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Motions de censure

Motion de censure : il est temps d’ouvrir grand les portes au peuple

Tout sera rendu « plus difficile et plus grave », avez-vous martelé, monsieur le premier ministre, en répondant hier à l’interpellation de l’excellent président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, André Chassaigne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.) Mais plus difficile et plus grave pour qui ? Pour Pascal, viré comme un malpropre d’une usine d’emboutissage de Saint-Florent-sur-Cher, au cœur de ma circonscription, et qui voit les factures s’accumuler et l’État se défiler devant ses obligations ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe DR.) Pour Malika, licenciée il y a cinq semaines de l’hypermarché Géant Casino de Saint-Doulchard, à côté de Bourges, et qui ne sait comment remplir le frigo ? Pour les 2 389 salariés d’Auchan mis dehors, alors que la famille Mulliez se distribue 1 milliard d’euros de dividendes sur les résultats du groupe, grâce à l’enseigne Decathlon ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – M. Gérard Leseul applaudit également.)
Allez leur dire, comme aux 200 000 personnes qui risquent de perdre leur emploi, comme aux centaines de milliers de retraités que vous laissez dans le dénuement, comme aux chômeurs que vous voulez pénaliser davantage, comme aux 330 000 sans-abri, comme aux citoyens dits d’outre-mer qui n’en peuvent plus de la vie chère, allez-leur dire que leur vie sera plus douce si vous êtes maintenu au gouvernement ! Ils savent qu’elle sera plus dure. Le chaos est déjà là, même si vous n’en êtes pas le seul responsable. Le chaos, c’est le refus d’entendre le peuple et les organisations syndicales qui se sont levés contre l’ignoble report de l’âge de départ à la retraite ; ce sont les brancards dans les urgences hospitalières et les prises en charge dégradées qui mettent des vies en péril (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) ; ce sont les classes qui ferment dans les villages comme dans les quartiers, où l’abandon n’est plus un sentiment, mais une réalité.

Le chaos, c’est l’abandon de nos compatriotes des territoires dits d’outre-mer, victimes du manque d’infrastructures et de services publics, de l’empoisonnement au chlordécone et des essais nucléaires (M. Sébastien Delogu applaudit) ; c’est un pouvoir qui les humilie, confondant politique d’émancipation et de coopération avec maniement du bâton et exploitation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR. – M. Benoît Biteau applaudit également.)
Le chaos, c’est un pays qui lâche les peuples en lutte pour leur indépendance, comme les Palestiniens ou les Sahraouis (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR) ; c’est l’inaction face à la fuite en avant belliqueuse, à Gaza, en Ukraine et au Liban ; c’est le silence face aux cris des victimes civiles palestiniennes (M. David Habib s’exclame) ; c’est l’abandon d’une politique internationale en faveur de la paix. Le chaos, c’est tout bonnement l’allégeance à une politique qui a favorisé une poignée de privilégiés – les 500 plus grosses fortunes ont doublé en sept ans de pouvoir macroniste, culminant désormais à plus de 1 200 milliards d’euros.

L’ingénieur de ce chaos, c’est le président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR) qui, satisfait de son rôle de thaumaturge, l’a joué à la perfection, allant jusqu’à déclarer au lendemain de la dissolution : « Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant, on va voir comment ils s’en sortent ». Or on ne déclare pas la guerre à la démocratie, on ne joue pas avec le résultat des urnes, et certainement pas au nom de la déréliction fantasmée d’un monarque las.

Nous sommes issus de cette élection de 2024, qui n’a certes pas donné de vainqueur absolu, mais qui a livré un perdant évident : le bloc central. Les forces qui composent votre gouvernement regroupaient 473 députés en 2017, contre moins de 230 aujourd’hui. Tout est dit !
Face au risque de voir la gauche au pouvoir, qui aurait su modifier les équilibres politiques et économiques du pays, vous avez tenté, vainement, de bâtir une majorité politique favorable aux intérêts du capital. Le Nouveau Front populaire peut construire un pacte fiscal plus juste et plus efficace, comme il l’a démontré lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Il peut engager les investissements nécessaires dans les services publics de santé, d’éducation, de sécurité, de mobilité, de transition écologique, mais aussi en soutien à l’industrie, à l’agriculture et à l’innovation. Le Nouveau Front populaire peut porter une voix singulière en Europe et appeler à la réforme de la politique budgétaire et monétaire de l’Union européenne, pour lui permettre de répondre enfin aux impératifs écologiques et sociaux de notre temps. Mais c’en serait trop pour le pouvoir exécutif, arrogant et qui suinte la violence de classe.

Dans un bel élan commun, l’ensemble des droites – celle du couloir central comme celle située tout à l’extrémité – s’est retrouvé pour refuser, lors de l’examen de la première partie du budget, toute atteinte aux dogmes d’un capitalisme libéral sans scrupule. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
C’est une constante : ne l’oublions pas. C’est si vrai que M. Attal, qui aujourd’hui prend des airs graves pour fustiger un vote de censure soi-disant irresponsable, tenait un autre discours lorsqu’il était premier ministre. Le 25 août dernier, il envoyait ainsi aux députés de son camp un message affirmant son intention de censurer un gouvernement issu du Nouveau Front populaire, quoi qu’il en coûte ; il évoquait une « censure inévitable ». (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et quelques bancs du groupe SOC.)
Il rejoignait en cela l’extrême droite dans cette grande alliance qui, historiquement, n’a jamais flanché : celle d’une droite qui estime toujours illégitime que la gauche mène les affaires du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et quelques bancs du groupe EcoS. – M. Inaki Echaniz applaudit également. )
Dès qu’une alternative progressiste est susceptible de prendre corps, que l’on touche à un cheveu du régime mère-fille, que l’on gratte une petite couche des héritages dorés ou que l’on cisèle une exonération fiscale inefficace, les cris d’orfraie des libéraux nous cassent les oreilles. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mes chers collègues du bloc central, quand il s’est agi de mêler vos voix à celles de l’extrême droite pour refuser la taxation des 147 milliardaires à hauteur de 2 % de leur patrimoine, vous étiez bien moins bruyants ! Vous l’étiez bien moins quand vous avez capitulé devant les mécanismes d’évasion fiscale, contre lesquels votre combat s’arrête au verbiage habituel ! (Mêmes mouvements.) Bien moins encore s’agissant du rétablissement des 4 000 postes d’enseignants supprimés par le PLF pour 2025. (Mêmes mouvements.)

À l’étranger, la France est discréditée, alors que la concurrence nous oblige plus que jamais à réaffirmer notre souveraineté, à ne pas plier devant les États-Unis et la Chine, à protéger nos emplois et nos industries, à empêcher l’Union européenne de multiplier les signatures de traités de libre-échange qui détruisent notre agriculture.
Le PLFSS que vous tentez d’imposer par le recours au 49.3 est celui qui continue à dégrader l’hôpital public, qui acte l’abandon d’une loi grand âge, qui augmente les tarifs des mutuelles, qui ne contribue en rien à la lutte contre les déserts médicaux, qui, dans un exercice de déshonneur et d’allégeance à l’extrême droite, diminue les montants alloués à l’aide médicale de l’État, au mépris de toute humanité et au risque de laisser prospérer épidémies et contagions !

Que dire des inepties proférées à l’envi par le gouvernement et certains membres du socle commun, qui font croire que la censure de ce gouvernement serait la onzième plaie d’Égypte ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP et sur les bancs du groupe EcoS.)

La première de ces inepties est celle-ci : la carte Vitale ne va plus fonctionner ! Foutaises ! Et vous le savez ! La probabilité qu’il pleuve des grenouilles sur cet hémicycle est plus élevée que celle d’un défaut de fonctionnement des cartes Vitale ! (Les députés des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS se lèvent et applaudissent.)
J’en profite pour rappeler à quel point ce modèle socialisé est beau, si bien que certains vont jusqu’à dire à son sujet que le communisme est déjà là ! Ne vous étranglez pas !
On nous assure également que, si le budget n’est pas voté, l’impôt sur le revenu pèsera davantage sur nos compatriotes et 380 000 d’entre eux seront imposés alors qu’ils ne le sont pas aujourd’hui. C’est faux : cela ne pourrait arriver qu’à partir du mois de mai ; or, d’ici là, la loi spéciale aura été votée et le gouvernement – de gauche – aura eu tout loisir non seulement d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu, mais aussi de le rendre plus progressif, afin que tous ceux qui gagnent moins de 4 000 euros par mois paient moins et que la justice fiscale soit mieux assurée. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP et quelques bancs du groupe SOC.)

S’il vous plaît, que cessent ces contrevérités, qui n’ont qu’un but : faire peur, parce que la peur est une arme de destruction massive de la raison ! Les Français méritent mieux !
Les agriculteurs que nous croisons aux abords des préfectures, les chauffeurs de véhicules sanitaires légers qui bloquent les centres-villes, les enseignants, les fonctionnaires qui se mobiliseront en masse demain ne brandissent pas des banderoles où il serait inscrit : « On veut garder Barnier ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.) Bien au contraire, ils ne veulent plus être empaumés par vos soins !

Ils nous disent : « Stop ! Dites-leur que ça suffit et dites-le aussi à celui qui, dans son palais, cultive l’illusion solitaire de l’omniscience ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Il est des moments dans la vie d’un pays, dans la vie d’un peuple, dans la vie de ses représentants, où l’espoir s’écrit avec des ruptures. Notre pays en est fécond ! Elles ont donné lieu à de grandes avancées, dans l’union, dans la joie, dans la fraternité ! Notre responsabilité est de refuser à la fois les budgets régressifs de la sécurité sociale et de l’État, et de proposer au président de la République de laver la faute originelle qu’il fait porter comme un fardeau à la France !
Nous, députés communistes et ultramarins du groupe de la gauche démocrate et républicaine, sommes prêts à prendre part à un gouvernement issu du Nouveau Front populaire, capable de construire des majorités, ici, projet par projet, comme nous l’avons montré dans l’histoire de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP et quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Voter la motion de censure n’a rien de personnel, monsieur le premier ministre. Ce n’est pas précipiter l’apocalypse, mais ouvrir les possibles ! N’ayez pas peur, n’ayez pas peur ! Que les portes s’ouvrent, s’ouvrent toutes grandes au peuple ! (Les députés des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS se lèvent et applaudissent.)

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