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PLF 2012 : Administration générale et territoriale de l’Etat

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici donc un budget central dans la bonne conduite des politiques publiques et le respect de l’intérêt général !
Qu’il y ait une hausse due à l’organisation d’élections majeures en 2012, il y va de notre démocratie, mais comment cautionner, même en période de crise, la baisse affectant le fonctionnement de nos administrations préfectorales, d’autant que les réductions déjà drastiques dont nous sommes témoins aujourd’hui pourraient s’aggraver, à en croire l’alarmisme du Premier ministre ?
La semaine dernière, notre collègue Marc Le Fur se félicitait qu’entre 2009 et 2011, il n’ait été procédé – je le cite – qu’à un recrutement pour quatre, voire cinq départs à la retraite…
M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Je le constatais : c’est la vérité.
M. André Chassaigne. Cela va bien au-delà du non-remplacement d’un poste sur deux, qui est la règle.
La majorité continue de présenter la révision générale des politiques publiques comme étant destinée – je le cite toujours – à mieux satisfaire les usagers, à dynamiser les politiques publiques sur le territoire, à réaliser un gain de productivité grâce à une organisation plus performante des services, et à s’en satisfaire !
M. le Fur, toujours, insiste sur le souci constant d’améliorer le service rendu, et rappelle les délais courts de délivrance des passeports. Nous ne vivons décidément pas dans le même monde !
En Seine-Saint-Denis, par exemple, les cartes nationales d’identité, les passeports ou encore les titres de séjour obligent à une très longue attente. Je ne parle même pas de la manière dont sont traités les étrangers – qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière –, car ils ne parviennent plus à déposer leur dossier ou à obtenir un rendez-vous auprès des services. Ils sont systématiquement renvoyés vers des plateformes téléphoniques où, au mieux, ils attendent très patiemment et, au pire, voient leur communication coupée après de longs moments d’attente. De la même manière, ils sont renvoyés vers des services Internet qui ne fonctionnent pas ou qui ne disposent pas des informations nécessaires au traitement du dossier.
En Seine-Saint-Denis – mais il en est ainsi dans nombre de villes –, la seule évocation de la préfecture de Bobigny suscite les pires cauchemars, une vision kafkaïenne de l’administration, aussi lente qu’inefficace !
Aux interminables files d’attente qu’il faut prendre dès quatre heures du matin pour que sa requête soit éventuellement prise en compte vient s’ajouter l’humiliation de voir cette dernière rejetée avant même qu’elle ne soit instruite. Nous ne comptons plus les cas où le dossier ne peut être déposé sans raison valable : un jour, le nombre de dossiers acceptés est fixé à vingt ; un autre, il faut remplir tel critère ; un autre encore, ce sont des critères temporels qui entrent en ligne de compte. L’humiliation est totale, l’incompréhension majeure et l’image de notre République dégradée au plus haut point !
L’obligation d’instruction de toute demande, qui répond à des critères légaux, n’est plus de mise et illustre un grave dysfonctionnement. Là où l’État devrait être fort pour faire face à des demandes nombreuses, il ne cesse de s’affaiblir.
D’ailleurs, dans son dernier bilan annuel remis le 21 mars 2011, le Médiateur de la République va dans le même sens en dressant un sévère bilan de l’administration : « Le service public ne porte plus son nom. Contacter les administrations est devenu compliqué. L’administration a perdu sa capacité à faire du sur-mesure pour les personnes en difficulté » déplore Jean-Paul Delevoye, qui regrette par ailleurs les « restrictions budgétaires », le manque de moyens et de personnel qui se traduisent par « un service dégradé, de plus en plus complexe et de moins en moins accessible ».
Jérôme Lambert lui-même reprenait les propos de Jean-François Verdier, directeur général de l’administration et de la fonction publique, qui estimait que, « dans certaines préfectures ou sous-préfectures, on est arrivé, en termes de réduction d’effectifs, à la limite au-delà de laquelle certaines missions ne peuvent plus être remplies ». Je pourrais vous citer l’exemple de la sous-préfecture d’Ambert dans le Puy-de-dôme, où, à la suite de la révision générale des politiques publiques, on n’assure plus le service des cartes grises. La population, qui est âgée, modeste, qui achète des voitures d’occasion et qui en change souvent, doit se rendre à Clermont-Ferrand, à quatre-vingts kilomètres, ou à Thiers, à cinquante kilomètres, pour obtenir une carte grise. Est-ce acceptable ?
Tous ces signes venus de l’intérieur du système devraient vous alarmer. Au lieu de quoi, vous utilisez la crise pour couper plus encore dans les caisses de l’État, au détriment des secteurs qu’il faudrait protéger afin que le plus grand nombre soit lui-même protégé.
Nous pensons au contraire que la politique doit reprendre le dessus sur les seuls impératifs économiques et financiers. La garantie d’un traitement égalitaire des citoyens, quels que soient les territoires où ils habitent, leur situation sociale et économique, est un rempart majeur contre les effets de la crise dans la société. Protégés dans leurs droits fondamentaux par une République respectueuse, les citoyens se sentent plus forts et plus confiants.
La baisse des crédits adossée à une imparable RGPP régule le désengagement de l’État. Cela va à l’encontre d’une certaine idée de l’État dans l’exercice de ses missions de service public. C’est pourquoi nous ne voterons pas ce budget. En disant cela, je pense aux personnes âgées de cet arrondissement enclavé qui, dans leur sous-préfecture, ne peuvent plus obtenir leur carte grise alors que, dans d’autres secteurs, ce service est maintenu.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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