui affecteront le processus de relance et qui retarderont, à nouveau, le changement d’échelle dont a besoin la lutte contre le réchauffement climatique.

Le rapporteur tient par ailleurs à souligner que les investissements massifs qu’exige la transition écologique ne doivent pas détourner les États des autres politiques publiques. Les marges de manœuvre budgétaires ouvertes par la modification des règles proposées doivent au contraire favoriser des investissements publics dans d’autres secteurs. En particulier, les secteurs de la santé et de l’éducation ont besoin, aujourd’hui et à l’avenir, d’investissements très importants, mais aussi de dépenses de fonctionnement destinées à renforcer la qualité de ces services publics. Investir pour notre avenir n’implique pas seulement d’assurer un environnement viable pour les générations futures mais aussi de garantir à ces générations un capital humain suffisant pour poursuivre les efforts qui sont mis en œuvre aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle, afin de prendre en compte les échanges qui ont eu lieu en commission des affaires européennes, le rapporteur a déposé un amendement à la présente proposition de résolution européenne. La Commission européenne serait ainsi invitée à se saisir de toutes les flexibilités offertes par les règles actuelles du Pacte de stabilité et de croissance, comme elle a notamment pu le faire en 2015, pour que le cadre budgétaire européen n’entrave pas les dépenses en faveur des politiques publiques qui ne seraient pas directement liées à la transition écologique.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 30 novembre 2021, la commission examine la proposition de résolution européenne relative au financement de la transition écologique.

Mme Zivka Park, présidente. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a inscrit à l’ordre du jour de la journée de séance qui lui est réservée, ce jeudi 2 décembre, une proposition de résolution européenne relative au financement de la transition écologique.

Cette proposition de résolution a été examinée mercredi dernier, 24 novembre, par la commission des affaires européennes, qui l’a rejetée ; nous sommes donc saisis de sa rédaction initiale.

M. Hubert Wulfranc, rapporteur. Ainsi, j’ai le plaisir de présenter aux membres de la commission des finances la proposition de résolution européenne relative au financement de la transition écologique que le groupe GDR a souhaité inscrire à l’ordre du jour de sa niche parlementaire. Cette question nous semble en effet devoir être discutée dans le cadre du débat public européen, au moment où s’ouvre une fenêtre d’opportunité, notamment avec la présidence française de l’Union européenne.

Au cours des auditions que nous avons menées avec mon collègue André Chassaigne, nous sommes parvenus à un certain nombre de constats.

D’abord, le contexte. La crise sanitaire a rebattu les cartes du débat européen, et l’Union européenne se trouve à un moment charnière de son histoire. En effet, en mars 2020, pour permettre aux États de faire face à la crise, la Commission européenne a suspendu l’application des règles du pacte de stabilité et de croissance. Aujourd’hui, le constat est simple : dépassées depuis la crise économique et financière, ces règles sont devenues obsolètes, en raison non seulement de la crise sanitaire mais aussi du défi écologique. De fait, comment peut-on ne serait-ce qu’envisager de rétablir les critères de Maastricht, à savoir un déficit public annuel inférieur à 3 % du PIB et une dette publique limitée à 60 % du PIB ? Un tel objectif nous paraît irréaliste, et son coût économique et social serait terrible.

Je veux insister sur les défis qui nous attendent. La crise sanitaire et ses conséquences sont loin d’être derrière nous ; or l’action de l’État reste centrale en la matière. Surtout, la menace que représente le réchauffement climatique se fait de plus en plus pressante. J’ai relevé que, lors des débats en commission des affaires européennes, la légitimité de la proposition de résolution avait été discutée, au motif que les actions engagées tant au niveau national qu’au niveau européen étaient susceptibles de contenir la trajectoire du réchauffement climatique. Tout en reconnaissant les efforts consentis, nous nous en tenons, quant à nous, aux évaluations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) : la trajectoire actuellement suivie en Europe ne permettra pas d’atteindre les objectifs fixés en matière de neutralité carbone.

D’ailleurs, la COP26 n’a pu que constater l’ambition plus que limitée de la communauté internationale en la matière. Elle a également renvoyé les pays développés à leurs responsabilités : non seulement ils ne respectent pas leurs engagements vis-à-vis des pays les moins développés, mais ils ne jouent pas suffisamment un rôle moteur pour entraîner, à l’échelle internationale, l’ensemble des acteurs sur la voie de la transition écologique.

La question du changement climatique est donc toujours aussi prégnante, et les réponses ne sont pas à la hauteur, notamment en matière de financement.

De fait, la transition écologique exige des investissements massifs, privés et publics. S’il est encore difficile d’en évaluer précisément l’ampleur, la Cour des comptes européenne estime que, pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, leur montant devrait être, à l’échelle de l’Union européenne, de l’ordre de 1 000 milliards d’euros supplémentaires par an au cours de la période 2021-2050, soit, pour ce qui concerne la France, un montant d’investissements d’au moins 100 milliards supplémentaires chaque année. Les quelques 30 milliards du plan de relance français et les 625 milliards du volet écologique du plan européen pour la période 2021-2027 sont donc largement insuffisants.

Vous me répondrez que le secteur privé investit également dans la lutte contre le changement climatique et qu’il peut même jouer un rôle moteur en la matière. Certes, et c’est heureux, mais l’investissement public n’en demeure pas moins absolument crucial et urgent. D’abord, parce que les investissements publics produisent un effet levier sur les investissements privés, de l’ordre de un pour quatre, voire un pour cinq – sans être un expert, il me reste, c’est ma tendance sociale-démocrate, quelques références keynésiennes, notamment l’effet multiplicateur de la dépense publique… Ensuite, parce que, selon la Cour des comptes européenne, le marché ne peut pas assumer les risques et les coûts élevés liés à certains investissements, d’autant que le secteur privé ne tient pas compte de l’intégralité des coûts sociaux et environnementaux induits par la mutation des activités économiques, coûts qui devront être pris en considération par le secteur public – je pense, par exemple, à la filière automobile. Au demeurant, le privé ne se risque pas toujours à investir dans la recherche et le développement lorsque le secteur considéré ne lui garantit pas une rentabilité immédiate des capitaux investis.

La conclusion de nos travaux est donc évidente, et elle semble de plus en plus partagée : il existe une incompatibilité fondamentale entre les besoins en investissements publics immédiats et de grande ampleur que nous impose la transition écologique et les règles budgétaires européennes, qui apparaissent dépassées. Selon certains, les deux objectifs, c’est-à-dire la réduction de la dette et les investissements nécessaires à la transition écologique, pourraient être visés conjointement, mais il faudrait pour cela recourir à l’impôt, ce qui présente certains aléas.

Notre groupe propose donc d’instaurer une règle d’or concernant les investissements verts. Il s’agirait d’exclure du calcul du déficit public tous les investissements réalisés en faveur de la transition écologique, notamment – la liste n’est pas exhaustive – dans les infrastructures de transport, la rénovation énergétique du parc immobilier, l’accompagnement de la transition agro-écologique, la formation et la recherche dans les métiers et technologies d’avenir, et la protection de la biodiversité.

D’aucuns pourraient nous dire que cette proposition – que j’ai qualifiée tout à l’heure de sociale-démocrate – manque d’ambition. Nous en sommes conscients. Mais elle est pragmatique, car ce que nous proposons est réalisable rapidement. En effet, l’instauration d’une telle règle d’or est dans l’air du temps. Une réflexion, d’ailleurs impulsée par la France, est en cours au niveau européen. Beaucoup d’économistes s’y sont déclarés favorables et, au niveau des différents exécutifs nationaux, que ce soit en Allemagne ou en Finlande, les choses bougent également. Surtout, cette proposition n’implique pas la révision des traités européens : une modification de la législation secondaire de l’Union européenne, voire une simple communication interprétative de la Commission européenne, pourraient suffire.

Bref : les critères de Maastricht sont remis en question. L’adoption de cette proposition de résolution européenne permettrait, au moment où la Commission elle-même a lancé une consultation publique sur la réforme du pacte de stabilité et de croissance, d’affirmer une position française et de provoquer un débat sain en vue de lutter contre un immobilisme regrettable, compte tenu des défis que nous devons relever.

M. Damien Pichereau (LaREM). La lutte contre le changement climatique doit être une priorité. Cependant, nous ne sommes d’accord ni avec vos constats ni avec vos propositions.

Vous dites que la mise en œuvre des critères de convergence budgétaire européens contribue depuis quarante ans à l’affaiblissement de l’État social, à la détérioration des services publics et à la dégradation des conditions de vie dans de nombreux pays européens. Nous ne pouvons souscrire à cette vision de l’Europe. Les critères de convergence ont justement été fixés dans le but de rapprocher les économies des États membres, ce qui constitue l’essence même de la construction de l’Union. Néanmoins, je vous donne raison sur un point : il faut réviser les cadres budgétaires européens – le ministre de l’économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire, l’a d’ailleurs évoqué.

Vous dites aussi qu’il n’est plus possible de donner la priorité à la réduction de la dette et à l’équilibre budgétaire plutôt qu’aux objectifs sociaux, économiques et environnementaux. Or l’Europe, et a fortiori la France, mène de front les combats consistant à rembourser la dette, opérer la transition écologique et assurer la justice sociale. Notre commission a ainsi voté 130 milliards d’euros d’investissements pour les programmes France relance et France 2030, afin de parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050.

Vous dites qu’à ce jour les investissements nécessaires à la réussite de la transition écologique sont insuffisants et que, en ce qui concerne l’objectif consistant à limiter le changement climatique, nous sommes en échec. Or, depuis trente ans, l’Union européenne a réduit de 31 % ses émissions de gaz à effet de serre, et elle vise la neutralité carbone en 2050, notamment grâce au paquet Fit for 55 – car nous devons aller plus vite, en effet.

Tout cela vous prouve, monsieur le rapporteur, que la prise en compte de la cause environnementale suppose non pas de s’affranchir des règles budgétaires mais de les transformer. C’est la raison pour laquelle le groupe La République en marche s’opposera à l’adoption de cette proposition de résolution européenne ainsi qu’à l’amendement que vous avez déposé.

Mme Véronique Louwagie (LR). Monsieur le rapporteur, vous proposez de modifier en profondeur le cadre commun de la politique économique et budgétaire de l’Union européenne, au motif qu’il faut relever les défis qui nous attendent, notamment dans les domaines social et écologique. Vous dénoncez les politiques d’austérité, qui sont pour vous synonymes d’inaction climatique, de recul des services publics, de détérioration de notre modèle social et de recrudescence des inégalités. Vous demandez la révision de tous les critères européens.

Mon groupe l’a souvent indiqué, notamment au cours de l’examen des textes budgétaires : notre priorité est de libérer la France du surendettement. Pour que notre pays soit reconnu, il doit être en mesure d’honorer ses engagements. C’est un enjeu de souveraineté. Emmanuel Macron a laissé filer les dépenses ordinaires – 100 milliards d’euros supplémentaires en trois ans –, et aucune réforme structurelle n’a été entreprise. Il faut agir sur ces deux points.

Nous devrions pouvoir nous rassembler autour de la règle suivante : il ne faut pas faire reposer sur les générations futures le coût de nos dépenses sociales. C’est pourquoi il importe d’engager des réformes structurelles. Nous ne sommes donc pas favorables à une modification des critères de Maastricht destinée à dépenser plus. Nous sommes favorables, en revanche, à une réorientation de la politique globale de la France. Cela permettrait de nourrir les investissements dans la transition écologique, laquelle représente effectivement un défi.

Pour ces raisons, le groupe Les Républicains ne votera pas en faveur de ce texte.

M. Christophe Jerretie (Dem). Votre exposé, monsieur le rapporteur, diffère un peu, sur le fond comme sur la forme, de celui d’André Chassaigne, qui a défendu le texte devant la commission des affaires européennes. Quoi qu’il en soit, notre position sera la même : nous ne voterons pas cette proposition de résolution.

L’un de vos considérants est ainsi rédigé : « Considérant que les politiques d’austérité conduites depuis une décennie suite au choc financier de 2008 et à la crise des dettes souveraines ont prolongé la dépression économique et pénalisé l’investissement public et privé ». Cette analyse me semble très éloignée de la réalité : sans l’Union économique et monétaire, nous ne serions peut-être pas encore sortis de la crise en question. Ce considérant ne saurait donc servir de base de travail pour élaborer un nouveau pacte de stabilité et de croissance.

Vous proposez une solution intermédiaire consistant à déduire de la dette les dépenses liées à la transition écologique. Sur le plan technique, cette solution n’est pas la bonne. Nous sommes tous d’accord pour dire que les critères retenus pour le cadre financier posent problème, notamment celui du niveau de déficit mesuré au regard du PIB, que nous ne serons pas en mesure de respecter. Mais la fixation, pour chaque pays, d’un pourcentage de déficit en fonction de sa croissance potentielle me semble constituer une meilleure solution. Vous avez raison sur un point, en revanche : la dépense publique a un effet levier sur la dépense privée – mais tel n’est pas l’objet de votre proposition de résolution.

Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à ce texte.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Cette proposition de résolution européenne ne devrait même pas exister, non parce qu’elle serait mauvaise, mais parce que ce qui y est écrit devrait tomber sous le sens.

Vous proposez de sortir du calcul du déficit les dépenses d’investissement dans les transports, la rénovation énergétique du parc immobilier, l’agro-écologie, la biodiversité, la formation et la recherche. De fait, lorsque l’on dépense un euro mais que l’on récupère davantage par la suite, c’est une aberration de considérer qu’il s’agit d’une dépense : c’est un investissement, une avance pour l’avenir, qui permettra, en outre, de financer, demain, d’autres dépenses, qui rapportent moins qu’elles ne coûtent mais qui n’en sont pas moins nécessaires.

Pas un seul économiste ne recommande une dette à 0 % du PIB. D’ailleurs, il n’existe pas non plus un seul pays ayant une dette à ce niveau, et ce n’est pas un hasard : un pays qui n’investit pas se prépare au déphasage. Le lien entre les investissements et la croissance a été clairement établi. La croissance permet ensuite mécaniquement de minorer l’endettement. La majorité le sait, et fait exactement ce pari ; or considérer l’investissement de la même manière que les autres dépenses, c’est mettre cette démarche en péril. Ce choix n’est pas anodin : les Économistes atterrés ont montré que, depuis 1978, le solde budgétaire hors dépenses d’investissement public a été positif en permanence, à l’exception des récessions de 1992, de 2008 et de 2020. Plus encore, le déficit a toujours été en dessous de 3 % du PIB, sauf en 2020.

Plus personne ne doute qu’il soit inévitable à l’avenir de mettre en œuvre la proposition formulée dans le texte – mais, visiblement, l’avenir n’est pas encore pour aujourd’hui… Pourtant, imaginez où en serait l’Europe si une telle capacité d’investissement avait été libérée plus tôt, pour nous et pour nos partenaires.

Enfin, il convient de rappeler qu’une proposition de résolution n’a pas d’effet législatif concret. Celle-ci, en particulier, ne fait qu’inviter le Gouvernement à discuter avec nos partenaires européens, en particulier la nouvelle coalition allemande « feu tricolore », qui s’est déclarée prête à engager les nécessaires discussions sur ce point. Dans ces conditions, il serait regrettable de rejeter ce texte.

Mme Lise Magnier (Agir ens). Cette proposition de résolution européenne permet d’aborder deux questions centrales : la nécessité d’investir massivement dans la transition écologique, d’une part, et la volonté de faire évoluer les règles budgétaires européennes, d’autre part. Il est ainsi proposé d’exclure les investissements réalisés en faveur de la transition écologique des dépenses comptabilisées dans l’évaluation du respect par les États membres des critères du pacte de stabilité et de croissance. Nous ne pensons pas que cette solution soit à même de répondre aux deux grands défis auxquels nous sommes confrontés.

Pour ce qui est de la transition écologique, il faut rappeler les engagements déjà pris par l’Union européenne – je pense notamment au Pacte vert pour l’Europe et au paquet climat, qui fixent un objectif extrêmement ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Un tiers des 1 800 milliards d’euros du plan de relance européen et du budget septennal de l’Union européenne y seront consacrés. On ne peut donc pas dire que la politique européenne en la matière manque d’ambition.

Les règles budgétaires européennes, suspendues depuis le début de la crise, doivent quant à elles évoluer. S’il nous paraît évident qu’il sera impossible de revenir aux règles de Maastricht telles qu’elles existaient avant la crise, il ne nous semble pas opportun d’opter pour la solution que vous préconisez. Quel que soit l’usage de la dépense, celle-ci doit être financée par des recettes fiscales ou de l’endettement. Dès lors, exclure certaines dépenses du cadre budgétaire constituerait un outil déresponsabilisant, qui conduirait à une vision tronquée de l’état des finances publiques et pourrait, à terme, mettre en danger la soutenabilité de l’endettement public. Si nous pouvons convenir avec vous que toutes les dépenses liées à la transition écologique sont un investissement pour l’avenir, il nous semble nécessaire de garder une vision globale de la gestion des États de l’Union européenne. Dès lors, le groupe Agir ensemble votera contre cette proposition de résolution.

M. Michel Castellani (LT). Nous partageons certains constats du groupe GDR, en particulier s’agissant de l’obsolescence des critères budgétaires européens et de l’insuffisance des investissements verts, même si nous considérons que sa vision de l’Europe est quelque peu pessimiste.

La proposition de résolution a le mérite de poser une question qui doit être tranchée : qu’adviendra-t-il des critères de Maastricht à la sortie de la crise ? Personne ne saurait prétendre que ces critères, fixés dans les années 1990, sont encore d’actualité, alors que la dette explose un peu partout. Notre groupe est donc favorable à un débat sur la règle fixant à 60 % du PIB le niveau maximal de l’endettement public. Faut-il maintenir ce plafond, le supprimer ou bien le relever ? Si nous n’ignorons pas les vertus des politiques de relance, nous n’oublions pas non plus que ce sont les générations suivantes qui paieront les conséquences de ce qui n’aura pas été fait pour préparer l’avenir.

L’autre débat concerne les dépenses dites vertes. Au niveau européen, les appels se multiplient pour différencier la bonne dépense publique, c’est-à-dire les investissements dans l’avenir, de la mauvaise dépense. Ainsi, la proposition de résolution européenne appelle à faire sortir les dépenses vertes du calcul du déficit. Si l’intention nous paraît louable, le dispositif est discutable. D’une part, on peut penser que ce n’est pas la règle des 3 % de déficit qui freine les investissements pour le climat, mais plutôt un manque de volonté politique. D’autre part, ce mécanisme conduit à ouvrir une boîte de Pandore : qu’adviendrait-il si chaque État demandait la déduction d’autres catégories de dépenses – santé, éducation, ou défense ?

Une réforme globale apparaît donc utile. À cet égard, la présidence française de l’Union européenne constitue une chance à saisir.

M. Jean-Paul Dufrègne (GDR). Les députés communistes soutiendront cette proposition de résolution défendue avec conviction par nos collègues André Chassaigne et surtout Hubert Wulfranc.

L’urgence écologique nous oblige à une action rapide et d’envergure. Cette proposition de résolution y participe. Le dernier rapport du GIEC nous alerte quant à la nécessité d’agir vite, alors que les premiers effets irrémédiables du réchauffement climatique apparaissent déjà. L’ambition du texte peut sembler limitée. De fait, il ne remet pas en cause les traités européens, que nous dénonçons pourtant régulièrement – qu’il s’agisse des critères budgétaires, du statut de la Banque centrale européenne (BCE) ou encore de la concurrence outrancière. Cette proposition de résolution a cependant le mérite de chercher un consensus et de permettre d’agir vite, en évitant des négociations longues qui s’avéreraient coûteuses pour l’environnement. Elle permet également une action d’envergure pour enclencher enfin la transition écologique – car, depuis de nombreuses années, les carcans budgétaires européens n’ont pas permis de déployer les investissements nécessaires. D’ailleurs, le seul moment où un léger effort budgétaire a été consenti, c’est à l’occasion du plan de relance, alors que les critères étaient levés.

L’exclusion des investissements écologiques, tels que nous les avons définis, permettra de déployer des moyens et des dispositifs de manière durable, en appréhendant le temps long, grâce à une réelle planification. La soutenabilité écologique doit primer. La soutenabilité budgétaire, même si elle est très secondaire à nos yeux, n’est pas pour autant affaiblie par la proposition de résolution. Les taux d’intérêt restent extrêmement faibles. L’action de la BCE depuis sept ans ainsi que la forte demande de titres de dette française ont annihilé tout risque d’insoutenabilité de notre dette. Il faut donc en profiter, agir vite et fort pour la transition écologique.

À la veille de la présidence française de l’Union européenne, l’adoption de ce texte serait un message fort pour nos partenaires lors de la nécessaire renégociation des règles budgétaires. Si l’on n’allège pas les règles budgétaires, la transition écologique n’aura jamais lieu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le groupe GDR souhaite assouplir le pacte de stabilité. Cela aurait du sens si la France était exemplaire en matière de déficits publics et de dette. Or, nous faisons face à un mur de dette colossal… Ce n’est jamais le mauvais élève de la classe qui doit demander que les règles changent : par définition, il est moins crédible que le bon élève !

Je suis intimement convaincue que seules des réformes structurelles seront à même de conforter le modèle social que nous voulons conserver tout en nous permettant de retrouver l’équilibre financier. Il vaut donc mieux travailler au redressement des finances publiques. Car ce que nous transmettrons aux générations futures, ce sont non seulement des dettes, mais aussi la somme de nos renoncements et de nos égarements.

Je propose que la présidence française de l’Union européenne, qui commencera le 1er janvier 2022, se mette sérieusement à la tâche, avec l’ensemble des États membres, pour trouver un équilibre entre les mesures environnementales à mettre en œuvre, adaptables à chaque pays, et les moyens à y consacrer.

M. Alexandre Holroyd. Vous sous-entendez, monsieur le rapporteur, qu’il existe une corrélation entre l’endettement d’un pays et sa capacité à financer la transition écologique. Or, en tant qu’élu des Français d’Europe du Nord, j’observe que les cinq pays dans le monde qui financent le mieux leur transition écologique, à savoir la Suède, le Danemark, la Norvège, la Suisse et l’Autriche, sont également des pays ayant un endettement beaucoup moins important que le nôtre. Pourquoi selon vous y arrivent-ils sans déroger au pacte de stabilité ?

M. Hubert Wulfranc, rapporteur. J’aurais aimé entendre nos collègues de La République en marche, qui ont tenu des propos très durs, se montrer aussi sévères sur d’autres sujets, comme l’austérité. La simple honnêteté intellectuelle empêche d’affirmer qu’on est sur une trajectoire de réussite en matière de changement climatique lorsqu’on n’atteint pas ses objectifs ou qu’on les reporte – situation qui soulève la question de l’effort supplémentaire qu’il conviendrait d’accomplir, notamment en matière d’investissements.

Pour répondre à nos collègues du Modem sur les politiques d’austérité et de maîtrise des dépenses publiques, je voudrais souligner que celles-ci ont eu pour conséquence, après la crise financière de 2008, de réduire les investissements publics. C’est factuel, et cela a eu un effet procyclique sur la récession, empêchant une reprise consolidée.

Je suis conscient de nos divergences avec nos collègues LR sur la façon d’engager un pays sur la voie du désendettement. J’entends bien les réformes structurelles et les modifications en profondeur qu’ils évoquent, mais l’objet de notre proposition de résolution est, de façon limitée, de tirer parti des potentialités de négociation qui existent dans le cadre des règles de Maastricht. Cela pourrait prendre la forme de modifications secondaires, voire d’adaptations flexibles, que la Commission pourrait parfaitement inscrire à son ordre du jour.

J’entends mes collègues libéraux dire qu’il faut libérer la France et faire de son désendettement une priorité, seule ou en articulation avec d’autres, par exemple dans le domaine social ou environnemental. Néanmoins, la question du surendettement, telle qu’elle est posée, nous apparaît infondée : la France est un pays sûr et attractif, qui possède des actifs solides. Même si notre dette s’élève à environ 2 700 milliards d’euros, soit plus de deux fois le niveau de 2007, la charge de la dette n’a jamais été aussi faible depuis quarante ans. Cela soulève la question du niveau des intérêts et des opportunités pour emprunter et investir : nous aurons quelques contre-feux à opposer à vos arguments si nous parvenons à faire inscrire cette proposition de résolution à l’ordre du jour de la séance.

Une telle proposition revient-elle à ouvrir la boîte de Pandore et à déresponsabiliser l’État dans la gestion des dépenses publiques ? Il est vrai que nous devons traiter ce sujet de façon globale, en prenant en considération l’ensemble des priorités, même si elles ne relèvent pas de l’écologie, comme la santé – qui représente des enjeux financiers considérables – ou l’éducation et la formation. Tel est l’objet de l’amendement que nous présenterons.

Enfin, Alexandre Holroyd m’a demandé pourquoi les pays du Nord, qui conduisent une politique de transition écologique parmi les plus performantes, sont aussi les moins endettés. D’une part, les pays du Nord me semblent être les grands bénéficiaires de l’Union européenne d’un point de vue financier – et cela ne date pas d’hier. On sait que les arbitrages européens en matière de financement donnent lieu, encore aujourd’hui, à des débats agités entre les pays du Nord et les pays du Sud. D’autre part, tout comme vous, je suis dans l’incapacité d’expertiser la contribution de ces pays, qu’il s’agisse de la Norvège, de la Suède, de la Finlande et même de l’Allemagne, au réchauffement climatique. Il y a quand même quelques questions à se poser sur la politique allemande en matière de transition écologique, notamment sur l’abandon total du nucléaire et sur le recours au gaz, qui sera indispensable avec le déploiement des énergies non pilotables.

Je ne prétends pas, avec cette réponse, avoir couvert l’ensemble des sujets que vous avez abordés, mais c’est ma réponse, comme aurait pu le dire Georges Marchais.

La commission en vient à l’examen de l’article unique.

Article unique

Amendement CF1 de M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc, rapporteur. Une telle proposition de résolution peut faire craindre une éviction des investissements qui ne seraient pas directement liés à la transition écologique. Certes, le fait d’exclure les investissements verts du calcul du déficit budgétaire des États ouvre à ces derniers des marges de manœuvre pour consolider d’autres politiques publiques. Mais ces marges doivent justement profiter à ces dernières, et non être récupérées à des fins budgétaires. C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement, qui « Invite, dans le même temps, la Commission européenne à se saisir de toutes les flexibilités offertes par les règles existantes du pacte de stabilité et de croissance pour ne pas pénaliser les dépenses et investissements qui ne sont pas directement liés à la transition écologique », afin de tenir compte des préoccupations dans le domaine sanitaire et éducatif notamment.

La commission rejette l’amendement CF1.

Elle rejette l’article unique.

L’ensemble de la proposition de résolution est ainsi rejeté.

([1]) « Climate change 2021, the physical science basis », contribution du groupe de travail I au sixième rapport d’évaluation du GIEC.

([2]) Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999.

([3]) « Finance durable : l’UE doit agir de façon plus cohérente pour réorienter les financements vers les investissements durables », rapport spécial de la Cour des comptes européen, septembre 2021.

([4]) « The economics of climate change ; the Stern review », par Nicholas Stern, octobre 2006, Cambridge University Press.

([5]) Darvas, Z. and G. Wolff (2021) ‘A green fiscal pact : climate investment in times of budget consolidation’, Policy Contribution 18/2021, Bruegel.

([6]) Cour des comptes européenne, Rapport précité.

([7]) Tous les pays de l’Union européenne exceptées la République tchèque et la Croatie.

([8]) Darvas Z, Martin P., Ragot X., « Réformer les règles budgétaires européennes : simplification, stabilisation et soutenabilité », Les notes du CAE, n° 47, septembre 2018.

([9]) Eyraud L., V. Gaspar et T. Poghosyan, « Fiscal Policy in the Euro Area », IMF Working Paper, n° 17/18, janvier 2017.

([10]) Le Portugal, l’Italie, et la Grèce. Source : Eurostat.

([11]) Eurostat, Euroindicateurs, 22 octobre 2021.

([12]) Chypre, la Belgique, la France, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, et la Grèce. Source : Eurostat.

([13]) Le Conseil de l’Union européenne a approuvé le 23 mars 2020 les conclusions du 20 mars 2020 de la Commission européenne (COM(2020)/123 final)sur l’activation de la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité et de croissance.

([14]) Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([15]) O. Jacques, « Austerity and the path of least resistance : how fiscal consolidations crowd out long-term investments », Journal of European Public Policy, Mars 2020.

([16]) Comité budgétaire européen, Rapport annuel 2020, 28 septembre 2020.

([17]) Communication COM/2015/012 final de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement : Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du Pacte de stabilité et de croissance.

([18]) Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 précité.

([19]) Darvas Z, Martin P., Ragot X., « Réformer les règles budgétaires européennes : simplification, stabilisation et soutenabilité », Les notes du CAE, n° 47, septembre 2018.

([20]) Ibid.

([21]) Roel Beetsma, Niels Thygesen, Alessandro Cugnasca, Eloïse Orseau, Polyvios Eliofotou, Stefano Santacroce, « Reforming the EU fiscal framework : A proposal by the European Fiscal Board », 26 October 2018.

([22]) Martin P., Pisani-Ferry J., Ragot X., « Pour une refonte du cadre budgétaire européen », Note du CAE, avril 2021.

([23]) Comité budgétaire européen, Rapport annuel, 2020.

([24]) Comité économique et social européen, « Repenser le cadre budgétaire de l’Union européenne pour une reprise durable et une transition juste », Avis du 20 octobre 2021.

([25]) Darvas, Z. and G. Wolff (2021) « A green fiscal pact : climate investment in times of budget consolidation », Policy Contribution 18/2021, Bruegel.

([26]) Grandjean A., Hariri F., « Programme d’action climat pour les présidentielles 2022 », 3 septembre 2021.

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