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Motions de censure

Motion de censure - PLFSS pour 2024 - 2ème partie - Nlle lect

C’est entendu, nous voterons la censure de votre gouvernement, madame la Première ministre, car nous restons empreints d’une grande colère, à cause de la politique que vous menez : une politique de classe et de casse – des solidarités, des droits, du commun – qui sert les intérêts d’une poignée de puissants, des plus riches, de la finance et maltraite le monde du travail et de la création. C’est entendu, car le BIB, le bonheur intérieur brut, est en chute libre. C’est une raison fondamentale pour que nous votions contre votre budget de la sécurité sociale, lequel n’est absolument pas à la hauteur de la crise sociale que nous connaissons, ni des besoins ni des enjeux sanitaires et sociaux. Vous avez beau parler de milliards d’euros pour impressionner les gens, les milliards font défaut.

Lucky Luke est largement battu : vous êtes la femme la plus rapide de l’Ouest. Vous dégainez le 49.3 toujours plus vite. Nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire de cette manière de faire, de cette politique qui vise à empêcher le Parlement de discuter.

Vous vous attachez à nous rendre impuissants ; nous cultivons quant à nous l’obsession d’être utiles. Et nous le sommes, en résistant, à chaque fois que nous parvenons à arracher des mesures positives, comme à travers les propositions et les idées que nous mettons sur la table pour demain.

Je pourrais dresser un réquisitoire implacable contre votre politique. Ce ne serait pas une prouesse, vous en conviendrez. Aussi voudrais-je mettre à profit les dix minutes dont je dispose, en abusant un peu de la gentillesse des collègues qui m’ont confié la tâche de les représenter ce soir, et vous proposer de convoquer un comité interministériel ad hoc consacré aux enjeux de mon territoire : le golfe de Fos et l’ouest de l’étang de Berre. Dans ce magnifique territoire, il y a le premier port de France, sans doute.

Il y a aussi la plus grande base aérienne du pays et l’une des plus grandes zones industrielles d’Europe. Avec de l’industrie, des villes populaires et des zones naturelles préservées, il s’agit d’un territoire d’équilibre. Nous avons souvent dû batailler pour nous faire respecter – c’est ce que je fais à cet instant. Nombre d’infrastructures, promises au moment où la zone industrialo-portuaire a été créée, n’ont pas vu le jour. Nous avons pris beaucoup de retard.

Notre territoire est stratégique pour le pays, et sans doute au-delà. Se jouent là, en partie, la stratégie de décarbonation de notre industrie, la réindustrialisation du pays, la transition énergétique, écologique et sociale.

La zone industrialo-portuaire va prendre un second souffle avec de nouveaux projets d’implantation en nombre.

Notre territoire va changer. Une belle aventure peut s’ouvrir pour celles et ceux qui vivent et travaillent dans ce coin de Provence, à condition qu’ils en soient parties prenantes et non pas contraints d’en payer le prix.

Or, pour l’instant, la puissance publique, et l’État en particulier, ne sont pas au rendez-vous. Voilà de longs mois que je frappe à toutes les portes, de ministères, de grandes administrations, de grandes entreprises, pour faire entendre cette voix. Je profite du fait que nous soyons réunis et je prends d’autant plus les devants que j’ai ouï dire que vous alliez réunir un comité interministériel à Dunkerque sur les enjeux de ce territoire. Je me permets donc d’utiliser mon temps de parole pour vous parler de ce qu’il se passe chez moi.

Monsieur le ministre de l’industrie, les entreprises déjà installées sont en train, peu à peu, de modifier leurs process : c’est une bonne chose et il faut accélérer le mouvement, mais je vous encourage à la plus grande vigilance à l’égard des mouvements de capitaux – je pense notamment à ceux du groupe Ascometal, qui me préoccupe – et à l’égard de l’utilisation de l’argent public, lequel doit véritablement servir une stratégie de transition industrielle et nous faire gagner en maîtrise publique.

J’appelle également votre attention sur la nécessité de planifier et de mieux organiser l’économie circulaire dans cette zone, car certaines possibilités ne sont pas exploitées. Ne pourrions-nous pas créer pas un incubateur industriel avec des chercheurs afin d’augmenter nos capacités d’expertise publique et ainsi mieux agir pour transformer l’industrie ?

L’un des plus grands défis concerne les transports. Notre grand port, toujours en croissance, est relié au réseau ferré par une voie unique et au réseau routier par une route départementale – c’est déjà très insuffisant pour répondre aux besoins actuels. Nous devons donc investir dans le ferroviaire, pour le fret et pour les voyageurs, les citadins et les travailleurs. Une telle revendication est incontournable pour qui veut relever le défi climatique et les défis du quotidien. Pour l’instant, force est de constater que nous ne voyons rien venir. Cela doit changer rapidement. Les infrastructures routières sont quant à elles déjà saturées, avec des risques pour la sécurité et la santé : j’espère que le contournement de Martigues et de Port-de-Bouc ne sera pas repoussé une fois de plus, car cela dure depuis des décennies. Sur tous ces points, nous avons besoin d’un plan global, intégrant également le fluvial.

Autre défi : l’électricité, madame la ministre de la transition énergétique. Des chantiers ont été lancés, reconnaissons-le, mais les besoins, non seulement domestiques mais aussi – étant donné ce que j’indiquais précédemment –, industriels et de transports, augmentent.

Le quatrième défi, monsieur le ministre du travail, c’est celui de la formation professionnelle. Nous aurons besoin de former massivement des femmes et des hommes, y compris des jeunes. Nous avons réussi à préserver des outils pour y parvenir, notamment un centre de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) qui était menacé de fermeture. Il faut maintenant lui donner les moyens de déployer une stratégie offensive afin de construire une offre de formation professionnelle qualifiante et répondre ainsi aux nouveaux besoins nés du contexte de transition que je viens de décrire. Mais n’oublions pas les autres métiers, car il n’y a pas qu’une filière industrielle, chez nous, il y a aussi une filière cinématographique.

Nous devons également favoriser la sécurisation de l’emploi et des parcours et rehausser l’offre de formation initiale. Je pense, madame la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels, aux lycées professionnels, qu’il ne faut pas affaiblir. Je pense aussi, madame la ministre de l’enseignement supérieur, aux formations supérieures, qu’il faut renforcer car notre territoire est sous-doté en la matière. Or, nous aurons besoin de former à des métiers très différents.

Monsieur le ministre de la transition écologique, l’enjeu environnemental appelle des investissements dans la protection de la forêt, des étangs, de la mer et de l’air.

Je demande depuis très longtemps que notre territoire joue un rôle pilote dans la lutte contre les pollutions atmosphériques – j’espère obtenir gain de cause. Des investissements massifs sont nécessaires pour mieux protéger l’étang de Berre et faire un autre usage de l’eau qui nous arrive par la chaîne hydroélectrique Durance-Verdon. Nous ne pourrons pas investir uniquement dans le développement industriel ; il faut agir également en faveur de l’environnement, en se fondant sur les travaux de la mission d’information que j’ai conduits avec Jean-Marc Zulesi et Éric Diard.

Je veux insister, madame la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, sur la nécessité de donner aux communes, notamment, les moyens de faire face à ces transformations et de déployer les infrastructures et les services publics indispensables, en particulier le logement public – la situation est considérablement tendue dans ce domaine. Il faut, en outre, mettre à niveau les services de l’État : ceux des douanes, de la police nationale, de l’inspection du travail, de l’inspection des installations classées ou – comment ne pas l’évoquer ? – de l’éducation nationale. Et la liste est loin d’être exhaustive.

Enfin, monsieur le ministre de la santé, comment imaginer que les projets de rénovation de l’hôpital de Martigues, dont l’implantation ne doit rien au hasard, ne soient pas pleinement soutenus ? Hélas, à ce stade, ce n’est pas le cas. La capacité et l’offre de soins de cet établissement doivent être développées. Nous devons, à cette fin, investir non seulement dans l’humain, comme pour tous les hôpitaux de France, mais aussi dans les infrastructures, si nous voulons pouvoir faire face à l’avenir.

Je crois, madame la Première ministre, que la vision de la situation actuelle est encore trop parcellisée et que cela fragilise les perspectives. L’idée d’une opération d’intérêt national sans établissement public est sur la table ; il faut l’étudier, comme celle d’un contrat de projet partenarial d’aménagement. Pour ma part, je soumets au débat un plan d’investissement territorial exceptionnel, adapté aux mutations à caractère stratégique et national auxquelles notre territoire est confronté.

Nous ne voulons pas subir les transformations qui doivent permettre à notre pays de mieux relever les défis contemporains, et encore moins en être victimes ; nous voulons en être actrices et acteurs, les décider, les accompagner. Nous voulons qu’elles nous permettent de vivre mieux, de vivre bien.

De tout cela, je n’aurais jamais pu parler lors de la séquence budgétaire – ces enjeux dépassent, du reste, largement le cadre du budget. La situation illustre le besoin d’action publique. C’est pourquoi je vous tends la main, madame la Première ministre, s’il est possible d’avancer. Mais il n’y a pas d’ambiguïté : de l’autre main, je voterai, quoi qu’il en soit, la censure.

Si vous me le permettez, madame la présidente, je déclare la séance du comité interministériel levée.

(Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

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