Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 place nos armées sur le fil du rasoir. Il faut s’inquiéter de l’effondrement de la disponibilité des équipements et du temps d’entraînement dans les unités qui ne sont pas en opération.
La réduction du nombre de frégates, de patrouilleurs et d’avions de combat, la limitation du nombre de jours en mer des navires ou du temps d’entraînement des pilotes mettent en péril la protection de notre espace aérien et maritime.
L’équilibre budgétaire repose sur plusieurs paris risqués : pari du financement des équipements par la suppression de 23 500 postes avec cette fois-ci, nous l’espérons, une baisse de la masse salariale ; pari financier de recettes exceptionnelles à hauteur de plus de 6 milliards d’euros ; pari industriel de l’exportation du Rafale à partir de 2016…
M. Yves Fromion. Eh oui !
M. Jean-Jacques Candelier. …pari stratégique de la sanctuarisation de la dissuasion et, dans le même temps, multiplication des interventions extérieures.
Le texte comporte une clause de sauvegarde financière concernant les ressources exceptionnelles, qui prévoit une compensation intégrale en cas de non-réalisation afin de sécuriser la programmation financière.
M. Yves Fromion. On peut toujours rêver !
M. Jean-Jacques Candelier. Mais l’armée ne doit pas peser sur les autres missions de l’État. Par ailleurs, si l’exportation de 40 avions de chasse Rafale n’a pas lieu, ce sont près de 4 milliards que la France devra prendre en charge.
La MAP a remplacé la RGPP, mais les conséquences sont exactement les mêmes : 34 000 postes seront supprimés durant la période 2014-2019. Ces suppressions s’ajoutent aux 54 000 suppressions programmées sous la droite. On tente de nous rassurer en nous expliquant que l’essentiel de l’effort portera sur l’administration et le soutien. Cependant, l’état de nos forces opérationnelles dépend précisément de ces deux postes budgétaires.
Nous rejetons toute cession de participations dans les industries de défense, qui constitueraient, au nom de l’austérité, de nouveaux abandons de la maîtrise publique dans un secteur aussi déterminant pour la souveraineté nationale.
Par ailleurs, ce projet de loi met particulièrement l’accent sur les cyberattaques. Si le renforcement des moyens humains et matériels de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information est nécessaire, nous appelons à un moratoire sur tout nouveau régime d’exception en matière d’accès aux données des utilisateurs d’internet.
Ce projet de loi comporte certes quelques avancées, notamment le renforcement du contrôle parlementaire et des promesses d’amélioration du dialogue social.
M. Yves Fromion. En baisse !
M. Jean-Jacques Candelier. Nous verrons si le renforcement du dispositif d’indemnisation des victimes des essais nucléaires sera concluant. Nous en doutons, car la notion de risque négligeable figure toujours dans la loi.
Nous déplorons la logique de continuité alors qu’il faudrait une rupture dans nos choix stratégiques. Le Gouvernement affirme que notre défense et notre sécurité nationale ne se conçoivent pas en dehors du cadre de l’Alliance atlantique et de l’Union européenne. Nous pensons qu’il y a une contradiction majeure entre la volonté affichée d’autonomie et de réactivité de nos forces et l’inscription de notre stratégie au sein de l’OTAN et de l’Union européenne.
Nous contestons le choix de la sanctuarisation du nucléaire, qui représente une dépense de 3,4 milliards d’euros par an, soit 9,3 millions par jour.
Sur le terrain, on continue trop souvent à opérer avec des technologies d’ancienne génération et des véhicules datant des années 1970.
Cette loi de programmation militaire présente des risques sociaux importants, non seulement pour le ministère et ses personnels, mais aussi pour l’industrie de défense, avec des menaces sur l’emploi. Les externalisations vont continuer. Les services de maintenance industrielle sont clairement menacés.
Il faut une autre ambition pour notre armée, mission régalienne. Il faut réduire certaines sophistications excessives d’équipement, retisser le lien entre l’armée et la nation autour de la construction d’un outil de défense citoyen.
Nous proposons aussi la fermeture de nos bases militaires permanentes à l’étranger. Je vois que M. Fromion m’écoute…
M. Yves Fromion. Absolument !
M. Jean-Jacques Candelier. Merci, monsieur Fromion.
Les députés du Front de gauche, dans la continuité des critiques qu’ils ont opposées aux décisions prises en matière de défense sous la précédente législature, voteront contre ce projet de loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Source photo : Flickr - G Thorpe
Explications de vote et scrutins
Programmation militaire
Publié le 3 décembre 2013
Jean-Jacques
Candelier
Député
du
Nord (16ème circonscription)