Interventions

Motions de censure

« Comme la majorité d’hier, vous gouvernez par la matraque parlementaire »

Dix jours ; quatre 49.3 déclenchés : voilà pour résumer nos débats sur l’exercice budgétaire pour 2025.
Je regrette d’avoir à défendre ce soir une quatrième motion de censure. Force est de constater que le socle commun d’aujourd’hui, comme la majorité d’hier, n’est pas capable de gouverner autrement que par la matraque parlementaire. Si honte il y a, elle est définitivement de votre côté. Votre profonde angoisse du débat vous pousse à des usages irraisonnés de cet outil constitutionnel, si éloigné de notre vision du débat démocratique.
C’est bien parce que vous ne permettez pas le débat que nous sommes contraints d’user de tous les moyens disponibles pour en avoir un.
L’examen du PLFSS avait bien mal débuté puisque c’est sur ce texte de loi que le gouvernement de Michel Barnier est tombé le 4 décembre dernier. À tous ceux qui pensent encore que les conclusions de la CMP constituaient un point d’équilibre, je me permets de rappeler que si tel avait été le cas, le gouvernement Barnier n’aurait pas eu besoin d’avoir recours au 49.3 pour en valider les conclusions et il n’aurait pas été censuré dans la foulée.
Étant donné que cette copie était mauvaise, nous aurions pu repartir d’un nouveau texte, revu et corrigé, que le Parlement aurait pu amender. Par le débat, nous aurions proposé des recettes nouvelles et des mesures inédites de justice sociale.
C’était sans compter le choix malheureux de repartir du texte du Sénat et de couper court à toute discussion. Pas de possibilité de défendre des articles additionnels et in fine, nul débat. Il y aurait pourtant eu des choses à dire.
Par ce texte, vous choisissez une ligne politique que nous contestons et qui consiste à vouloir faire supporter aux assurés sociaux, aux établissements de santé et à leurs personnels, les mauvais choix budgétaires des gouvernements Macron.
Le déficit des hôpitaux publics devrait avoisiner 3,5 milliards d’euros en 2024, 85 % des Ehpad sont en déficit et leurs personnels, soignants et non soignants, sont fragilisés.
En sus, vous envisagez de faire travailler les Français sept heures de plus par an, sans être rémunérés. C’est une des propositions des sénateurs de droite les plus mal venues. Alors que le travail paye si mal, que des millions de Français sont contraints de rogner sur toutes leurs dépenses, même les plus essentielles, comment pouvez-vous soutenir décemment une telle mesure ?
Que dire aussi de votre tentative totalement honteuse de supprimer 15 millions d’euros en faveur de la recherche pour les cancers pédiatriques ? Décision sur laquelle vous êtes revenus, fort heureusement, en réponse au tollé provoqué par tant d’indécence – celle-ci caractérisant encore trop souvent votre vision des politiques publiques.
Dernière mesure en date : la volonté de ponctionner les mutuelles de santé, alors que pour compenser l’augmentation du ticket modérateur, elles ont augmenté leurs tarifs par anticipation.
Certes, vous êtes revenus à la raison sur cette disposition, mais plutôt que de rendre le trop-perçu aux assurés, vous faites le choix de ponctionner ces mutuelles et donc de demander un effort supplémentaire aux assurés sociaux – quand bien même elles ont déjà augmenté leurs tarifs entre 8 % à 10 % en 2024 et que près de 3 millions de personnes n’en ont pas. C’est inacceptable.
Pour tenter de répondre à ce constat alarmant, les municipalités sont de plus en plus nombreuses à proposer des mutuelles communales, mais est-ce vraiment leur rôle ?
Dans ma circonscription, comme partout en France, nous ne sommes pas épargnés par les déserts médicaux. Face à cette situation, les maires se démènent pour trouver des moyens inventifs afin de faciliter l’implantation de spécialistes à l’aide d’un budget pourtant raboté.
Par ailleurs, le manque de médecins n’explique pas à lui seul le non-recours de nos concitoyens aux soins. Devoir avancer les consultations en santé et la faible généralisation du tiers payant ne favorise pas le suivi médical. Près de six Français sur dix renoncent déjà à des soins dont ils ont besoin et les patients qui consultent alors que leur état de santé est déjà plus que préoccupant sont nombreux. Le forfait de passage aux urgences, loin de les désengorger, a fait reculer la prise en charge des patients dont l’état de santé le nécessitait.
Je suis saisie d’effroi lorsque je pense à ces femmes et ces hommes décédés dans les couloirs des urgences à cause du manque d’effectif de soignants et d’un système indécent qui les broie.
Cela fait maintenant plus de six ans que nous n’avons pas pu débattre d’un texte majeur sur la santé publique. Cela fait aussi plusieurs années que nous attendons une loi sur le grand âge et qui ne vient toujours pas, malgré le scandale Orpea et la maltraitance, connue, que subissent nos aînés dans les institutions qui les accueillent.
Certes, le gouvernement a pris des engagements : soutenir la suppression de l’article 23 du PLFSS, qui prévoyait un report et un plafonnement de la revalorisation des pensions de retraite ou bien l’annulation des mesures de déremboursement des consultations médicales et des médicaments initialement prévues par le gouvernement Barnier par voie réglementaire.
En ce qui concerne le fonctionnement des hôpitaux publics et des Ehpad, l’Ondam, initialement augmenté de 2,8 %, le sera à hauteur de 3,3 % et l’Ondam hospitalier à hauteur de 3,6 %.
J’ai tout de même le sentiment que ce que vous nous donnez d’une main, vous le reprenez de l’autre, en prenant un peu plus à chaque fois. Qu’il s’agisse de la proposition par la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles de davantage mettre à contribution, par une hausse de la CSG, les retraités les plus aisés pour le financement de la protection sociale, ou du soutien de la même ministre à la proposition de faire travailler nos concitoyens sept heures de plus sans les rémunérer, ou du soutien du gouvernement au démantèlement du service de contrôle médical, de l’instauration d’une taxe « lapin » ou bien encore de la remise en cause des arrêts de travail des fonctionnaires, tous ces éléments confirment que vous vous inscrivez dans les pas de vos prédécesseurs.
S’il était effectivement urgent de voter un budget, cela ne peut occulter d’autres urgences, tout aussi impérieuses : celle des besoins sociaux et sanitaires et de leur financement ou celle d’avoir un débat sur les enjeux de santé publique et d’accès aux soins, au lieu de traquer la moindre réduction de dépenses sans vision de long terme pour notre système de soins.
Nous devons répondre au besoin de sécurité de nos hôpitaux et de nos Ehpad. Ils ont besoin d’une visibilité pluriannuelle pour redresser durablement leur situation. Nous devons donner à la sécurité sociale des ressources à la hauteur des besoins de nos concitoyens car là réside en vérité le meilleur gisement d’économies pour l’avenir.
Puisque vous avez choisi de confisquer ces débats, le groupe GDR votera dans sa grande majorité cette motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Steevy Gustave applaudit également.)

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