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Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat - CMP

Ce devait être une loi pour le pouvoir d’achat, c’est une nouvelle loi de régression sociale. La macronie et Les Républicains sont pareils à deux minots qui passent devant une boulangerie : ils ne peuvent pas résister. Balayant l’essentiel de nos propositions, l’accord passé entre la majorité sénatoriale et la majorité présidentielle, cette alliance des droites, ce compromis entre des forces qui sont déjà souvent d’accord et qui partagent, comme cela a été dit, une même philosophie, n’est pas une surprise. Elle n’en est pas moins grave.

Une nouvelle fois, vous faites semblant de prendre de bonnes mesures, mais au-delà de celles qui relèvent du service « sous-minimum » – comme la déconjugalisation de l’AAH, tardive mais inéluctable –, vous en prenez beaucoup de mauvaises. Et vos intentions se précisant au fil du parcours législatif du texte, il est temps d’y mettre fin : on ne sait pas jusqu’où vous pourriez aller. Il nous revient ainsi du Sénat encore plus régressif. J’en veux pour preuve la gourmandise des parlementaires Les Républicains à laquelle vous avez cédé, qu’il s’agisse de la pérennisation des dispositifs d’encouragement à la pratique des heures supplémentaires ou de la monétisation des RTT.

C’est là encore une nouvelle façon de ne pas répondre à la nécessité d’augmenter la rémunération du travail et de revaloriser le SMIC et les salaires, en suggérant à ceux qui le peuvent de travailler plus pour tenter de garder la tête hors de l’eau – vieux proverbe sarkozyste, vieille recette libérale. Vieille lune, au passage, que de remettre en cause les 35 heures. Tout l’objet du texte est là : éviter le sujet central du salaire et continuer à défendre la modération salariale et la dégradation de la cotisation sociale.

Les exonérations grimpent d’un étage à chaque étape. C’est un cercle vicieux à cause duquel la dégradation des conditions de travail et des conditions de vie nourrit l’affaiblissement de la sécurité sociale qui servira lui-même à justifier de nouvelles régressions demain. J’en veux pour preuve également cet épisode désolant, quand le Gouvernement a demandé à l’Assemblée de revenir sur son vote d’une revalorisation des pensions et des minima sociaux alignée sur l’augmentation des prix. Vous avez donc résolument fait le choix de sous-revaloriser les retraites et de dégrader une nouvelle fois le pouvoir d’achat des retraités. J’en veux pour preuve encore la façon dont vous vous accrochez à cette prime virtuelle qu’un nombre restreint de salariés touchera, comme si elle était une solution – avec des aides publiques non ciblées, versées sans conditions (M. Arthur Delaporte applaudit) , dans le cadre d’un déplafonnement aux apparences spectaculaires. C’est la République des apparences.

Le Sénat a néanmoins eu la sagesse de vous alerter sur quelques hypocrisies trop visibles comme cette dénomination impropre de « prime de partage de la valeur », quand vous souhaitez si peu une autre répartition des richesses. Il a également pointé l’incongruité de menacer de fusionner les branches pour les inciter à négocier. Au 1er août, la majorité des branches conserve des minima au-dessous du SMIC.

Vous êtes en train de fabriquer un pays de bas salaires, un pays où le travail est mal reconnu, mal rémunéré pour une trop large part de femmes et d’hommes. Nombre de travailleurs et de travailleuses vivent mal de leur labeur.

On nous explique en permanence qu’il faut s’attaquer au coût du travail – vous n’osez d’ailleurs plus le dire si fort mais vous agissez toujours dans ce sens – et qu’il faut gagner la course effrénée à la compétitivité qui crée pourtant tant de souffrance au travail. Quand donc allez-vous vous attaquer au coût du capital, au coût de la finance, au coût de l’usure, au coût de la spéculation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – M. Arthur Delaporte applaudit également.) Quand allez-vous vous attaquer au coût social et environnemental de cette folle course au profit et de ce creusement permanent des inégalités ?
On nous explique que la modération salariale permettrait de juguler l’inflation. Nous ne le vérifions pas par les temps qui courent. La modération salariale pèse en revanche sur le quotidien et sur la nature de notre développement et elle permet à la finance de prospérer sans limite. Vous aviez là l’occasion d’agir contre l’inflation, qui n’est pas née hier. Or votre projet de loi, au lieu de conforter le pouvoir d’achat, protège le pouvoir pacha – celui de la finance. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)

Enfin, les mesures que vous prenez concernant l’énergie continuent à affaiblir EDF alors que nous aurions tant besoin d’un service public de l’énergie. Elles trahissent votre absence d’anticipation et de planification. Une inaction qui vous conduit aujourd’hui à prendre des mesures qui, au Havre, s’affranchissent de garanties environnementales et de sécurité. Vous admettez par ailleurs l’importation de gaz de schiste ; nous nous y opposons. Au bout du compte, qu’aurez-vous fait vraiment pour le pouvoir d’achat ? Ce que vous aurez fait est au mieux insuffisant, au pire nuisible. Pendant ce temps, nombre de femmes et d’hommes, nombre de familles vivent mal dans notre pays. Il y a des minots qui passent devant des boulangeries et qui n’ont pas d’autre choix que de résister. Alors, il faudrait une loi pour le pouvoir d’achat, ce serait une loi de progrès social. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

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