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Lutter contre les surtranspositions en matière agricole

La majorité nous propose d’approuver une résolution dont l’objet est de lutter contre les surtranspositions en matière d’interdiction des pesticides. Ce texte invite le Gouvernement à défendre, au niveau européen, la généralisation des clauses miroirs dans les traités internationaux et dans les réglementations communautaires. Il lui demande également d’accroître les financements attribués aux programmes de recherche et de renforcer l’accompagnement et le conseil individuel auprès des agriculteurs, pour accélérer la diffusion de pratiques alternatives. Jusqu’ici, pas de problème.

Nous souscrivons aussi à l’idée que la réglementation européenne peut parfois être aberrante, comme lorsqu’elle considère qu’il revient au pays exportateur d’arrêter la définition de la qualité de ses produits. Cela conduit par exemple à ce que les bananes de République dominicaine importées en Europe, qualifiées par leur pays producteur de bananes bio conformément à sa législation, soient vendues en France sous cette appellation, alors qu’elles subissent des traitements phytosanitaires. À l’inverse, des bananes françaises provenant de Martinique et de Guadeloupe ne peuvent pas être vendues comme « bio » au titre de la législation française, bien qu’elles ne subissent pas les mêmes traitements phytosanitaires que les précédentes.

C’est une vraie rupture d’égalité. De ce point de vue, la clause miroir est une bonne chose. Ce problème vaut aussi pour les fraisiers français, confrontés à des fraises polonaises infectées à souhait, ou pour les pommes de terre allemandes qui bénéficient d’une législation laxiste, quand celle de la France est stricte.

Pour remédier à ces difficultés bien réelles, votre texte suggère cependant d’adopter une logique de moins-disant environnemental et sanitaire. Vous laissez notamment entendre qu’en interdisant cinq néonicotinoïdes dès 2016, la France n’a pas joué un rôle de précurseur mais a porté inutilement préjudice aux producteurs. Ce raisonnement nous conduit sur une pente dangereuse, celle du renoncement, alors que, depuis 2008, les pouvoirs publics s’efforcent – sans succès – de réduire l’utilisation des pesticides et d’engager la transformation de notre modèle agricole.

Avec ce texte, vous mettez vos pas dans ceux du Gouvernement qui, sous prétexte de respecter le cadre européen et rien que le cadre européen, assume ouvertement de privilégier le statu quo dans la protection de la santé et de l’environnement. Cette nouvelle stratégie s’illustre depuis quelques mois dans une campagne à peine voilée de dénigrement à l’encontre de l’Anses.

Fin mars, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a ainsi demandé à l’Anses de revenir sur sa volonté d’interdire les principaux usages de l’herbicide S-métolachlore, qui est encore autorisé dans l’Union européenne. Bien que l’Anses ait mis en évidence que ce pesticide est responsable d’une vaste pollution des nappes phréatiques à des niveaux inacceptables, le ministre a ouvertement déclaré : « L’Anses n’a pas vocation à décider de tout, tout le temps, en dehors du champ européen et sans jamais penser aux conséquences pour nos filières. » Autrement dit, vous choisissez ouvertement de privilégier les intérêts économiques de court terme plutôt que de défendre l’intérêt général, la santé et l’environnement. (M. Dominique Potier applaudit.)
Nous ne pouvons évidemment vous suivre dans cette voie. Avec 85 000 tonnes de pesticides répandus chaque année, la France en est le premier consommateur européen et le troisième consommateur mondial. Elle se doit de réduire de manière volontariste sa dépendance à ces produits. Promouvoir une agriculture économe en pesticides suppose des moyens de recherche et d’accompagnement, mais aussi une transformation plus générale de l’écosystème agricole, pour le mettre au service de notre souveraineté alimentaire et en finir avec le dumping social et environnemental à grande échelle qui prévaut actuellement. Vouloir, comme vous le faites, qu’aucune interdiction de substances ne vienne jamais contrarier la course aux volumes et au rendement, c’est renoncer d’avance à la transformation durable de notre système agricole ; c’est mettre le programme de lutte contre les pesticides entre les mains du pouvoir économique, et priver le Parlement de ses prérogatives dans ce domaine.

Si nous partageons en partie les préoccupations exprimées dans la proposition de résolution, nous refusons d’en rabattre – comme vous le proposez – sur nos ambitions en matière de réduction des pesticides. Nos priorités sont les suivantes : protéger notre agriculture des logiques mortifères de la mondialisation libérale, accélérer la transition agroécologique, accompagner les agriculteurs techniquement et financièrement, soutenir les programmes de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), développer les formations et garantir des revenus décents aux paysans. Les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES s’abstiendront donc sur ce texte.

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