Interventions

Explications de vote et scrutins

Prorogation état d’urgence sanitaire

Je serai bref, car j’ai déjà formulé l’essentiel de mes arguments tout au long de la journée, lors de la discussion générale, puis de l’examen des articles. Je rappellerai simplement que le débat d’aujourd’hui n’oppose pas ceux qui mesurent la gravité de l’épidémie et ceux qui ne la mesureraient pas.

Je viens d’un département, la Seine-Saint-Denis, qui est celui qui a connu, au printemps dernier, la hausse la plus importante du taux de mortalité. Quand on vient de ce département – c’est aussi le cas d’autres territoires –, on a nécessairement dans son environnement immédiat, qu’il soit familial ou amical, des connaissances qui ont été victimes du covid-19. Nous ne traitons donc pas cette maladie avec légèreté.

Devant la reprise épidémique, si l’enjeu avait été de se donner des moyens exceptionnels pour faire face à une situation également exceptionnelle, mais dans un délai contraint, dans le respect du Parlement et du débat, dans la pleine conscience de la défiance des Français vis-à-vis des autorités et du discours publics – qui est un immense handicap pour être efficace dans la lutte contre le covid-19 et pour appeler à la responsabilité et au civisme de chacun –, je crois que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine aurait soutenu les décisions qui nous auraient été proposées.

Mais ces conditions n’ont pas été remplies. Je considère que nous assistons à une fuite en avant. Six mois – quatre d’état d’urgence sanitaire et deux de sortie de ce régime – de mise sous cloche de la démocratie, du débat public, de contrôle du Parlement : ce n’est pas possible ! Et, surtout, ce n’est pas de cette manière que nous susciterons l’adhésion des Français et une pleine conscience des dangers liés à cette épidémie. (M. François Ruffin applaudit.) La volonté de donner les pleins pouvoirs à l’exécutif et de lui permettre d’agir sans entraves m’apparaît comme une facilité, qui ne procurera d’ailleurs pas plus d’efficacité – j’en suis persuadé.

Pour toutes ces raisons, qui ne tiennent donc pas à l’appréciation de la crise mais à un désaccord profond sur la façon de faire et au caractère démocratique de la prise de décision, nous ne voterons pas ce texte.

Je conclurai par une remarque. Notre pays a vécu la moitié des cinq dernières années sous un régime d’état d’urgence, d’abord en réaction au terrorisme puis à la crise sanitaire. Dans une période historique où tout le monde s’accorde à reconnaître que nous entrons dans un monde tumultueux, avec de nombreuses crises climatiques, sociales, terroristes, épidémiques – certains estiment que ce n’est ni la première ni la dernière –, et ce monde est un véritable test pour les États de droit et les démocraties. Sommes-nous capables d’affronter ces grands enjeux et ces nombreuses crises auxquelles nous aurons à faire face en maintenant l’État de droit et la démocratie et en ne cédant rien sur nos grands principes ? Ou allons-nous céder sur tout cela par facilité ? Au fond, c’est une question civilisationnelle qui nous est posée.

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