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Sécurité intérieure et luttre contre le terrorisme

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans un mouvement, initié depuis plusieurs années, de durcissement de l’arsenal administratif dans le combat contre le terrorisme.

Face à cette évolution, une question apparaît essentielle : la multiplication des textes est-elle efficace dans cette lutte ? Nous pensons que la réponse est négative.

Nous l’avons dit : le constat d’une utilité à bout de souffle des mesures exceptionnelles de l’état d’urgence a été largement formulé par plusieurs rapports parlementaires, ainsi que par le Président de la République lui-même, qui a également souligné que la législation actuelle permettait de combattre efficacement le terrorisme.

Notre législation antiterroriste est en effet substantielle. Elle a connu ces dernières années un renforcement graduel, et de nombreux experts et de hauts magistrats considèrent aujourd’hui qu’elle est suffisante. Sous la précédente législature, de nombreuses lois sont allées dans ce sens, poursuivant cette évolution en dérogeant à certains principes essentiels du droit pénal, de la procédure pénale, et plus largement des libertés et des droits fondamentaux.

Aujourd’hui, alors qu’aucun bilan complet et détaillé de l’efficacité des nombreuses lois antiterroristes n’a été dressé, vous nous demandez de souscrire à un nouveau renforcement du pouvoir exécutif. Or nous considérons qu’il faut nous appuyer sur notre législation de droit commun pour affronter, de manière réfléchie et sur le long terme, le terrorisme international et intérieur.

Nous le répétons, la lutte contre le terrorisme doit passer avant tout par un combat contre ce qui le nourrit, en particulier contre son financement. Nous allons déposer une demande de commission d’enquête sur le financement des filières terroristes, demande qui nous avait été refusée il y a deux ans déjà. Il faut aussi lutter contre ce qui le nourrit indirectement, à savoir les conflits, les inégalités, les discriminations, la marginalisation sociale, qui forment le véritable terreau du terrorisme.

M. le Premier ministre l’a d’ailleurs dit lui-même, voilà quelques instants encore, et c’est ce débat que nous souhaitions avoir. Nous considérons plus particulièrement qu’il est nécessaire, face au constat d’échec des expérimentations pour la prévention de la radicalisation, de mettre en place un comité interministériel qui réunirait experts et décideurs politiques pour réfléchir à une approche globale de la prévention de la radicalisation et des actions de dissuasion du terrorisme.

Dans un contexte de menace prégnante, garantir l’unité et la cohésion nationales est essentiel. Pour ce faire, tous les leviers doivent être actionnés, de l’école au monde du travail, en passant par la culture, l’éducation, la santé, pour que personne ne soit abandonné, laissé sur le bord du chemin.

L’enjeu de la lutte contre le terrorisme réside moins dans le renforcement de l’arsenal administratif que dans celui des moyens humains et matériels de la police, des douanes, de la justice et bien entendu des services de renseignement, lesquels peinent à se relever de la réforme de 2008.

Le travail de terrain est un élément indispensable à la prévention du terrorisme. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’une police de proximité au plus près de la population et des observateurs du quotidien nombreux au plus près des publics les plus fragilisés.

Or cette réforme reste malheureusement silencieuse sur toutes ces questions essentielles. Sur le texte lui-même, alors que la commission des lois de notre assemblée avait déjà supprimé les quelques garanties apportées par le Sénat, vous avez, durant les débats, repoussé tous les amendements visant à encadrer plus strictement les prérogatives de l’autorité administrative, de préciser des notions juridiques floues, de circonscrire la portée de certaines mesures.

En définitive, nous vous le disons avec gravité mais sereinement, ce projet de loi ne va pas selon nous dans le sens d’une meilleure efficacité.

La sécurité et la lutte contre le terrorisme passent par un équilibre entre le rôle de l’autorité administrative et celui de l’autorité judiciaire. Elle ne passe pas par un glissement vers une logique de suspicion. Il est indispensable d’agir avec fermeté contre le terrorisme. Le respect de la séparation des pouvoirs, le respect des libertés individuelles et leur contrôle ne doivent comporter aucune faille. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ce projet de loi.

J’ajouterai, monsieur le ministre d’État, en mon nom propre et au nom de mon groupe, qu’au-delà des divergences de vues et de vote, nous souhaitons sincèrement que vos choix soient utiles à la sauvegarde de l’intégrité physique et morale des Français. Nous prenons date avec responsabilité de l’échéance d’évaluation de cette loi, fixée à 2020. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Vote solennel

Analyse du scrutin : sécurité intérieur et lutte contre le terrorisme - 3 octobre 2017
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