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Explications de vote et scrutins

Pt accès au logement et urbanisme rénové

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.
M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, mesdames, messieurs, à l’issue de ce débat approfondi sur le projet de loi pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, il nous faut, hélas, bien dresser un constat : le compte n’y est pas. Les députés du Front de gauche ont pu mesurer, dans les travées de la Fête de l’Humanité, ce week-end, combien les attentes du peuple de gauche et du peuple de France sont fortes en matière de logement. Les familles sont prises à la gorge. Les dépenses pour se loger n’en finissent pas d’augmenter. Elles ont doublé en deux décennies. Nos concitoyens n’ignorent pas que l’ampleur de la crise du logement nécessite des décisions fortes.
À ce titre, ce projet de loi offre, certes, des perspectives, mais je les qualifierai de plus que mitigées. Il marque une occasion manquée : l’encadrement des loyers. Sur tous les bancs, nous constatons que les hausses des loyers ont été irrationnelles ces dernières années. C’est la raison pour laquelle il faut les faire baisser. Le texte se limite, pour l’essentiel à en prendre acte et, de fait, à les valider. Nous pensons que le dispositif d’encadrement qui nous est présenté n’aura pas d’effet bénéfique pour le pouvoir d’achat. Il ne concerne que le parc privé et que les zones tendues. Il est dépourvu de contrôle et de sanctions. Il comporte des trous au travers desquels certains seront ravis de passer.
Ainsi, il suffira pour un bailleur de prévoir des travaux pour échapper à tout encadrement ; le plus grave étant sans doute l’instauration d’un plancher pour les bas loyers. En effet, le projet de loi interdit les faibles loyers en zone tendue. Les personnes, souvent des personnes âgées, qui bénéficiaient d’un tarif correct parce qu’elles habitaient le même logement depuis des années verront donc leur loyer grimper brutalement. Il est, en somme, à craindre que ce dispositif, au lieu de faire baisser les loyers, ce que nous souhaitons, comme vous, madame la ministre, ait l’effet inverse. En instaurant un plafond supérieur de 20 % au loyer médian, il incitera de fait les propriétaires à atteindre ce chiffre.
Toutefois, ce projet de loi comporte aussi des avancées réelles. Je pense à la réglementation des professions de l’immobilier ou à la préfiguration de la garantie universelle des loyers. Les attaques démesurées de la droite contre ces mesures nous prouvent qu’elles sont progressistes. En effet, la GUL mutualisera les risques d’impayés, ce qui est bénéfique pour les propriétaires, et elle permettra la suppression du cautionnement, très inégalitaire.
Le volet territorial de ce projet de loi, disons-le tout net, est inacceptable. Aux côtés de nombreux élus locaux, les députés du Front de gauche sont de ceux qui refusent que l’intercommunalité se fasse à coup de matraque.
M. Marc Dolez. Très bien !
M. André Chassaigne. Aussi, les plans locaux d’urbanisme intercommunaux ne doivent pas devenir obligatoires.
M. Sylvain Berrios. Très bien !
M. André Chassaigne. Sur ce point, la loi ALUR est dans la continuité de la funeste loi sur les métropoles, ce coup de force mené ici même en juillet. Si des communes souhaitent élaborer un PLU à l’échelle intercommunale, cela doit se faire démocratiquement, dans le volontariat et la concertation.
M. Marc Laffineur. Très bien !
M. André Chassaigne. Autre point de friction, le désengagement de l’État dans l’application du droit des sols, ADS, à l’image d’ailleurs de la suppression progressive de l’ATESAT, assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, que les élus locaux connaissent bien.
M. François Sauvadet. C’est vrai !
M. André Chassaigne. Ce nouveau transfert de compétence non compensé constituera une lourde charge pour les intercommunalités comptant plus de 10 000 habitants et les communes rurales.
Certes, les députés du Front de gauche ont pu obtenir des avancées au cours des débats, notamment grâce au sens du dialogue de Mme la ministre, que je salue. Ainsi, les bailleurs marchands de sommeil ne pourront plus délivrer de congé pour échapper à la procédure d’insalubrité ou de péril. C’était une suggestion de nos amis de Droit au logement. En outre, sur proposition de ma collègue Jacqueline Fraysse, le délai de préavis de départ des allocataires de l’AAH, l’allocation pour adulte handicapé, sera raccourci à un mois au lieu de trois. Par ailleurs, les délais avant expulsion octroyés par le juge pourront aller jusqu’à trois ans au lieu d’un.
Nous nous réjouissons donc de l’adoption de plusieurs de nos propositions, mais le texte a également connu des infléchissements néfastes. Je pense notamment à l’amendement du rapporteur M. Goldberg sur les pénalités d’impayés. Les locataires qui ne parviennent pas à payer leur loyer dans les délais devront acquitter une pénalité pouvant désormais atteindre le tiers de celui-ci. À l’heure où les loyers atteignent des niveaux records et où le pouvoir d’achat de nos concitoyens connaît une baisse d’une ampleur inédite depuis trente ans, cet amendement ressemble à un coup de Trafalgar aussi injuste qu’inacceptable.
Pour ces raisons, les députés du Front de gauche s’abstiendront sur ce texte.
M. Marcel Rogemont. Courage, fuyons !
M. André Chassaigne. Notre vote est un appel à faire évoluer la loi au Sénat dans le sens de la justice, et je pense notamment aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux et à nos propositions sur l’indemnisation des locataires victimes de faux congés. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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