CONGRES DU PARLEMENT
C’est avec une grande émotion et un grand bonheur que j’interviens au nom du groupe Gauche démocrate et républicaine pour ce vote si important pour notre pays et si décisif pour la vie des femmes. Ce matin, l’une des signataires du manifeste des 343 s’adressait ainsi aux jeunes femmes : « Vous avez dépassé nos rêves. On n’a jamais imaginé que le droit à l’IVG pourrait être inscrit dans la Constitution. » Madame, à notre tour de vous dire merci, ainsi qu’à toutes celles qui nous ont menés sur ce chemin – ce très long chemin –, car, sans vos luttes, rien de tout cela n’aurait été possible. Je remercie également les femmes, les nièces, les filles ou les petites-filles de parlementaires, qui ont contribué au vote décisif du Sénat.
En ce jour, les députés de mon groupe et moi-même adressons toute notre solidarité, notre soutien, ainsi que notre force aux femmes qui défendent ce droit à travers le monde et qui subissent en retour harcèlement, stigmatisation, violences physiques et procès. Les régressions comme les conquêtes ont une résonance mondiale. Force à vous, mesdames ! (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Nous pensons aussi à ces femmes obligées d’écouter le cœur du fœtus parce qu’une loi les y oblige, à celles qui consacrent toutes leurs économies à un déplacement dans un autre pays pour pouvoir avorter, aux 47 000 qui, chaque année, meurent dans le monde d’un avortement clandestin. Chers collègues, les femmes qui veulent avorter avortent ; c’est le cas depuis la nuit des temps. Lorsqu’elles ne disposent pas de ce droit, elles trouvent tous les moyens possibles pour mettre fin à leur grossesse, quitte à mettre leur vie en péril.
Pour nous, cette constitutionnalisation est loin de n’être qu’un symbole. Nous savons que même dans les grandes démocraties, le retour en arrière est possible. Nous savons aussi que lorsque l’extrême droite arrive au pouvoir, elle s’en prend d’abord aux droits des femmes, en particulier à leurs droits reproductifs.
À ceux qui nous ont expliqué que ce droit n’était pas en danger, je réponds qu’il suffit de regarder la vigueur et l’indignité avec lesquelles les anti-choix et les gardiens du patriarcat ont redoublé d’efforts pour que ce vote du Congrès n’advienne pas. À ceux qui nous ont adressé des fœtus en plastique, des fascicules faisant parler des embryons, qui ont comparé l’avortement à un meurtre, sachez que vous avez décuplé la force des féministes ; sachez que vous avez perdu. (Applaudissements sur plusieurs bancs. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée, et Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, applaudissent également.)
Pour nos mères, nos filles et nos sœurs d’ici et d’ailleurs, nous affirmons, ici et maintenant, que le droit à disposer de son corps est un droit fondamental et qu’il est essentiel à la liberté individuelle. Il constitue donc une condition indispensable à l’existence de toutes les autres libertés. Liberté, égalité, sororité !
Notre vote représente aussi pour nous une manière de se prémunir contre les politiques natalistes qui font du ventre des femmes une variable d’ajustement démographique, au mépris des droits fondamentaux.
Vous le savez, les premières propositions de loi relatives à la constitutionnalisation du recours à l’IVG, issues de la gauche, mais pas uniquement, n’étaient pas formulées comme celle que nous nous apprêtons à voter, et ce pour différentes raisons. D’abord, des conditions à l’exercice de ce droit peuvent être ajoutées, et malheureusement pour le pire. Ensuite, le projet de loi constitutionnelle n’inclut pas le droit à la contraception, qui est pourtant la cible privilégiée des attaques de ceux voulant remettre en cause le droit à l’IVG.
Ces compromis, nous les avons faits pour aboutir ; nous les assumons et nous en sommes fiers en approchant de l’issue du parcours de ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs.) Mais sachez que nous ne lâchons jamais parce que nos corps nous appartiennent, ainsi que nos choix.
Ce vote nous oblige. De fait, les restrictions de personnels dans les hôpitaux publics et les suppressions de centres d’orthogénie constituent des freins réels pour celles qui souhaitent avorter. (Applaudissements sur quelques bancs.) Cent trente centres IVG ont fermé au cours des quinze dernières années ! Les personnes en situation de pauvreté, de migration et d’exclusion ainsi que les personnes mineures en sont les premières victimes. Lors du procès de Bobigny, Gisèle Halimi nous avertissait : « C’est toujours la même classe, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et socialement, cette classe des sans-argent et des sans-relations qui est frappée. »
Ce vote nous engage, vous engage, mesdames, messieurs les ministres, à garantir également le droit de recourir à l’IVG en allouant des moyens à ce secteur. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Enfin, ce vote contribuera, je l’espère, à lever le tabou que demeure l’avortement et permettra ainsi à celles pour qui avorter n’est pas un drame de ne pas culpabiliser et à celles pour qui la décision ou le chemin sont plus difficiles de trouver les appuis nécessaires.
Parce que, nous ne le savons que trop, ce vote historique entraînera, dès demain, son lot de contre-offensives réactionnaires, soyons nombreuses à participer, le 8 mars, à la grève féministe, pour de nouvelles conquêtes féministes, pour l’égalité salariale, pour que nos luttes se transforment en victoires ! (De nombreux parlementaires, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)