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Pn renforcer la sécurité et la protection des maires et des élus - CMP

Ce matin, j’ai commencé ma journée en me rendant dans la commune de Callengeville, dans le pays de Bray, où, aux côtés du maire de la commune, du maire de Vatierville et des parents d’élèves, nous étions rassemblés pour réaffirmer notre attachement à l’école en milieu rural et protester contre une fermeture de classe.

Quelques heures après, je recevais un texto du maire de Criel-sur-Mer, une autre jolie commune de ma circonscription, qui a toutes les peines du monde à obtenir d’Orange le branchement d’une ligne téléphonique dans la maison de santé pour laquelle il s’est battu pendant plusieurs années. En arrivant à Paris, quelques heures plus tard, c’est le maire de la commune de Beaussault qui m’a contacté : il est préoccupé par l’avenir d’une entreprise de sa commune, bousculée par des injonctions contradictoires de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).

Le mandat de maire, le plus beau des mandats, est tout cela : l’incarnation de la collectivité du quotidien. Sans les moyens, les outils ou la force d’élus de villes plus importantes ou des parlementaires que nous sommes, ces urgentistes de la République sont parfois en galère pour prendre soin des habitants ou répondre concrètement à leurs besoins.

Alors je le dis d’emblée : prendre soin des élus et les protéger passera par le renforcement du pouvoir d’agir des maires, mais aussi, comme le passionnant travail que j’ai mené avec Violette Spillebout l’a démontré, par notre capacité à normaliser et faciliter les relations entre les maires et les services de l’État. Ces derniers doivent tenter de moins enquiquiner les maires au quotidien et les accompagner davantage.

Prendre soin des élus et les protéger impliquera aussi de renforcer leur statut et leur formation – le mandat d’élu doit permettre un aller et retour permanent entre le monde professionnel et l’engagement citoyen. Plusieurs propositions intelligentes, issues de la réflexion transpartisane des associations d’élus, ont été formulées en ce sens. Pour ne pas renforcer encore sa déconnexion avec la vraie France, la France d’en bas, celle qui tient tout à bout de bras grâce aux piliers de la République que sont les maires, il faudra, madame la ministre, que l’Assemblée apporte sa contribution à la réflexion : j’ai confiance en notre capacité à faire avancer collectivement ces sujets.

Mais avant tout cela, face à l’essoufflement démocratique et à l’explosion des violences, il fallait en passer par l’affirmation d’un symbole clair : on ne touche pas aux élus, on ne touche pas aux maires ; on ne violente pas, on ne bouscule pas, on ne diffame pas ceux qui consacrent leur temps au service des autres, bien souvent uniquement par altruisme. Chers collègues Insoumis, je suis lucide, et je sais que ce texte ne suffira pas ; mais cette petite proposition de loi d’initiative sénatoriale, si insuffisante et incomplète soit-elle – il nous appartiendra de la compléter –, a le mérite de l’affirmer. Je le dis donc sans hésiter ni sourciller : les atteintes aux élus doivent faire l’objet de sanctions exemplaires. Alors que le nombre des démissions explose et que la fracture entre les citoyens et ceux qui les représentent grandit chaque jour un peu plus, nous devons réaffirmer notre volonté de prendre soin des hussards de la République.

C’est dans cet état d’esprit que le groupe GDR a abordé ce débat parlementaire. Grâce au climat de confiance dans lequel nous avons travaillé avec ma collègue rapporteure, Violette Spillebout, nous avons entendu les alertes des journalistes sur les risques liés à l’allongement du délai de prescription pour les élus diffamés. Il faudra y revenir pour trouver une solution consolidée sur le plan juridique et répondre à l’impérieuse nécessité d’envoyer un signal aux élus sans pour autant abîmer la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de ce texte qui vise à prendre soin des élus.

C’est donc sans hésitation et sans sourciller que nous voterons ce texte. Toutefois, il faudra continuer à accompagner les acteurs sur le terrain, en renforçant les moyens de la prévention, ceux de la justice – en particulier des juges aux affaires familiales – et ceux des départements dont relève la protection de l’enfance.

Lorsque j’ai commencé à m’engager dans ma ville de Dieppe, il y a une trentaine d’années, j’ai eu la chance de rencontrer le docteur Huguette Bonvoisin qui avait créé l’association En parler, dans le prolongement de l’association La Voix de l’Enfant, afin de faire de cette cause une priorité. Dieppe a ainsi été parmi les premières villes de France à instaurer une unité médico-judiciaire (UMJ) pluridisciplinaire, ce lieu d’écoute où l’ensemble des acteurs sont là pour entendre la parole de l’enfant, sans que celle-ci puisse être fragilisée ni contestée. S’il y a, bien sûr, un consensus sur ce point, force est de constater, le diable se cachant dans les détails, que la question des moyens financiers et humains est primordiale : c’est elle qui nous permettra d’être utiles concrètement, ou non – il faut par exemple disposer de suffisamment de psychologues pour être à l’écoute des enfants.

Je profite donc de ce beau texte pour souligner qu’il faudra que les moyens soient au rendez-vous, tant pour soutenir les UMJ pluridisciplinaires que pour aider les communes qui s’occupent seules, souvent, de trouver des logements de répit, ou de repli, pour mettre les familles à l’abri – ce sont souvent des mamans, avec des enfants malmenés ou maltraités. Nos déclarations d’intention, qui font consensus et ont une portée que je ne sous-estime pas – la force de la loi qui protège a beaucoup de sens – devront se traduire, sur le terrain, par des moyens plus importants. Faisons des droits de l’enfant une cause nationale ! Tel est l’état d’esprit qui m’anime, alors que je porte la voix du groupe communiste pour voter, avec enthousiasme, la présente proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et Écolo-Nupes – Mme la rapporteure applaudit également.)

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Sébastien
Jumel

Député de Seine-Maritime (6ème circonscription)

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