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Respect des principes de la République

Défendre les principes de la République, faire reculer l’intégrisme religieux et ses conséquences dramatiques, voilà de sérieux défis pour notre temps.

Si la loi que nous examinons était l’un des moyens d’y répondre, nous vous aurions volontiers suivis, nous, députés communistes, qui avons historiquement contribué à ce que la laïcité soit inscrite dans le préambule de la Constitution et qu’elle figure parmi les principes de la fonction publique moderne.

Hélas, nous en sommes loin. Au terme de nos débats, il apparaît que la loi s’éloigne de l’esprit de liberté qui a soufflé sur celle de 1905. Oui, la laïcité est la fille de la liberté, celle de croire ou de ne pas croire et de pratiquer sa religion dans le respect de l’ordre public. Permettez-moi, à cet égard, de rappeler les mots qu’Aristide Briand adressait au législateur, à propos de l’article 1er de la loi de 1905 : « La République ne saurait opprimer les consciences ou gêner, dans ses formes multiples, l’expression extérieure des sentiments religieux. » C’est bien en tant que liberté, que la laïcité est devenue un moyen efficace pour conforter l’esprit de concorde nationale.

Non, la laïcité n’oblige pas à la neutralité confessionnelle de la société et des individus qui la composent, mais à celle de l’État et de la République. Non, la laïcité n’a jamais supposé la neutralité religieuse dans l’espace public, mais la neutralité religieuse de l’espace public. Malheureusement, votre loi est une loi de restriction, plutôt qu’une loi de liberté. Je crains qu’elle nourrisse la division, plutôt que l’indispensable cohésion nationale.

Mais si ce texte n’est pas à la hauteur du travail opéré par nos augustes prédécesseurs de 1905, il n’est pas non plus au niveau du discours du Président de la République prononcé aux Mureaux. En ne traitant que des conséquences et pas des causes, et en négligeant ce qui fait le terreau des logiques séparatistes en cours, le texte se condamne à l’inefficacité. Au fond, il pose problème moins pour ce qu’il contient que pour ce qu’il ne contient pas. Cela justifiera l’abstention majoritaire de mon groupe.

En effet, où sont donc passées les mesures sociales promises par Emmanuel Macron ? Rien sur le déterminisme social qui ronge notre institution scolaire, dont l’affaiblissement fait plus pour le discrédit de la République que bien des discours séparatistes. Rien pour lutter contre les ghettos, pour corriger le séparatisme social et lutter contre les ruptures d’égalité républicaine dont souffrent les territoires comme le mien, que les services publics ont déserté et où les professeurs, les policiers, les médecins et les magistrats sont moins nombreux qu’ailleurs. Rien non plus pour lutter contre les discriminations et les entorses quotidiennes à l’égalité entre les citoyens.

Comment prétendre défendre la laïcité si, dans le même temps, des politiques sociales volontaristes ne sont pas mises en œuvre pour briser les chaînes du déterminisme ? Combien de temps allons-nous continuer à citer Jaurès sans le comprendre, lui qui écrivait « La République doit être laïque et sociale mais restera laïque parce qu’elle aura su être sociale » ? Nous avons régulièrement exprimé nos craintes d’une loi déséquilibrée, porteuse d’une vision étriquée de la République et pointant du doigt nos compatriotes de confession musulmane : elles ont été confortées non seulement par le contenu du texte et par nos débats mais aussi, disons-le, par les postures politiciennes du Gouvernement et du Président de la République.

Nous ne pouvons pas vous laisser instrumentaliser ainsi le débat législatif pour lancer la campagne de 2022. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

À force de chercher à tout prix à installer le scénario d’un duel entre M. Macron et Mme Le Pen, c’est le spectacle d’un duo qui nous est offert. Quel triste spectacle que celui proposé sur une chaîne publique par le ministre Darmanin jugeant Mme Le Pen trop molle,…

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. C’est vrai !

M. Stéphane Peu. …tandis que cette dernière reconnaissait qu’elle aurait pu écrire le livre du premier.

M. Gérald Darmanin, ministre. Le signer !

M. Stéphane Peu. Ces deux-là ne s’y seraient pas pris autrement s’ils avaient voulu montrer aux Français que, les concernant, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.

Tout montre depuis quatre ans que votre politique, loin d’être un rempart contre l’extrême droite, en est toujours plus le marchepied ; ne comptez pas sur nous pour vous assister dans cette funeste fuite en avant. Pour conclure, permettez-moi cette mise en garde, empruntée à Henri Guaino : la défaite morale précède toujours la défaite politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe FI.)

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