Nous sommes conviés à nous prononcer cet après-midi sur les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 19 juin dernier pour élaborer le texte définitif de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre l’intensification du risque incendie.
Après l’effroyable bilan des incendies de l’an dernier, à l’échelle de la France mais aussi de l’Europe, nous nous sommes félicités de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée. L’adaptation de la stratégie française de prévention et de lutte contre les incendies de forêt au contexte de dérèglement climatique est devenue une urgente nécessité.
Le texte qui nous est présenté a le mérite à cet égard de mettre en quelque sorte le pied dans la porte, en prévoyant des mesures qui vont dans le bon sens et contribuent à débroussailler – si vous me passez l’expression – le maquis administratif actuel.
Il ne règle pas tout, mais présente d’indéniables avancées. Il inclut la définition d’une véritable stratégie interministérielle visant à mieux coordonner, au plan national, la lutte contre les feux de forêt. Il renforce également les obligations légales de débroussaillement comme leur régime de sanctions. Il crée un régime simplifié pour l’adoption d’un plan de prévention des risques d’incendie de forêt, ce qui permettra d’élaborer plus rapidement les documents de protection des collectivités face au risque d’incendie. Il prévoit encore – ce qui représente un apport décisif de notre assemblée – l’exonération de la taxe sur les carburants, du malus écologique et du malus lié au poids. Ces exonérations représenteront plusieurs dizaines de millions d’euros pour les Sdis.
Nous avons cependant plusieurs regrets. Nous étions nombreux à réclamer, en premier lieu, que la stratégie nationale dresse un état des lieux des moyens humains, financiers et technologiques disponibles et mobilisables sur l’ensemble du territoire. L’exigence de cet état des lieux a été abandonnée. Le texte supprime aussi, par exemple, la référence à la gestion durable et multifonctionnelle des forêts dans le cadre de l’élaboration des plans simples de gestion et de leur accompagnement technique.
C’est toutefois l’article 34 qui concentre nos critiques : il est incompréhensible de ne pas inclure les employeurs publics dans le dispositif d’exonération de cotisations sociales en contrepartie de la disponibilité des agents sapeurs-pompiers volontaires.
Alors que la disponibilité de ces derniers profite avant tout aux petites communes, il n’est pas acceptable de refuser de consentir cette aide aux maires ruraux, surtout que ceux-ci mettent en place avec les départements – comme c’est le cas dans l’Allier – des conventions employeurs exemplaires s’agissant des questions liées à la disponibilité et à la non-retenue de salaire en cas d’intervention d’un employé volontaire.
En outre, le fait de réserver le dispositif aux nouveaux sapeurs-pompiers volontaires et non à ceux qui sont déjà en poste crée une rupture d’égalité discutable entre employeurs. Faudra-t-il qu’ils licencient leurs salariés sapeurs-pompiers volontaires pour les recruter de nouveau au 1er janvier 2024 ? Il y a là une certaine incohérence.
De manière plus générale, nous regrettons que le texte n’aille pas plus loin dans la valorisation de cet engagement en matière de parcours professionnel et de formation.
Puisque nous abordons la question des moyens, les sapeurs-pompiers soulignent entre autres exemples l’insuffisance du parc de camions-citernes forestiers. Ils chiffrent les besoins à 10 000 camions contre 3 700 actuellement. Avec un coût unitaire moyen de 300 000 euros, cet investissement sera hors de portée pour les Sdis. Le chef de l’État a promis des moyens supplémentaires d’investissement à hauteur de 150 millions d’euros, soit à peine 10 % de l’investissement dans les seuls camions-citernes. Il est donc indispensable de nous doter d’une programmation financière autrement ambitieuse.
Sur le terrain de la prévention aussi, les moyens manquent, comme en témoigne le recul préoccupant du service public forestier alors que les surfaces de forêt à gérer par chaque agent de l’ONF ont doublé en vingt ans, au détriment des missions de surveillance de départs de feux, de suivi sanitaire des peuplements et de contrôle de l’application de la réglementation.
En conclusion, si le présent texte comporte des avancées et fait un premier pas dans la bonne direction, la balle est maintenant dans le camp de l’exécutif, qui se doit de doter les Sdis, l’ONF, mais aussi le CNPF ou encore Météo-France des moyens matériels et humains nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.
Plus fondamentalement, la sécurité civile et la gestion des crises méritent un ministère, une idée que je défends avec mon collègue Pierre Morel-À-L’Huissier afin, entre autres, d’anticiper de façon plus efficace les incendies qui sont amenés à se multiplier, d’apporter des réponses à la crise du volontariat et de garantir la survie de notre modèle unique.
Sous le bénéfice de ces observations, nous apporterons donc notre soutien au présent texte.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)