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Motions de censure

Motion de censure : PLF pour 2023

Il était dix-sept heures trente, ce mercredi 2 novembre, et Mme la Première ministre dégainait son quatrième 49.3 en deux semaines. Cette rengaine, ce n’est pas le radio-réveil d’Un jour sans fin qui tintinnabule, mais la sonnerie d’une Assemblée sans rien, d’un Parlement sans rien – car les mauvais films sont toujours ceux dont la fin est connue d’avance. Nous ne sommes même plus dans un film, même médiocre ou acceptable, mais dans une mauvaise série. Plutôt que la coconstruction annoncée, le piétinement, le mépris et les manœuvres dilatoires nous sont opposés – manœuvres dilatoires qui tentent d’établir un parallélisme délétère entre les députés de gauche, membres de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, et une extrême droite qui ne tarde jamais à livrer son vrai visage, comme elle l’a fait hier soir à l’encontre de notre collègue Carlos Martens Bilongo, que je salue et qui a tout notre soutien. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

Aujourd’hui plus qu’hier, madame la Première ministre, tout amalgame entre les oppositions serait scandaleux : ce serait nier les combats que la gauche – comme tous les amoureux de la République – a menés contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Ce n’est pas parce que nous refusons – et refuserons toujours – que le budget de la France soit un concentré de recettes libérales qui conduisent le pays dans l’impasse, que nous oublions ces combats primordiaux. L’extrême droite, celle qui tombe en pâmoison devant Giorgia Meloni et son ministre des infrastuctures – qui a arboré fièrement, sur les réseaux sociaux, un brassard siglé de la croix gammée –, sera toujours notre ennemie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Dans notre démocratie, madame la Première ministre, vous n’êtes pas notre ennemie, mais notre adversaire politique, tout simplement parce que nous préconisons un autre chemin que le vôtre.

Autant le dire d’emblée : le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES, composé de députés communistes et de députés ultramarins, votera la motion de censure déposée par le groupe La France insoumise-NUPES. Nous témoignons ainsi de notre volonté de construire un autre budget pour la France.

Non seulement vous nous avez privés de discussions sur de nombreuses missions et politiques publiques, mais vous souhaitez aller plus loin en nous tordant la main et en comptabilisant un vote d’adhésion qui n’en est pas un. Comment accepter que vous ayez détricoté le travail des députés sur les missions qu’ils ont examinées ? Les avancées décidées – souvent à l’unanimité – pour les outre-mer se sont réduites comme peau de chagrin. Votre attitude est déplorable. Elle suinte le mépris d’un travail réalisé avec tous nos collègues ultramarins – un travail réfléchi, responsable et remarquablement conduit par ma collègue Karine Lebon.

Comment expliquer à nos concitoyens que vous balayiez les choix courageux en faveur de la rénovation énergétique des logements ou du transport ferroviaire, si ce n’est par un atavisme qui ne vous pousse pas – doux euphémisme – à lutter contre le réchauffement climatique, malgré toutes vos rodomontades ?

Comment applaudir votre choix de ne pas débattre des crédits liés à l’éducation nationale, à l’enseignement supérieur et à la recherche ? C’est pourtant là que se joue l’avenir de la nation, que l’on fait vivre les valeurs républicaines, que l’on combat les idées nauséabondes et que l’on porte haut l’égalité, ce qui devrait être notre passion commune. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)

Comment laisser sans réponse la question du statut des diplomates, qui n’a pu être débattue tant il vous est insupportable que ce corps manifeste un tant soit peu d’indépendance ?

Comment ne pas se sentir floué devant la réintroduction, par voie d’amendement, de toutes les mesures qui font peser des contraintes sur les budgets des collectivités locales, alors qu’elles avaient été refusées tant par l’Assemblée que par le Sénat dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ?

Intégrer les dispositions des articles 16 et 23 de ce projet de loi de programmation inepte, alors qu’elles sont largement contestées par les associations d’élus communaux, c’est donner une gifle aux collectivités locales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES.)

Ne soyez pas fiers de ce petit coup fait en douce – un petit coup qui exige des collectivités une baisse de leurs dépenses publiques, alors même que nos concitoyens, comme l’ensemble du tissu économique et associatif, ont tant besoin de soutien devant l’inflation et devant les crises climatiques et démocratiques.

Là encore, le fameux budget des relations avec les collectivités territoriales a été sacrifié sur l’autel du choix minoritaire : d’abord repoussé, il a ensuite été empêché. Nous n’avons pu statuer sur les compensations pour les collectivités territoriales, ni sur la nécessaire indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation, autant de sujets sur lesquels nous attendaient les maires avant leur congrès des 21, 22, 23 et 24 novembre prochains. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Dans la même veine, permettez-moi de déplorer de ne pouvoir, en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission Cohésion des territoires , croiser le fer sur la nécessaire réévaluation des crédits de programmes tels que la lutte contre les sargasses aux Antilles, l’abondement des investissements en faveur de la Guyane, le combat contre les ravages du chlordécone ou l’extension du programme des cités éducatives (Mêmes mouvements) . Tout est biffé, tout est rayé par l’imprimatur du 49.3 ! Une Assemblée sans rien, disais-je au début de mon propos ; une Assemblée pour rien serait sans doute de meilleur aloi.

Madame la Première ministre, le groupe Gauche démocrate et républicaine, en lien avec les autres groupes de gauche membres de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, n’a eu de cesse, durant ces quatre semaines de débats budgétaires, de proposer une solution alternative à vos choix libéraux, qui brisent les êtres humains et la planète. Nous réitérons notre volonté de sortir des carcans des traités européens (Mêmes mouvements), qui imposent des contre-réformes comme celle de l’assurance chômage ou des retraites. Cette sortie est la première pierre pour construire une fiscalité plus juste, plus progressive, plus directe, pesant moins sur les classes moyennes et modestes et s’attaquant réellement à la rente.

Ne croyez pas qu’un 49.3 suffise à éteindre le débat qui enfle sur les superprofits, les superpatrimoines – 1 000 milliards pour les 500 plus grosses fortunes – ou les superdividendes.

Ne pensez pas qu’un 49.3 épuise les enjeux de l’éradication de la pauvreté, du respect de la dignité que nous devons à tous nos frères et sœurs migrants fuyant les guerres ou la crise climatique, poussés par un désir de vie que leur dénie l’extrême droite, comme cela a sauté à la figure de nos concitoyens hier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR-Nupes.)

N’espérez pas qu’un 49.3 masque l’inefficacité de votre action, qui confine à la complicité, pour sortir d’un marché libéralisé de l’énergie, qui fait tant de mal au porte-monnaie et crée des tensions et des rancœurs. Celles-ci vont grandir encore avec l’augmentation de 15 % des tarifs du gaz et de l’électricité en janvier et l’abandon prochain de la ristourne de 30 centimes sur le litre de carburant.

Ne présumez pas de l’étiolement des mobilisations sociales pour les salaires et le pouvoir d’achat et contre la réforme inique des retraites ; elles vont croître au rythme d’une colère qui surgit et que vous sous-estimez grandement et commenceront par la journée de mobilisation du 10 novembre prochain.

Ne rêvez pas que la grogne des élus locaux – municipaux en premier lieu – s’éteigne, alors même qu’ils sont et seront de plus en plus confrontés à des administrés qui n’en peuvent mais pour joindre les deux bouts. Ils devront tailler dans l’investissement local, si essentiel pour le pays et pour les petites et moyennes entreprises.
Le projet de loi de finances pour 2023 est injuste et inefficace. Nous lui opposons une autre logique : celle qui respecte l’égalité devant l’impôt, à la hauteur de la capacité contributive de chacun, et qui permet de retrouver le consentement à l’impôt. Il est insupportable que les plus riches – que ce soient des ménages ou des entreprises – réussissent à échapper à leur juste contribution par des stratagèmes où l’optimisation le dispute parfois à la fraude. Nous vous opposerons le choix de services publics et de services au public préservés, renforcés et modernisés : hôpital public, accès aux soins, éducation, tranquillité publique, sécurité, transports, accès à l’eau. Il y a tant à réinvestir dans ces biens communs que d’aucuns voudraient complètement démanteler pour servir des intérêts privés ! (Mêmes mouvements.)

Le match n’est pas plié. Parce que nous ne nous résignons pas à ce tête-à-tête entre les forces libérales – vous, madame la Première ministre – et les forces d’extrême droite qui portent la haine de l’autre et le repli nationaliste, nous voterons pour la motion de censure présentée par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale. Elle défend les valeurs de gauche de solidarité et de progrès. Toute tentative politicienne de s’y associer sans en partager les valeurs ou toute tentative de pointer artificiellement un message de connivence – ce qui est cocasse, venant d’une majorité présidentielle qui a permis l’accès à la vice-présidence de deux membres de l’extrême droite (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) – seraient de petites arguties qui ne doivent pas faire oublier ce que nous votons.

Cette motion de censure est l’outil disponible dont nous nous saisissons pour dire non à votre budget de récession, qui porte malheureusement en lui des politiques libérales, véritables germes des idées nationalistes et nauséabondes que nous combattons aujourd’hui et que nous combattrons toujours. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES. –

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Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)

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