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Motions de censure

Motion de censure - Situation politique

Il me revient de défendre au nom du groupe Gauche démocrate et républicaine la motion que nous avons déposée, avec une partie des députés de gauche, pour censurer le Gouvernement. Dans un régime parlementaire rationalisé à bout de souffle, cette motion constitue l’un des derniers outils dont disposent les parlementaires pour faire face à la brutalité d’un Gouvernement aux abois, acculé, qui n’a plus d’autre choix que la force pour imposer ses projets néfastes.

Cette force devient tangible lorsqu’elle vise à mater l’expression populaire et les mouvements de contestation

J’en veux pour preuve la répression inédite des mouvements sociaux depuis 2017, comme ceux des gilets jaunes ou des opposants à la réforme des retraites. Cette répression n’est pas moins forte lorsqu’il s’agit d’écraser les aspirations émancipatrices du peuple kanak ou d’étouffer les cris d’une jeunesse indignée par le massacre opéré par Israël à Gaza. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

La force de la répression tranche avec la faiblesse de la réponse diplomatique face à un État qui viole depuis des dizaines d’années les résolutions de l’ONU et qui, quelques jours après avoir été sommé par la Cour internationale de justice de stopper son offensive sur Rafah, détruisait un camp de personnes déplacées, causant la mort de trente-trois Gazaouis, parmi lesquels, encore, des femmes et des enfants.

Face au risque avéré de génocide, notre pays doit agir résolument et reconnaître dès à présent l’État palestinien sur la base des frontières de 1967, aux côtés de l’État israélien, et condamner fermement l’occupation et la colonisation de Jérusalem Est et en Cisjordanie.

La reconnaissance de l’État palestinien serait un pas significatif en direction de la paix. Pourtant, votre gouvernement continue de se limiter aux déclarations de principe et repousse, encore et encore, la reconnaissance de la Palestine.

Fort avec les faibles et faible avec les forts ; telle est votre doctrine, tant en matière de diplomatie que de politique économique. Cette dernière vous a conduit à être plus que prodigues envers les plus riches et surtout envers les entreprises. Vos choix fiscaux depuis sept ans ont grevé le budget de l’État de près de 55 milliards d’euros par an, entre la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), celle des impôts de production ou la baisse de l’impôt sur les sociétés. Les recettes de la TVA, qui, tirées par l’inflation, ont augmenté de près de 60 milliards d’euros entre 2019 et 2024 alors que cette taxe pénalise particulièrement les Français modestes, avaient masqué les effets de votre politique de sape. C’est terminé : la stabilisation des recettes de la TVA payée par les ménages met en évidence les effets de vos politiques fiscales sur le déficit. Emmanuel Macron, la Cour des comptes et même Bruno Le Maire le reconnaissent : si le déficit se creuse, c’est en raison de la diminution des recettes. Vous partez désormais en croisade contre ce qui vous est le plus insupportable, les services publics et la protection sociale, « le patrimoine de ceux qui n’en ont pas » comme le disait Jaurès.

Fort avec les faibles, vous faites le choix de vous attaquer encore aux salariés et aux privés d’emploi. Les réformes de l’assurance chômage de 2019, de 2021 puis de 2023 avaient déjà conduit à une réduction considérable de leurs droits. Vous choisissez à présent de donner un nouveau tour de vis, plus fort encore, pour économiser 3,6 milliards d’euros sur l’Unedic, pourtant excédentaire, dans la perspective de ponctionner son budget à l’automne. Avec cette limitation des droits et surtout de la durée d’indemnisation, près de 250 000 personnes risquent d’être exclues, alors que déjà moins d’un chômeur sur deux est indemnisé. Pire, le nombre de personnes exclues est bien supérieur à celui des créations d’emplois, que votre gouvernement estime à 90 000 : c’est la preuve que votre réforme n’a qu’une visée budgétaire.

Ce n’est pas tout : le 19 février, vous avez fait le choix d’annuler 10 milliards de crédits budgétaires sur des postes essentiels. L’État consacrera 1 milliard d’euros de moins à la rénovation énergétique des logements, ce qui aura pour effet que 100 000 logements ne seront pas rénovés cette année. Une amputation de 690 millions d’euros est imposée au budget de l’enseignement scolaire pour des dépenses de personnels. Il y aura donc moins d’enseignants et de personnels accompagnants comme les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Une coupe de 500 millions est réalisée dans le fonds Vert, qui diminue encore les capacités d’investissements des collectivités.

À la fin de l’année 2024, 10 milliards d’euros de crédits supplémentaires risquent d’être annulés, comme le laisse présager l’accroissement du surgel budgétaire. En outre, 20 milliards au moins d’économies sont d’ores et déjà annoncés pour 2025.

La présentation du programme de stabilité en avril dernier a dressé un paysage tout aussi sombre pour les années à venir, avec pour objectif principal la réduction des dépenses publiques jusqu’en 2027 pour atteindre les 3 % de déficit prévus par les règles européennes. Ces règles, qui sont un non-sens et auxquelles les Français se sont opposés lorsqu’ils ont rejeté, en 2005, la Constitution européenne, vous avez pourtant refusé, récemment encore, de les remettre en cause lors de la réforme du pacte de stabilité. Cette Europe du libéralisme, de la finance et des marchandises, que vous avez construite contre les peuples, élabore des traités de libre-échange tout en considérant que la démocratie n’a rien à y faire. En effet, comme Jean-Claude Junker, le Gouvernement considère qu’il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. Ce principe a conduit le Gouvernement, lors de la niche du groupe GDR-NUPES jeudi dernier, à renouveler son opposition à l’expression des représentants du peuple contre l’Accord économique et commercial global (Ceta).

Le plus grand danger pèse sur l’issue des élections européennes qui, dans moins d’une semaine, pourraient faire entrer une extrême droite plus nombreuse au Parlement européen. L’extrême droite a prospéré sur le déni de démocratie ; nous lui ferons barrage le 9 juin.

La brutalité antidémocratique est devenue votre marque de fabrique. Le budget pour 2024 en est sûrement l’un des exemples les plus aboutis : le projet de loi de finances (PLF) a été adopté sans aucun vote de l’Assemblée nationale et rejeté par le Sénat. Les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles il repose ont été remises en cause par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), mais vous avez balayé ces critiques. Deux mois plus tard, le réel vous a rattrapé : vos hypothèses budgétaires se sont avérées inatteignables et vous avez dû revoir votre copie. Une nouvelle fois, vous l’avez fait seuls, entre deux couloirs de Bercy, en usant d’artifices comme le décret d’avance ou – encore plus pernicieux – l’accroissement du surgel. En refusant de soumettre un projet de loi de finances rectificative pour débattre de ces nouveaux choix budgétaires, après avoir imposé le PLF deux mois plus tôt, vous avez provoqué cette motion de censure.

La réforme du chômage que vous vous apprêtez à imposer par décret est un autre exemple du profond irrespect dont vous ne cessez de faire preuve. Après avoir transmis aux partenaires sociaux une lettre de cadrage aux objectifs inatteignables et convoqué un simulacre de négociations, vous disposez désormais du cadre légal permettant, par un décret de carence, d’opérer à votre guise et de faire main basse sur l’argent de l’Unedic. Un pouvoir qui se recroqueville de la sorte, qui n’a plus confiance en ses institutions les plus démocratiques, qui brutalise toute opposition, est un pouvoir qui n’a plus confiance en son peuple.

À l’heure où l’extrême droite atteint dans les sondages des niveaux records, jouer de la sorte avec la démocratie s’avère d’une irresponsabilité sans bornes, car c’est donner des armes aux ennemis de la démocratie.

La brutalité, l’irrespect et le mépris de votre gouvernement n’ont que trop duré. Aujourd’hui, le groupe GDR fait le choix de vous censurer. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, SOC, Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

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Jean-Marc
Tellier

Député de Pas-de-Calais (3ème circonscription)

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