Près de 87 % du territoire, qu’il s’agisse des grandes agglomérations ou des campagnes, est un désert médical. Nul besoin d’égrener de nouveau les chiffres, qu’ils concernent le nombre de patients sans médecin traitant, les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, la densité médicale, les services d’urgence fonctionnant en mode dégradé, le reste à charge exorbitant pour les personnes ayant la chance d’intégrer un Ehpad ou le taux de mortalité néonatale – la France se situant désormais au vingtième rang européen. Nul besoin non plus de rappeler les milliards d’euros qui manquent pour que les hôpitaux et les établissements sociaux et médico-sociaux sortent de leur déficit structurel. Tout cela, nous le savons, et on nous le rappelle quotidiennement dans nos circonscriptions.
Le problème, qui est celui de tous les Français, c’est que le Gouvernement ne veut rien savoir de la scandaleuse réalité de l’accès aux soins dans notre pays.
Pour la deuxième année consécutive, il a privé la représentation nationale d’un débat sur le budget de la sécurité sociale. Aucune loi structurelle de santé publique ne nous a été soumise – et il semble qu’aucune ne le sera.
C’est donc avec à-propos que l’association UFC-Que choisir a saisi le 21 novembre dernier le Conseil d’État pour faire constater et sanctionner la coupable inaction gouvernementale et enjoindre l’État à prendre les mesures à la hauteur des enjeux.
Cette proposition de loi de nos collègues des groupes Renaissance et Horizons et apparentés n’inversera pas la donne, loin de là. Dès son titre, elle semble faire peser sur les seuls professionnels de santé l’amélioration de la situation que nous connaissons, exonérant l’État de ses propres responsabilités.
Or c’est précisément d’une politique de santé publique globale que nous avons besoin ; c’est d’une telle politique que les professionnels de santé ont besoin. Il ne sert donc à rien de brandir la territorialisation comme une réponse magique, en exhumant les CTS. Quels moyens seront attribués à l’animation territoriale de ces CTS ?
Nous continuons aussi à nourrir des doutes quant à la simplification de l’organisation locale de santé que vous nous promettez : quelle sera l’articulation entre les projets régionaux de santé, les projets territoriaux de santé des CTS et les projets médicaux et médico-sociaux des établissements, sachant que les périmètres géographiques seront différents et que les objectifs contractuels seront définis avec des tutelles distinctes ?
Quant aux mesures qui visaient à réguler le flux d’installation des médecins, elles ont été systématiquement repoussées, alors que cette régulation est déjà une réalité pour la plupart des autres professions de santé. Par ailleurs, le Sénat puis la CMP ont largement réduit la portée des dispositions qui tendaient à renforcer la participation des acteurs à la permanence des soins : il ne demeure qu’une demi-mesure enjoignant aux établissements publics et privés d’y participer selon que les carences constatées sont « persistantes » ou non.
Certes, quelques mesures allant dans le bon sens ont pu se glisser ici ou là dans le texte, notamment la création d’un nouvel indicateur territorial de l’offre de soins, l’introduction d’un préavis pour les professionnels quittant leurs fonctions ou encore la disposition visant à mieux protéger la santé physique et psychique des internes en médecine.
Eu égard à l’urgence, nous devons nous poser une seule question : cette réorganisation locale de la santé aura-t-elle un effet bénéfique pour les patients ? Obtiendront-ils un rendez-vous médical dans des délais enfin acceptables ? Auront-ils accès dans de meilleurs délais aux consultations médicales chez les spécialistes ? La coordination de leur parcours de soins s’en trouvera-t-elle confortée ? Nous sommes bien incapables de le dire car, à aucun moment cette proposition de loi, dépourvue d’étude d’impact et de budget, n’a été en mesure de le démontrer.
Pour toutes ces raisons, les députés communistes et ultramarins du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne soutiendront pas ce texte. En matière de santé publique, nous légiférons toujours à la marge des problèmes rencontrés par nos concitoyens en matière d’accès aux soins. Madame la ministre déléguée, je m’adresse à vous et vous prie de rapporter ces propos à M. le ministre de la santé et de la prévention : il faudra bien un jour avoir le courage de revoir le système d’installation des médecins, afin que les professionnels soient contraints de répondre aux besoins de santé de notre pays.
Il faudra bien revoir l’accès aux études de santé et leur coût, notamment les frais annexes, qui écartent des étudiants. Il faudra bien admettre la nécessité d’une prise en charge totale des études en contrepartie de l’exercice dans un territoire en souffrance. Ces exemples nous invitent à repenser la dichotomie persistante entre un mode libéral d’exercice et une prise en charge publique et solidaire de la santé. Il est urgent de répondre aux besoins de santé de notre pays.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – Mme Marie Pochon applaudit également.)