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Explications de vote et scrutins

Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2028

Au moment où notre université souffre d’un sous-financement chronique organisé depuis plus de dix ans, où les enseignants se démènent pour pallier le manque de moyens humains et financiers, où, faute de places suffisantes, les étudiants se serrent toujours plus dans les amphithéâtres alors qu’on leur demande par ailleurs de respecter les distances physiques, où notre enseignement supérieur craque de partout, le Gouvernement et sa majorité imposent une loi sur la recherche qui a été massivement dénoncée.

Les députés communistes et le groupe GDR sont aux côtés des chercheuses et des chercheurs, des vacataires qui, malgré leur précarité, tiennent le système, de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs de ce secteur, qui voient dans ce projet de loi une chimère budgétaire et la promesse, pour leur carrière, d’une instabilité croissante.

Qui peut croire en la sincérité d’une loi de programmation qui fait reposer la grande majorité de l’effort budgétaire sur les quinquennats suivants ? qui court sur dix ans, ce qui la rend bien peu crédible, comme l’a relevé le Conseil d’État ? Cette loi est faite de promesses budgétaires qui n’engagent que ceux qui y croient – et ils sont peu nombreux.

En proposant d’augmenter le budget de la recherche d’environ 5 milliards d’ici à dix ans, la programmation que vous prévoyez ne vous permettra pas d’atteindre les objectifs visés : 3 % du PIB dédiés aux dépenses de recherche et 1 % du PIB consacré à la recherche publique – à moins que celui-ci ne s’écroule, ce qu’on ne saurait souhaiter. Il faudrait accorder 6 milliards d’euros supplémentaires à la recherche publique d’ici à 2022 pour créer un choc d’investissement suffisant et atteindre cet objectif.

Nous regrettons qu’aucun plan de titularisation massive ne figure dans le projet de loi, comme le déplore le Conseil économique, social et environnemental dans l’avis, adopté à l’unanimité et fermement opposé au texte, qu’il a rendu sur la LPPR.

La richesse de notre recherche, ce sont les hommes et les femmes qui la font au quotidien. Ils méritent autre chose que des CDI de mission ou un statut de vacataire. Le projet de loi malmène les chercheuses et les chercheurs au lieu de leur offrir la stabilité nécessaire à une recherche de qualité.

Les CDI de mission en sont la quintessence : appeler CDI un contrat dont l’échéance est la réalisation du projet ou de l’opération n’a pas de sens, si ce n’est celui d’affaiblir le principe même du CDI. Les chercheurs, ingénieurs, techniciens, femmes et hommes engagés au service de la recherche publique ne doivent pas être condamnés à la précarité. En refusant leur titularisation, en ouvrant la possibilité de les mettre à la porte une fois la mission terminée, la France se prive de grands talents et ne respecte pas l’apport de ces femmes et de ces hommes.

Les contrats de chaire junior attaquent un peu plus le statut de la fonction publique en privilégiant, encore une fois, la contractualisation, tout cela au nom de la compétitivité internationale. Compétitivité, concurrence : voilà les maîtres mots de ce projet de loi.

Alors que les chercheuses et les chercheurs réclament un rééquilibrage entre les financements garantis et les appels à projets, le texte ne s’engage qu’à l’augmentation substantielle du financement des appels à projets via l’ANR. Or ce modèle de financement entraîne de fortes difficultés : taux de succès très bas, perte de temps et d’énergie pour monter les dossiers, logique concurrentielle entre les laboratoires, contraintes sur la liberté de la recherche et concentration des moyens sur quelques équipes. Le personnel demande plus de financement garantis, mais le projet de loi va à rebours de ces attentes.

Enfin, le texte ne contient pas un mot sur le crédit d’impôt recherche, qui coûte à l’État 6,8 milliards d’euros. Il n’est pourtant assorti d’aucune contrepartie pour les entreprises, ni sur la nature des recherches menées, ni sur les emplois. Les députés communistes et le groupe GDR demandent depuis plusieurs années que ce crédit d’impôt soit accompagné de critères stricts ; plusieurs rapports, dont un de la Cour des comptes, ont pointé du doigt les logiques d’optimisation conduites par de grands groupes en vue de maximiser l’avantage fiscal permis par le crédit d’impôt recherche. Cette situation n’a que trop duré. Il serait profitable de réinvestir au moins une partie de cet argent dans la recherche publique. Voilà qui serait une vraie mesure budgétaire.

Chers collègues, les députés communistes et le groupe GDR proposent une autre vision de la recherche publique.

Nous sommes pour une recherche respectueuse des hommes et des femmes à son service, qui leur donne un cadre d’emploi et de recherche sécurisé leur permettant, en toute indépendance, de faire progresser nos connaissances par leurs travaux. Nous sommes pour une recherche libérée des logiques de marché, de concurrence et de course aux financements. Nous sommes pour une recherche pleinement en lien avec les citoyennes et les citoyens, ainsi qu’avec la représentation nationale.

Nous voterons résolument contre le texte et resterons mobilisés aux côtés du personnel et des étudiants qui défendent un autre modèle de recherche.

Le groupe GDR avait demandé à la conférence des présidents que ce projet de loi, qui, selon vous, est important, soit adopté par un vote solennel. La conférence des présidents a refusé ce vote qui aurait permis à tous les députés de s’exprimer. Nous le regrettons. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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