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Explications de vote et scrutins

Prorogation de l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions - CMP

En cette période si délicate et inquiète de notre histoire, les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sont plus que jamais animés du sens des responsabilités qui incombe aux représentants du peuple.

C’est pourquoi, pour ce texte comme pour les précédents, nous avons souhaité explorer tous les chemins de concorde possibles, dans le seul but de restaurer la confiance des Françaises et des Français dans notre capacité à résoudre cette crise sanitaire.

Hélas ! En dépit des vertus démocratiques que certains voudront lui donner, l’accord trouvé aujourd’hui en commission mixte paritaire ne s’inscrit pas dans cette démarche, et ne constitue pas une bonne nouvelle pour notre pays. C’est le résultat d’un compromis – un petit compromis, aurais-je envie de dire – entre la majorité du Sénat et celle de l’Assemblée nationale.

Pour la majorité du Sénat, il était surtout question de la responsabilité pénale des maires. Il est vrai qu’il y a là une vraie question, et que la traiter n’est pas une mince affaire. Mais fallait-il pour autant, dans ce compromis, instituer le mécanisme qui a été trouvé en commission mixte paritaire, qui, quoi qu’on en dise, et quoique vous vous en défendiez, prépare le terrain à une possible amnistie générale pour toute les mauvaises décisions des décideurs publics, depuis le moindre maire de village, jusqu’aux plus hauts responsables et éventuellement aux ministres ?

Nous ne croyons pas qu’un tel dispositif est de nature à rassurer nos concitoyens sur la capacité de notre nation à affronter pareille crise. Nous pensons qu’il est dangereux pour la démocratie dans notre pays d’alimenter ainsi la suspicion et la défiance de nos concitoyens envers leurs responsables.

Pour la majorité de l’Assemblée, l’affaire se résumait surtout à la constitution d’un système d’information et de brigades sanitaires, dispositifs pour le moins inédits, qui ne vont pas sans poser problème en matière de respect des libertés fondamentales. Quoi qu’on en dise, avec le contact tracing, un présupposé de défiance vis-à-vis de nos concitoyens l’emporte.

Pourquoi les infantiliser ainsi ? Pourquoi, alors que le confinement – il aurait fallu pouvoir faire un bilan de la première phase de l’état d’urgence – a montré l’immense civisme, l’immense discipline de nos concitoyens ? Qui pouvait imaginer qu’en quelques heures, il serait possible de confiner de manière complète 66 millions de Français ? Or ils ont respecté, dans leur immense majorité, les règles. Pourquoi ne pas s’appuyer sur ce civisme, ce sens des responsabilités ? Pourquoi préférer une démarche plus autoritaire que citoyenne ?

Évidemment, tout cela préfigure l’application StopCovid, et nous regrettons le refus de la majorité, malgré les demandes que nous avons formulées dans nos amendements, de refuser qu’un débat ait lieu ici – non pas un débat formel et général, mais un vrai débat avec un texte législatif amendable –, concernant l’application StopCovid. Nous avions cru comprendre – sans doute à tort – que c’était l’engagement qu’avait pris le Premier ministre devant nous. Nous n’oublions pas l’essentiel du texte qui est soumis à notre vote – et que nous ne voterons pas. Il vise à proroger l’état d’urgence sanitaire.

Pour notre part, nous refusons de donner notre caution à ce régime juridique d’exception, qui concentre les pouvoirs entre les mains de l’exécutif, restreint les libertés fondamentales de chacun, et autorise le contrôle massif de la population. Nous refusons de donner quitus à cet état d’urgence sanitaire, alors que, je l’ai déjà dit et ne cesserai de le répéter, aucun bilan de celui-ci a été transmis à la représentation nationale, celle-ci n’ayant aucune idée de son efficience réelle, ou même supposée. Cela aurait pourtant été la moindre des choses avant de nous proposer de le proroger.

D’autres l’ont dit : on ne trouve rien dans ce texte concernant l’état d’urgence sociale dans lequel se trouve notre pays. Nous savons que, outre les immenses défis économiques et sociaux qui nous attendent, nous sommes d’ores et déjà confrontés à des urgences sociales. Dans mon département, en Seine-Saint-Denis, je le constate tous les jours : des gens ont faim, ont peur ; ils ne peuvent continuer à vivre dans la situation économique actuelle. Il aurait fallu à tout le moins avoir une attention pour eux, au delà des décisions déjà prises, afin de les rassurer. Or on ne trouve rien de cela dans le présent texte, nous donnant une raison supplémentaire de voter contre.

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Stéphane
Peu

Député de Seine-Saint-Denis (2ème circonscription)

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