La proposition de loi que nous examinons soulève une question de fond : quel rôle souhaitons-nous attribuer aux banques dans notre société ? Ces institutions ne sont pas de simples acteurs économiques : elles gèrent un bien commun, la monnaie, et assurent sa circulation au sein d’un réseau dont chacun dépend au quotidien. En 2008, face à la crise financière, l’État a mobilisé 360 milliards d’euros pour soutenir le système bancaire, dont 40 milliards de recapitalisation, qui n’ont jamais été remboursés. Il est donc légitime d’exiger qu’en retour les banques protègent les usagers et ne tirent pas profit de leur vulnérabilité. Or tel n’est pas le cas.
En facturant des frais bancaires, les banques exploitent la vulnérabilité de leurs clients. Selon le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), un compte bancaire sur quatre connaît chaque année au moins un incident de paiement et près d’un foyer sur deux est confronté à un découvert. Si, en moyenne, une personne débourse chaque année 113 euros en frais bancaires, cette moyenne masque des disparités criantes. Une étude de l’Union nationale des associations familiales (Unaf) menée en 2017 révélait ainsi que 20 % des personnes interrogées s’acquittaient de plus de 500 euros de frais liés à des incidents de paiement et à des agios – 500 euros pour un virement arrivé trop tard, pour une dépense imprévue, pour une simple erreur de trésorerie survenant souvent dans une période de grande fragilité personnelle ou familiale. C’est précisément pour cela que les associations familiales parlent d’une « bouée en plomb » : ces frais, loin d’aider à garder la tête hors de l’eau, précipitent encore davantage les ménages en difficulté dans les abysses de la précarité financière.
Certes, des mesures ont été mises en place : des plafonnements ont vu le jour et des offres spécifiques ont été conçues pour les publics les plus fragiles.
Preuve, s’il en fallait, que l’encadrement des pratiques bancaires s’imposait. Mais ces dispositifs demeurent largement insuffisants pour trois principales raisons. D’abord, parce que les frais bancaires ne cessent d’augmenter : s’agissant des frais de gestion courante, les tarifs des opérations effectuées en agence se sont littéralement envolés : en dix ans, leur coût moyen est passé de 1,43 euro à plus de 17 euros par an – soit une hausse de plus de 1 000 %. Cette inflation tarifaire intervient paradoxalement dans un contexte de raréfaction des agences, de fermeture des guichets et de déshumanisation de la relation bancaire, pénalisant encore davantage les usagers contraints de recourir aux services en présentiel.
À cela s’ajoutent de fortes inégalités territoriales : en 2024, dans les départements et territoires d’outre-mer, les frais de tenue de compte atteignent en moyenne 24,88 euros, soit près de 18 % de plus qu’en métropole.
Ensuite, si certains frais bancaires ont été encadrés, nombre d’entre eux échappent encore à tout plafonnement et les établissements bancaires ne manquent pas d’ingéniosité pour en tirer parti, multipliant les lignes tarifaires aux intitulés nouveaux.
L’un des exemples les plus éloquents est celui des lettres de notification annonçant l’approche d’un découvert : facturées parfois plus d’une dizaine d’euros, elles peuvent – paradoxe cruel – précipiter le compte dans le rouge et justifier ainsi la facturation immédiate de frais supplémentaires pour découvert non autorisé !
Enfin, un constat particulièrement préoccupant s’impose : même lorsque la réglementation existe, elle est contournée. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) l’a établi : 17 % des agences contrôlées présentent des irrégularités, dont 6 % relèvent de manquements graves.
Notre position est claire : il faut interdire purement et simplement les frais bancaires là où leur existence est inacceptable et plafonner l’ensemble des autres frais qui, par leur nature même, demandent une régulation stricte. Nous proposons donc l’interdiction stricte de certains frais particulièrement préjudiciables, tels que les commissions d’intervention et les frais de lettre de notification, et préconisons un plafonnement global de tous les autres frais bancaires. Ce plafonnement serait fixé par décret. Nous comptons sur la vigilance et le discernement du gouvernement pour établir des seuils justes, proportionnés et adaptés à la réalité économique. Enfin, il est impératif d’accompagner ces mesures d’un renforcement significatif des sanctions afin d’assurer leur application effective.
L’examen de cette proposition de loi est une invitation à choisir quel modèle bancaire nous souhaitons défendre : celui d’une banque qui offre un véritable service en valorisant la confiance que nous lui accordons ou celui d’une banque qui, en taxant abusivement ses clients, contribue à fragiliser davantage les plus vulnérables de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Niches parlementaires
Mesures de justice pour limiter les frais bancaires (PPL)
Publié le 5 juin 2025
Yannick
Monnet
Député
de l'
Allier (1ère circonscription)