Le narcotrafic est un capitalisme sauvage, féroce – pour reprendre les mots de Roberto Saviano, c’est une « façon d’être » du capitalisme. En cela, il s’attaque aux plus vulnérables, les mineurs, les femmes isolées, les précaires et, souvent, les gamins de l’aide sociale à l’enfance (ASE). C’est une des raisons pour lesquelles, comme communistes, nous prenons le sujet à bras-le-corps. Nos élus locaux ne cessent d’alerter sur l’insuffisance des moyens consacrés à la lutte contre ce fléau. Dans nos territoires, nous voyons les violences, les ravages qu’il provoque, nous pleurons ses trop nombreuses et si jeunes victimes. Alors, lutter, oui. Lutter contre le haut du spectre, oui. Lutter contre ceux qui prospèrent sur les fragilités et les vulnérabilités des classes populaires, oui. Assécher leurs recettes, oui. Les sanctionner, oui.
Il ne s’agit pas de faire du chiffre. ll ne s’agit pas de flatter les passions tristes. Il ne s’agit pas de brader nos libertés, quand l’efficacité des mesures n’est pas certaine. Il ne s’agit pas de fragiliser l’État de droit en méprisant les droits de la défense. Il ne s’agit pas d’opérer un grand retour en arrière quant aux conditions de détention et d’enfermement – elles doivent rester alignées sur nos valeurs démocratiques. Si nous voulons protéger l’État de droit face au narcotrafic, ne l’affaiblissons pas !
Nous l’avons beaucoup dit pendant les débats, mais je veux ici le réaffirmer : toutes les mesures, même les plus fortes, resteront des coquilles vides si elles ne sont pas assorties de moyens suffisants. Toutes les personnes qui ont été auditionnées dans le cadre du rapport du Sénat ou que j’ai entendues pour préparer l’examen de ce texte ont déploré le manque de moyens pour lutter contre le narcotrafic. Officiers de la police judiciaire, dockers, personnels de Tracfin, magistrats, douaniers ou marins, tous, d’une même voix, demandent des moyens adéquats pour exercer leur mission et, quelquefois, pour améliorer leurs conditions de travail.
Comment les 17 000 douaniers français, qui ont la même charge de travail que leurs 40 000 collègues allemands, peuvent-ils lutter avec succès contre les trafiquants ? Comment les services d’enquête et d’investigation, sous-dimensionnés, peuvent-ils mener à bien leurs missions ? Comment les associations peuvent-elles faire de la prévention quand leurs subventions sont amputées ? Comment traiter de la consommation, qui explose dans notre pays, sans réfléchir en termes de santé publique, de santé psychique, sans considérer l’état même de notre société ?
On ne peut prétendre faire face à un tel fléau en étant sous-dotés. Je ne parle pas de muscles, lesquels se sont invités à plusieurs reprises dans nos débats. Je parle d’outils efficaces, parfois complexes au point de s’apparenter à une dentelle, liant élus locaux, bailleurs sociaux, associations de prévention, police, justice et ASE.
Le rapport auquel a donné lieu l’examen de la proposition de loi faisait l’unanimité, comme cela s’est traduit dans le vote au Sénat, mais le travail législatif a été l’occasion de surenchères. Cela a profité au RN, qui, assurant les votes en l’absence des députés du bloc central, s’est frotté les mains de lui être si utile.
L’examen du texte a également suscité des coups de com’ de la part des ministres, voire des batailles internes entre eux. J’ai d’ailleurs le sentiment que leurs agendas personnels ont supplanté la recherche de consensus, pourtant essentiel si nous voulons emporter l’adhésion de la société pour lutter contre le narcotrafic.
En un mot, notre groupe est favorable à la création du Pnaco, au statut de repenti, au renforcement des moyens de la lutte contre le blanchiment et à d’autres mesures qui visent le haut du spectre. Les députés du Nouveau Front populaire se sont largement investis dans les débats. Nous avons bataillé pour une meilleure rédaction, avec succès parfois, et je crois que cela a servi l’encadrement de certaines mesures et leur efficacité.
Des lignes rouges ont néanmoins été franchies, qu’il s’agisse des quartiers de haute sécurité, du dossier coffre ou de l’activation à distance des appareils électroniques. Les choix des ministres ont empêché notre groupe de contribuer pleinement au consensus et puisqu’ils n’ont pas voulu qu’il en aille autrement, nous ne voterons pas ce texte. Reste la commission mixte paritaire (CMP) – à suivre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC. – Mme Martine Froger applaudit également.)
Explications de vote et scrutins
Sortir la France du piège du narcotrafic - Statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée
Publié le 1er avril 2025
Elsa
Faucillon
Députée
des
Hauts-de-Seine (1ère circonscription)