Interventions

Explications de vote et scrutins

PLFSS pour 2022

Le meilleur budget de tous les temps, de toute la terre, de tout le monde connu et inconnu, de tout l’univers visible et invisible. C’est la campagne de marketing qui accompagne ce vote.
Je comprends qu’il vous faille des mécanismes de protection psychologique pour assumer le bilan d’un quinquennat désastreux en matière de santé et de protection sociale. Et encore, vous n’êtes pas allés au bout de votre projet.

Donc en arrivant devant le radar de l’élection, vous levez un peu le pied. Il faut le reconnaître : vous ne demandez pas à l’hôpital de faire des économies cette année, contrairement aux quatre années précédentes. La vérité, c’est que vous n’avez pas le choix, mais que cela ne répare rien dans un système en crise profonde. Les plans sont toujours sur la table, avec une trajectoire prévisionnelle qui confirme la tendance sur la durée.

Deuxième aspect : nous votons une loi de financement – c’est son nom – dans laquelle on ne cherche pas à financer la sécurité sociale ; ce n’est pas le but. Le jeu, c’est justement de ne pas financer, de ne pas aller chercher l’argent disponible. La cotisation est l’exception, l’exonération est la règle. Résultat : c’est toujours les mêmes qui paient et vous nous présentez un budget en déséquilibre, après nous avoir donné des leçons sur les dettes publique et sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Il n’y a pas de doute, vous reviendrez dès que possible nous expliquer qu’il faut faire des économies, raboter nos droits et poursuivre le démantèlement de la sécurité sociale et du système de retraite. D’ailleurs, pensez-vous qu’on ne vous a pas vu, dans le compartiment d’à côté, démantibuler obstinément l’assurance chômage ?

La branche autonomie demeure sans recettes nouvelles et se révèle être un patchwork fait de récup’ arrachée aux autres branches. Changement de modèle pour le financement de la santé tout au long de la vie, mais la réforme de l’autonomie, avec ses transformations indispensables, son nécessaire grand service public et sa protection sociale solidaire augmentée, attendra encore.

Par ailleurs, vous ne semblez pas engager de mouvement suffisant face à la pénurie de médecins et de soignants. Votre stratégie face à l’intérim est mal maîtrisée et fait des dégâts collatéraux, mais nos propositions n’ont pas pu être examinées. Les besoins augmentent, les déserts médicaux s’étendent et les solutions que vous proposez relèvent du simple glissement de tâches. En somme, vous dérégulez sans par ailleurs réguler, sauf pour limiter l’accès direct aux professionnels spécialisés – je pense aux psychologues – et sans reconnaître les métiers comme ils le méritent – je pense aux sages-femmes. Je ne parlerai pas des mesures toujours imparfaites du Ségur saison 2 qui font encore des oubliés, ni des mesures encore insuffisantes pour les auxiliaires de vie scolaire.

Si elles ne fondent pas un changement de cap, il y a bien quelques mesures positives : l’amélioration opportune du congé de proche aidant, la contraception gratuite jusqu’à 25 ans ou les mesures en faveur des artistes auteurs et autrices. Mais c’est un peu la braderie, la dernière démarque avant travaux. Histoire d’envoyer quelques signaux apaisants, vous en avez ajouté encore un peu par des amendements gouvernementaux de raccroc que notre assemblée n’a pas pu véritablement appréhender. En réalité, c’est un peu comme si vous aviez des remords, des choses à vous faire pardonner.

Mais tout cela est sous contrôle : vous n’avez accepté que des amendements venus de la majorité, nous rappelant à nous, pauvres pêcheurs, qui refusons de le reconnaître, que vous êtes tellement parfaits.

Ce débat a été escamoté. Le Parlement regarde passer le train affrété par le Gouvernement. C’est la logique des choses : la veille du début de l’examen du PLFSS, nous nous étions déjà vu imposer un état d’urgence sanitaire prolongé et augmenté jusqu’en juillet 2022. Bilan de la semaine : le soin de l’humain – celui qui ne se quantifie pas dans les algorithmes, les plans d’efficience, les dotations à la qualité, les mesures d’ordre public, de contrôle, de surveillance – demeure en arrière-plan.

Loin de toute ambition sociale, le marché demeure votre horizon – on l’a vérifié pour les EHPAD, ou encore pour le médicament : toujours pas de pôle public en vue car l’excellence serait ailleurs – et la transparence aussi, de même que les dividendes. Vous n’allez pas au bout des modifications nécessaires dans la fixation des prix. La crise devrait nous amener à repenser en profondeur l’organisation de notre système de santé et de protection sociale, elle devrait nous amener à remettre en cause les choix qui, depuis des décennies, ont particulièrement abîmé la sécurité sociale, l’hôpital public et la solidarité. Vous vous êtes perdus dans votre rêverie, parce que le réel vous a rattrapé et vous a agrippé par le collet. Il n’entre pas dans vos cases, nous non plus : nous voterons contre le budget de la sécurité sociale.

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