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Niche GDR : Traité transatlantique

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, nous nous félicitons que l’Assemblée ait pu enfin discuter de ce texte en séance publique. Ce n’était pas évident au départ. On nous a taxés d’opportunisme, mais je crois que tout le monde a bien compris qu’il était urgent de parler de ce projet d’accord de libre-échange, même à trois jours des élections européennes puisque les députés qui vont être élus auront à se prononcer sur ce texte et qu’il faut donc qu’ils connaissent l’état de l’opinion. Malheureusement, je crains que celle-ci ne soit peu informée des discussions en cours et de la nature de ce traité entre l’Europe et les États-Unis.
Il y a trois mois, quand il s’est rendu aux États-Unis, le président de la République française a fait une déclaration surprenante : « Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. » On ne peut pas exprimer plus clairement qu’on se méfie un peu de l’opinion publique… Nous ne partageons pas cette conception de la démocratie. Ne pas avoir consulté le Parlement avant de donner mandat à la Commission européenne constitue un péché originel ; de là découle l’opacité des négociations. Ainsi, comme l’a noté notre rapporteur, sur les 130 consultations qui se sont déroulées, 93 % ont réuni des représentants des multinationales et seulement 11 % des représentants des ONG ou des syndicats ! C’est éloquent. Les hauts fonctionnaires chargés des négociations défendront-ils les intérêts des citoyens ou les intérêts des multinationales ?
Tous les groupes politiques ont convenu des dangers potentiels de cet accord et de la nécessité d’une extrême vigilance. En comparaison, nous avons écouté bien peu d’arguments ce matin démontrant les bienfaits de ce traité. Le premier danger du marché transatlantique, c’est à l’évidence la perte de souveraineté des peuples et des États face aux multinationales.
M. Marc Dolez. Très juste !
M. François Asensi. Ainsi que nous l’avons démontré, le mécanisme de règlement des conflits figure bien dans le mandat accordé à la Commission, comme position commune des États membres donc de la France. C’est un mécanisme inacceptable dans son fondement. Nous refusons que les multinationales dictent leur volonté aux États et contestent les lois que les peuples se sont données car, demain, le principe du salaire minimum pourrait être contesté, de même que l’interdiction des gaz de schiste et des OGM.
Certes, les États pourront maintenir leurs réglementations, mais à quel prix ! Aux États-Unis, les demandes de dédommagements des multinationales atteignent la somme faramineuse de 14 milliards de dollars ! Évidemment, ce sont les États qui vont payer. En s’attaquant au pouvoir normatif des États, ce marché transatlantique rendra impossible la création de normes environnementales plus protectrices et de normes sociales ambitieuses au service des salariés.
Nous refusons cette fuite en avant vers une mondialisation sauvage, vers un monde où les puissances de l’argent dominent les aspirations des peuples.
Il faut mettre un coup d’arrêt à l’idéologie néolibérale qui nous conduit vers la faillite des États et la misère des populations.
Ce marché transatlantique aurait également des conséquences diplomatiques néfastes. Ce serait un pas de plus vers l’alignement de la France sur les positions américaines, un pas de plus vers la dilution de l’Union européenne comme puissance politique et diplomatique.
Nous allons appuyer les États-Unis dans l’offensive qu’ils mènent contre la Chine, en adoptant des normes communes. Or il faut y voir un redéploiement de l’impérialisme américain, le souci qu’ont les États-Unis de conserver leur hégémonie mondiale dans les affaires.
Pourquoi la première puissance économique mondiale, l’Europe, devrait-elle se dissoudre dans les intérêts de l’hyperpuissance américaine ?
À ces motifs de fond justifiant la fin des négociations, s’ajoutent des motifs de circonstances. Négocier avec les États-Unis au moment où ceux-ci espionnent nos intérêts stratégiques, c’est une pure folie. Les dés seront pipés, nos intérêts seront lésés.
Pour conclure, la majorité s’est employée à détricoter la résolution que nous avions déposée. Les garanties ambitieuses ont été supprimées tout comme la demande de suspension qui constituait le cœur de notre résolution.
Enfin, nos discussions l’ont montré : à ce jour, il n’existe aucune garantie que les parlements nationaux soient consultés sur cet accord à la fin des négociations. Le refus de la majorité d’inclure cette consultation obligatoire dans notre résolution est incompréhensible.
Dans ces conditions, vous comprendrez que, afin de réaffirmer notre demande de suspension des négociations sur le marché transatlantique, nous voterons contre notre propre résolution puisque celle-ci a été dénaturée par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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François
Asensi

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