Nous arrivons au terme de l’examen d’un texte censé combler l’absence d’une loi de programmation énergie et climat qui n’a jamais été présentée depuis 2023. Les gouvernements successifs se sont en effet dérobés devant leurs responsabilités et ont refusé de fixer le cap stratégique clair dont notre pays et les acteurs de l’énergie avaient besoin pour agir. Le premier ministre s’est résigné à mettre à l’ordre du jour la présente proposition de loi d’origine sénatoriale, tout en confirmant l’objectif d’une publication rapide de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) par décret. Au terme de nos débats, et puisque la fin du parcours de ce texte est plus qu’incertaine, tout porte à craindre qu’il n’en sera pas réellement tenu compte.
Votre tentative de rattrapage de façade ne trompe personne : sans étude d’impact ni travaux préparatoires, sans définition des grandes trajectoires et sans prospectives énergétiques, sans visibilité sur les soutiens publics et budgétaires, les conditions n’étaient pas réunies pour se hisser à la hauteur des enjeux.
Malgré la portée incertaine du texte, le groupe GDR a cherché à ne pas en rajouter en cédant à des logiques d’affrontement qui nous paraissent dépassées, opposant notamment ceux qui défendraient la sortie du nucléaire et le 100 % renouvelable à ceux qui s’acharneraient à miser sur le seul nucléaire en abandonnant toute perspective de développement des énergies renouvelables. Nous ne nous reconnaissons pas dans ces oppositions, surtout dans un contexte où les besoins en électricité – si l’on tient nos engagements climatiques – ne feront que croître et alors que toutes les filières industrielles exigent une planification robuste, sans a priori technologique.
La recherche d’un équilibre, comme l’a montré le travail du rapporteur – que nous saluons –, supposait aussi de ne pas sombrer dans une forme d’« auberge espagnole » énergétique, où toutes les énergies auraient été déclinées sous l’angle d’un pourcentage de mix électrique à atteindre en 2030 et en 2035. On sait par expérience que ce genre d’injonctions ne sont jamais tenues, d’autant moins du fait des incertitudes qui pèsent sur le système énergétique.
Nous savons aussi que nos concitoyens attendent une énergie à des prix accessibles et des mesures d’accompagnement à la hauteur de leurs efforts dans la transition écologique. Aussi nous réjouissons-nous de l’adoption des amendements du groupe GDR destinés à garantir la maîtrise publique de l’énergie et à favoriser la sortie du marché européen de l’énergie, tout comme de ceux visant à sanctuariser les moyens publics dédiés à la rénovation énergétique des logements ou à faire l’acquisition de véhicules propres, notamment dans les territoires ruraux où il ne peut exister de solution alternative crédible à la voiture individuelle. Malheureusement, les plus grandes incertitudes règnent, là aussi, quant au cap souhaité par le gouvernement – j’en veux pour preuve la suspension de MaPrimeRénov’ et les bricolages financiers incessants autour des aides publiques, dont les certificats d’économie d’énergie (CEE) prévus pour faciliter l’achat des véhicules électriques ont fourni un nouvel exemple.
Nous nous réjouissons du rétablissement en séance de l’article 3 relatif aux objectifs de politique énergétique liés à l’énergie nucléaire. Notre groupe a insisté sur la nécessité de développer la recherche et d’aborder enfin, avec volontarisme, la perspective d’un développement industriel des réacteurs électronucléaires de quatrième génération. Parce que cette technologie pourrait jouer un rôle crucial dans la transition et nous permettre de réduire durablement la charge des déchets ainsi que notre stock d’uranium appauvri, nous devons impérativement lui consacrer des investissements.
Cependant, nous avons aussi besoin de renforcer nos filières industrielles et notre production d’électricité renouvelable. L’adoption, à l’initiative du groupe Droite républicaine, avec le soutien du Rassemblement national, d’un moratoire sur tout projet d’énergie renouvelable, a malheureusement complètement déséquilibré le texte et créé de nombreuses incertitudes. Nos objectifs de programmation énergétique, nous le savons, dépendent aujourd’hui en priorité de notre capacité à électrifier massivement les usages, à anticiper les besoins en énergie liés à la nécessaire réindustrialisation du territoire, à réduire massivement nos émissions importées. Tout cela exige des investissements massifs qui ne sont pas mis sur la table.
Aussi ce texte, quel que soit le sort qui lui sera réservé, n’est-il que l’ombre d’un projet de loi de programmation : il est un nuage d’objectifs suspendus au grand vent contraire des injonctions budgétaires.
L’urgence climatique nous presse pourtant d’agir avec détermination et cohérence, sans nous réfugier dans des postures ni croire que l’on pourra régler les problèmes au fil de l’eau, dans l’improvisation permanente et sans moyens à la hauteur. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe GDR ne voteront pas le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Maxime Laisney applaudit également.)
Explications de vote et scrutins
Programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035
Publié le 24 juin 2025
Julien
Brugerolles
Député
du
Puy-de-Dôme (5ème circonscription)