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PLF 2018 - Gestion des Finances publiques (séance)

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, que l’on appelle cela « révision générale des politiques publiques » ou « modernisation de l’action publique », ce sont les mêmes principes qui ont été appliqués à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » depuis 2007 : une dégradation constante des conditions de travail des agents en lien avec des coupes budgétaires fréquentes et des suppressions massives de postes, que ce soit à la DGFIP ou dans l’administration des douanes.
Depuis 2002, près de 40 000 postes ont été supprimés à la DGFIP. Environ 1 200 trésoreries ont été fermées, dont plus de 600 depuis 2009, éloignant le contribuable du service public et faisant fi du maillage territorial nécessaire à la population. La logique est identique pour les douanes : en dix ans, plus de 3 000 postes ont été supprimés et de nombreux services ont disparu.
En coupant ainsi dans les crédits de cette mission, l’État se désengage de ses missions régaliennes au sein du ministère de l’économie et des finances.
Comme le rappelle le rapport OXFAM, selon les derniers calculs effectués par des chercheurs de l’université de l’ONU, la France est le pays de la zone euro qui perd le plus du fait de l’évasion fiscale des grandes entreprises. Ce sont ainsi au moins 20 milliards d’euros qui échappent chaque année à l’État français à cause de l’optimisation fiscale des grandes entreprises, soit plus des deux tiers des recettes fiscales de l’impôt sur les sociétés en 2016. La fraude et l’évasion fiscales coûtent, quant à elles, de 60 à 80 milliards d’euros par an à l’État.
Les outils juridiques sont faibles pour lutter contre l’évasion fiscale des grandes entreprises. Dans un contexte où plus de la majorité des échanges commerciaux se déroulent désormais entre les filiales d’une même entreprise, notre système fiscal ne semble plus adapté à l’économie actuelle. Les grandes entreprises sont alors les grandes gagnantes de ce tour de passe-passe fiscal.
Il en va de même pour les services de l’État, dont il faudrait renforcer la formation pour leur permettre de faire face à ceux qui ont les moyens de se payer des armadas de juristes et de fiscalistes pour échapper à l’impôt sur notre territoire. L’actualité des « Paradise Papers » et d’autres affaires du même genre mettent en lumière la nécessité de renforcer les moyens de l’État.
Bien sûr, le Gouvernement nous répondra que, pour 2018, les effectifs connaîtront une légère progression : 240 postes seront créés, dont 200 pour préparer le rétablissement d’une frontière douanière avec le Royaume-Uni dans la perspective de son retrait de l’Union européenne. Certes, mais les créations annoncées sont, précisément, liées principalement au Brexit et on sait déjà qu’elles seront insuffisantes à court terme, d’autant plus que, quasiment partout sur le territoire, les services sont déjà en situation de sous-effectif chronique.
Dans les faits, les suppressions vont bien continuer dans les services chargés des opérations commerciales et de la surveillance un peu partout sur le territoire, alors que les enjeux sont majeurs pour lutter contre le terrorisme, mettre en œuvre le Brexit, vérifier les marchandises dans un contexte de mondialisation, sécuriser les citoyens sur tous les territoires, y compris ultra-marins, garantir les recettes fiscales de l’État, accompagner les entreprises et lutter contre la fraude et les trafics.
Voilà bien, monsieur le ministre, l’incohérence et la contradiction qui existent entre les bonnes intentions affichées par le Gouvernement et le budget que vous présentez pour cette mission. On les retrouve dans la gestion des ressources humaines des services, désormais fusionnés, du Trésor et des impôts.
Comment imaginer le renforcement des relations dématérialisées entre l’usager et les services des finances publiques et la mise en œuvre du prélèvement à la source, ou comment ambitionner de rendre plus efficiente la politique immobilière de l’État en continuant à supprimer des services ou en fermant encore, comme annoncé, 800 nouvelles trésoreries dans les trois ans à venir. L’État manque d’autant plus à ses obligations quand il réduit les horaires d’accueil du public ou, comme il le fait par exemple dans la circonscription dont je suis élu, à Lurcy-Lévis, n’ouvre la perception que quelques heures par semaine, avec des agents non formés qui viennent spécialement du site central prendre leur tour de garde, pour que l’État continue de nous faire croire qu’il maintient un service local.
Les moyens de cette mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ne sont pas seulement inquiétants, ils sont infondés dans le contexte actuel. Ce gouvernement laisse encore plus de nos concitoyens sur le bas-côté, et pas seulement les plus fragiles d’entre eux. Il met à mal les territoires et leur cohésion sociale.
Pour ces raisons, les députés du groupe GDR ne voteront pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Poulliat, pour le groupe La République en marche.
M. Éric Poulliat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » s’inscrit pleinement dans le cadre du chantier pluriannuel de transformation de l’action publique, qui vise à réduire les dépenses publiques tout en améliorant la qualité des services au bénéfice des usagers. Les crédits alloués à cette mission participent directement à la réussite de cette démarche en dotant l’État d’outils de pilotage et de moyens de formation et d’innovation dans le domaine des ressources humaines.
Le montant des crédits alloués au programme 148, « Fonction publique », s’élève à 239,1 millions d’euros, soit une quasi-stabilité par rapport à la loi de finances de 2017.
Parmi les différentes actions de ce programme, je me félicite particulièrement du maintien des crédits en faveur de l’apprentissage, au sein de l’action 03, qui permettra enfin d’atteindre l’objectif, fixé en 2015, de 10 000 apprentis dans la fonction publique de l’État.
Je me réjouis également des 5 millions d’euros de crédits nouveaux qui permettront de mener une réelle politique de ressources humaines de l’État, conduite par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique, notamment par la création de deux fonds : le nouveau fonds des systèmes d’information RH, doté de 1,8 million d’euros, qui permettra une modernisation des modes de gestion des ressources humaines, et un fonds interministériel d’amélioration des conditions de travail, doté de 1 million d’euros. Selon le projet annuel de performance publique, « ces crédits constitueront un levier d’amélioration des conditions de travail en apportant un financement complémentaire à des projets identifiés par les acteurs locaux dans le cadre du dialogue de gestion avec les personnels mais dont le financement ne serait pas bouclé ».
Il faut toutefois nous donner les moyens de poursuivre ces démarches de modernisation de la gestion des ressources humaines.
Ainsi, les dispositifs de mobilité des agents, outils de reconnaissance et de motivation, ne sont encore que trop peu utilisés dans la fonction publique. À ce jour, en effet, moins de 4 % des mobilités interviennent entre les trois fonctions publiques. Il peut s’agir de mobilité « verticale », lorsque les agents prennent davantage de responsabilités au cours de leur carrière, ou « horizontale », lorsqu’elle s’exprime en termes de mobilité géographique et de changement de métier.
Pour que cette mobilité puisse s’exercer, les agents doivent pouvoir se former tout au long de leur carrière pour acquérir de nouvelles compétences ou s’adapter à de nouveaux environnements de travail. Or, force est de constater que le taux d’accès à la formation continue des agents de catégorie A reste plus important que celui des agents des catégories B et C, alors que ces derniers sont ceux qui en ont le plus besoin. La situation est encore plus compliquée pour les agents de catégories B et C employés par les plus petites structures et collectivités qui ne disposent pas de moyens suffisants pour soutenir une véritable politique de formation.
Pour favoriser les mobilités choisies plutôt que les mobilités subies, plusieurs innovations nous sont aujourd’hui proposées.
La création d’un portail numérique unique de l’emploi public en France, accessible à tous les agents publics des trois versants, m’apparaît opportune, conformément à la proposition de ma collègue rapporteure Émilie Chalas. En effet, de nombreux agents sont susceptibles d’exercer les mêmes métiers auprès d’un autre employeur public que leur fonction publique d’origine, mais il leur est souvent très difficile d’avoir une vision claire des postes vacants dans leur propre administration, et plus encore d’avoir connaissance des opportunités proposées dans d’autres administrations ou d’autres versants de la fonction publique.
Nous pourrions ainsi, monsieur le ministre, envisager d’étudier les conditions de réalisation d’une plateforme regroupant l’ensemble des emplois vacants dans les trois fonctions publiques et, éventuellement, d’y consacrer une part du fonds dédié à la transformation de l’administration, qui accompagne le processus Action publique 2022.
Dans le même ordre d’idées, des représentants des directeurs généraux de collectivités territoriales et certains élus locaux proposent de créer des bassins territoriaux de l’emploi public, au sein desquels seraient définis des plans territoriaux de formation, les vacances de postes dans les trois fonctions publiques étant mutualisées au niveau régional. Cela permettrait l’optimisation d’une gestion des ressources humaines inter-fonctions publiques.
Monsieur le ministre, je sais que ce sont autant de chantiers qui seront ouverts dans le cadre de la démarche Action publique 2022. Vous ne manquerez pas d’audace pour les conduire et reconnaitre ainsi la contribution des agents publics à notre richesse nationale et leur implication en sa faveur.
Mes chers collègues, je vous appelle à voter favorablement les crédits de ce programme et, plus largement, ceux de cette mission, car ils contribueront à la réussite de ce grand programme de transformation. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

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Jean-Paul
Dufrègne

Député de l' Allier (1ère circonscription)

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