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Société : recherches sur la personne

Cette proposition de loi affiche l’objectif ambitieux de relancer la recherche biomédicale en France, selon le vœu du Président de la République, qui dit vouloir faire de notre pays l’un des leaders en ce domaine. Pour ce faire, elle entend simplifier le cadre législatif et administratif qui s’applique à ces recherches, tout en maintenant le haut degré de protection des personnes qui s’y prêtent. C’est donc au regard de cet objectif et de cette exigence fondamentale que l’on doit juger ce texte.
Cette proposition de loi aura-t-elle un rôle d’impulsion en faveur de la recherche ? Nous en doutons, car c’est avant tout de moyens que la recherche a besoin. De ce point de vue, je voudrais rappeler, madame la ministre, que, jeudi dernier, vous avez parlé de « misérabilisme » lorsque mon collègue Roland Muzeau a attiré l’attention sur le manque chronique de moyens affectés à la recherche dans notre pays, notamment à la recherche fondamentale, qui est la base de celles qui impliquent des personnes. Or l’emploi de ce terme méprisant illustre le peu de considération que vous portez aux préoccupations de celles et ceux qui, dans leurs laboratoires, se passionnent et se battent chaque jour, pour des émoluments qui ne sont en rapport ni avec leur niveau de formation et de connaissances, ni avec leur importance et leur rôle dans le développement de notre société. Souligner cet état de fait, ce n’est pas faire du misérabilisme, comme vous le dites, mais dresser un constat lucide, que fait d’ailleurs également le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie dans son avis sur le dernier budget : « Le taux de croissance de la dépense intérieure de recherche-développement française est […] le plus bas des pays de l’OCDE, le seul qui ait diminué depuis 1995 significativement en dessous de la moyenne de l’OCDE. »
Si l’effet de ce texte sur la recherche tient plutôt du placebo, reconnaissons-lui tout de même le mérite de clarifier les différentes catégories de recherches sur la personne. Il ne permettra pas de relancer la recherche, mais il devrait du moins faciliter le travail des chercheurs. C’est donc un point positif.
En ce qui concerne la protection des personnes, nous déplorons la confusion maintenue autour des comités de protection des personnes. Ainsi, le fait que les promoteurs des recherches puissent choisir le comité qui les contrôlera ne nous paraît pas de bonne pratique. C’est un peu comme si une équipe de football désignait l’arbitre de ses prochaines rencontres ! D’autre part, si de nouvelles missions sont attribuées aux comités de protection des personnes, leurs moyens devraient être revus en conséquence, ce qui n’est pas le cas, puisque l’on est dans le cadre d’une proposition de loi, qui tombe donc sous le coup de l’article 40.
Mais nous sommes surtout préoccupés par le fait que ce texte entérine une confusion autour des missions de ces comités, qui ne sont ni des comités d’éthique ni des comités scientifiques. Je rappelle que les comités de protection des personnes, tels qu’ils ont été conçus par le législateur, sont chargés de vérifier que les dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent aux recherches impliquant les personnes sont respectées.
Évidemment, le même législateur peut décider de modifier ces missions. Mais, dans ce cas, qui vérifiera si les dispositions encadrant ces recherches sont bien respectées ? N’aurait-il pas été préférable de créer, à côté des CPP réhabilités dans leurs missions initiales, de véritables comités scientifiques au service des chercheurs ?
Une telle réflexion, intelligente et utile, aurait parfaitement trouvé sa place dans le cadre de la révision des lois de bioéthique, qui définissent les normes morales applicables aux sciences du vivant et les instances chargées de les faire respecter.
Reconnaissons néanmoins la clarification apportée pour les personnes non affiliées à la sécurité sociale, un amendement ayant précisé que les recherches et expérimentations effectuées sur ces dernières devaient présenter un risque, non pas minime, mais nul, ce qui est tout de même la moindre des choses.
La création d’une commission nationale chargée d’évaluer, d’harmoniser et de coordonner les activités des comités de protection des personnes est également un point positif.
Compte tenu de l’ensemble de ces remarques et des préoccupations que j’ai exprimées, nous ne pouvons pas approuver ce texte, mais nous pouvons nous abstenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
 

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Jacqueline
Fraysse

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